« Les patients mineurs ne devraient pas être accueillis avec des adultes de plus de 25 ans », recommandait en 2017 le Contrôleur général des lieux de privation de liberté. Fin 2021, c’était la Défenseure des droits Claire Hédon qui demandait que cette interdiction soit inscrite dans la loi.
« Une réflexion doit être menée sur la prise en charge des adolescents et jeunes adultes en psychiatrie, convient le Dr Jean Chambry, président de la Société française de psychiatrie de l’enfant et de l’adolescent (SFPEADA). Un mineur ne peut se retrouver, pour un premier contact avec la psychiatrie, dans un service où sont hospitalisées des personnes plus âgées avec un lourd parcours psychiatrique : c’est un choc, y compris pour la famille, sans parler des risques d’agressions. »
Selon un audit de la Fédération régionale de recherche en psychiatrie et santé mentale Hauts-de-France (F2RSM Psy) auprès d’une soixantaine d’unités d’hospitalisation psy adulte en 2018, 94 % d’entre elles accueillaient des adolescents, sans disposer de lits spécifiques ; seulement la moitié proposait une prise en charge ad hoc, moins de 20 % organisaient des réunions entre psychiatres adultes et pédopsys.
Un accès aux soins difficile
Plus largement, la question de l’hospitalisation des mineurs en psychiatrie adulte – parfois seule possibilité faute de place en pédopsychiatrie – n’est qu’un révélateur des difficultés de leur accès aux soins psy. « Les maisons des adolescents permettent une prévention et un repérage des difficultés. Mais lorsqu’il y a besoin d’un suivi, l’offre libérale est quasi inexistante, et les délais des centres médico-psychologiques sont parfois décourageants », analyse le Dr Chambry. Les ruptures sont fréquentes : « contrairement à la pédiatrie, il y a un retard dans la réflexion sur la transition de la pédopsychiatrie à la psychiatrie adulte », ajoute-t-il.
Pourtant, la clinique de cette tranche d’âge est spécifique. « Tout l’enjeu est de différencier un mal-être adolescent des premiers signes d’entrée dans la maladie psychiatrique (bipolarité, schizophrénie) », résume le Dr Chambry. Distinction d’autant plus délicate que les épisodes psychotiques peuvent se manifester au début par des symptômes aspécifiques. « Le jeune n’est pas délirant ni dissocié, mais certains symptômes ont un impact fonctionnel : du mal à se concentrer à l’école, le sentiment d’être différent, un rapport perturbé à lui-même… », précise la Dr Anne-Laure Garnier, pédopsychiatre à l’hôpital Robert Ballanger (Aulnay-sous-Bois). Les soignants doivent donc adopter une approche systémique et travailler en lien avec les parents, mais aussi l’école, voire la protection de l’enfance le cas échéant.
Des unités spécifiques
Malgré ce sombre constat, des dispositifs émergent. Comme à l’hôpital Robert Ballanger qui propose un accueil pour les ados de la 6e à la terminale, permettant de les orienter vers un suivi ambulatoire et pluridisciplinaire, individuel ou en groupe.
L’établissement dispose d’une unité d’hospitalisation pédopsychiatrique pour adolescents de huit lits, pour hospitaliser pendant plusieurs semaines les jeunes lorsque le suivi ambulatoire ne suffit plus. Un hôpital de jour pour les ados vient aussi d’ouvrir.
En outre, une équipe de liaison travaille en pédiatrie auprès des jeunes hospitalisés après une crise suicidaire ou un passage aux urgences. « Après une évaluation somatique, nous les hospitalisons pendant une semaine afin de faire un diagnostic de situation et réorienter vers un suivi adapté », explique la Dr Garnier. « Contrairement aux lits ados, où il y a déjà bien souvent eu un suivi psy préalable, la liaison en pédiatrie est une première accroche avec les soins dans un service accueillant », précise-t-elle.
À Sainte-Anne (GHU Paris), le Centre d’évaluation pour les jeunes adultes et adolescents (C’JAAD) reçoit les jeunes de 15 à 30 ans pour repérer ceux qui sont à risque et assure un suivi en ambulatoire (environ pour un tiers des patients), parfois pendant deux ou trois ans. « Et même dans le cadre d’une évaluation longue, on revoit la personne. D’autant que l’annonce du diagnostic est un choc pour les personnes et les familles, tant la stigmatisation persiste », explique la Dr Valentine Morin, psychiatre responsable du C’JAAD.
Des centres similaires commencent à se développer en France. « Les équipes s’y intéressent : voir les patients s’améliorer et se rétablir, car ils sont pris en charge précocement, est gratifiant », estime la Dr Morin.
Plusieurs réformes devraient améliorer l’accès aux soins des jeunes, espère le Dr Chambry, à commencer par celle des autorisations d’exercice. « Il sera demandé qu’il n’y ait plus de mineurs hospitalisés en adultes, et que les unités 15-25 ans fonctionnent avec des psychiatres de l’adulte et de l’adolescent », explique-t-il. Il applaudit la réforme de la formation des psychiatres, qui entérine la filière pour les jeunes et qui ouvre l’addictologie aux pédopsychiatres. Reste à approfondir en parallèle la réflexion sur le respect des droits des mineurs, le consentement et la place de l’isolement et de la contention.
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