Et maintenant ? Si le monde de la psychiatrie et de la santé mentale a salué la tenue des Assises des 27 et 28 septembre derniers et apprécié l'attention portée au plus haut niveau de l'État, symbolisée par la présence d'Emmanuel Macron, il est désormais suspendu à la mise en place des moyens concrets. Et redoute qu'ils soient bien en deçà des besoins de la population et des acteurs de la psychiatrie.
Il y a certes unanimité sur le constat et les grandes orientations mises en avant par Emmanuel Macron, comme la réaffirmation du secteur, le déploiement des maisons des adolescents et d'une offre de psychiatrie en périnatalité, la coordination des projets territoriaux de santé mentale, la reconnaissance de fermetures de lits trop brutales, ou encore la généralisation des programmes de premiers secours en santé mentale (PSSM) ou le remboursement des consultations de psychologues.
« Mais nous resteront vigilants à ce que les travaux en cours sur le financement de la psychiatrie et ceux sur le régime des autorisations s’inscrivent clairement dans la déclinaison opérationnelle de cette déclaration présidentielle qui ne peut s’accommoder d’une fragmentation du soin et l’oubli des nécessités territoriales de proximité et de continuité des prises en charge », préviennent dans un communiqué commun une douzaine d'instances*.
Des problèmes sans réponse
Les mêmes dénoncent l'absence de réponses apportées à des problèmes majeurs, comme l'attractivité de la psychiatrie. « La mesure de la crise démographique sans précédent des personnels en psychiatrie, notamment médicaux et de ses raisons profondes, est loin d’avoir été prise en compte : la problématique de l’attractivité de la discipline reste entière malgré l’annonce de mesures largement insuffisantes pour y répondre », écrivent les organisations signataires.
Elles ciblent notamment l'annonce des 800 postes supplémentaires (non médicaux) dans les centres médico-psychologiques (CMP) : « le renforcement des équipes des CMP sera très faible en fin de compte sur le terrain, et trouvera bien vite ses limites devant les difficultés de ces structures à pourvoir des postes déjà bien souvent non occupés », lit-on. « Le compte n'y est pas, pour une véritable restauration de la psychiatrie publique », commente auprès du « Quotidien », l'un des co-auteurs, le Dr Norbert Skurnik, président de l’Intersyndicale de la défense de la psychiatrie publique (IDEPP).
Des absences
En outre, les acteurs de la psychiatrie dénoncent la mise en sourdine de certaines problématiques qui travaillent la profession, comme la réforme de l'isolement et de la contention, remise sur le métier à la faveur du nouveau projet de loi de financement de la sécurité sociale, celle de l'irresponsabilité pénale, ou tout simplement, les situations cliniques complexes auxquelles sont souvent confrontées les équipes de secteur, dont celles exerçant en milieu carcéral.
D'autres voix regrettent une approche très hospitalo-centrée de la psychiatrie, et même de l'addictologie. « Malgré une journée nationale au printemps dernier, soutenue par le gouvernement, ouverte par Olivier Véran, où nous appelions à décloisonner addictions et santé mentale, et à prendre en charge les personnes dans leur globalité, la Fédération Addiction n'a pas été invitée » constate son président le Dr Jean-Michel Delile. « La dimension addicto a été prise sous l'angle des CHU, au détriment de la réalité de terrain : le médico-social, les CSAPA [centres de soin, d'accompagnement et de prévention en addictologie], les services hospitaliers de base ».
« Le segment social et médico-social, porté par le secteur associatif, n’a pratiquement pas été abordé dans l’intervention présidentielle, notamment s’agissant du handicap psychique », le rejoint le Dr Denis Leguay, président de Santé Mentale France.
Quant à l'Unafam, qui représente les proches et familles des personnes vivant avec des troubles psychiques, elle interpelle d’ores et déjà les candidats à l'élection présidentielle autour de 10 mesures, à commencer par le lancement d'un vrai plan pour la psychiatrie et la santé mentale porté par une agence nationale, avec un budget double de celui d'aujourd'hui.
* Association des secteurs de psychiatrie en milieu pénitentiaire (ASPMP), Syndicat des psychiatres des hôpitaux (SPH), Fédération française de la psychiatrie (Fédépsychiatrie), Union syndicale de la psychiatrie (USP), Conférence nationale des présidents de commissions médicales d’établissement de centres hospitaliers, Fédération française des psychologues et de psychologie (FFPP), Conférence nationale des présidents de commissions médicales d’établissement de centres hospitaliers spécialisés, Association des établissements du service public de santé mentale (AdESM), Comité d’études des formations infirmières et des pratiques en psychiatrie (CEFI-Psy), Association nationale des psychiatres présidents et vice-présidents de commissions médicales d'établissements des centres hospitaliers (ANPCME), Intersyndicale de la défense de la psychiatrie publique (IDEPP), Syndicat des psychiatres d’exercice public (SPEP), Fédération nationale des associations d’usagers en psychiatrie (FNAPSY).
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