Méconnu chez l'adulte, alors que sa prévalence se situerait entre 2 et 4 % voire plus de 20 % dans la patientèle en addictologie et 26 % dans la population carcérale, le trouble déficit de l'attention avec ou sans hyperactivité (TDAH) doit être mieux diagnostiqué et pris en charge, appelle la coordination nationale TDAH adultes*.
Le constat est sévère : le TDAH chez l'adulte est sous-diagnostiqué et l'accès aux soins est tout sauf fluide, avec d'importants délais pour un avis spécialisé puis un suivi, un manque de structuration des soins, et des difficultés à obtenir des traitements, médicamenteux ou non, sans parler de leur remboursement. « Comparée à la plupart des pays européens, la France accuse un retard dans la prise en charge du TDAH de l'adulte », accuse la coordination.
Troubles neurodéveloppementaux et santé mentale
Plusieurs facteurs expliquent cette situation, à commencer par une sous-estimation historique (« idéologique », lit-on) du rôle des troubles neurodéveloppementaux dans les problématiques de santé mentale. Viennent ensuite l'idée que le TDAH ne concernerait que les enfants (auxquels il a longtemps été proposé exclusivement des mesures psychoéducatives) et une vision négative de la part du corps médical des médicaments utilisés, sans oublier les obstacles réglementaires. Aucune molécule ne dispose ainsi d'autorisation de mise sur le marché (AMM) pour le TDAH chez l'adulte, ce qui ferme la possibilité de remboursement pour ces patients.
« Ils subissent une double peine : au défaut de diagnostic durant l’enfance avec perte de chance pour 90 % d'entre eux, s’ajoute un défaut d’accès aux soins à l’âge adulte », dénonce la coordination, évoquant un véritable problème de santé publique, avec un coût élevé pour la société (précarité, chômage, addictions, comorbidités psychiatriques aggravées et hospitalisations, incarcérations, accidentologie).
Réévaluer l'AMM du méthylphénidate
Dans un document transmis en novembre et décembre 2020 aux autorités politiques et sanitaires, la coordination demande de favoriser l'accès au traitement médicamenteux de référence, à savoir le méthylphénidate, en déclenchant une réévaluation du texte d'AMM, et en élargissement ses indications aux adultes, y compris en initiation de traitement. « Certaines contre-indications du traitement doivent être réévaluées (conduites addictives, troubles de l'humeur, de la personnalité) car elles excluent de fait une grande majorité de patients adultes, alors que les études et observations démontrent que ces contre-indications seraient plutôt des indications à traiter ».
La coordination demande le remboursement de ce traitement de premier recours, ainsi que des traitements médicamenteux alternatifs (atomoxétine, lisdéxamfétamine, guanfacine). Et propose des modalités de prescription sécurisées pour prévenir le risque de mésusage ou d'abus. Les spécialistes préconisent en outre que le méthylphénidate figure sur la liste des médicaments à marge thérapeutique étroite, afin que soit inscrite la mention « non substituable MTE » : « aucune des spécialités de méthylphénidate à libération prolongée n'est exactement superposable à une autre (...) La priorité doit être donnée au confort attentionnel apporté à chaque patient tout au long de sa journée et selon les besoins liés à ses activités », lit-on.
Créer des filières de soins pluridisciplinaires
Par ailleurs, la coordination sollicite une valorisation de l'évaluation et du diagnostic (par le biais par exemple de la consultation très complexe déjà instaurée dans l'autisme), ainsi que le remboursement de thérapies non médicamenteuses (psychothérapies, ergothérapie, remédiation cognitive). Le TDAH devrait aussi, selon elle, être inscrit sur la liste des affections longue durée (ALD).
Enfin, les spécialistes appellent à repenser l'organisation des soins pour les adultes, en organisant des filières de soins régionales pluridisciplinaires, dédiées au TDAH de l'adulte. Une mise au point publiée dans « L'Encéphale » en décembre 2019 fait référence dans la prise en charge du TDAH chez l'adulte, rappelle la coordination.
*Créée en juillet 2018, la coordination compte quelque 65 membres psychiatres, addictologues, neurologues ou pharmacologues, exerçant en libéral ou dans le public. Elle est soutenue par la Fédération française d'addictologie (FFA).
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