C'est une nouvelle illustration des inégalités (et difficultés) d'accès aux soins psychiatriques que livre le dernier numéro de l'Institut de recherche et documentation en économie de la santé (Irdes), en se penchant sur l'électroconvulsivothérapie (ECT).
Aussi appelée sismothérapie, cette pratique consiste à induire une crise d’épilepsie sous anesthésie générale en délivrant un courant électrique bref à travers le crâne. Indiquée dans les troubles psychiques sévères, l'ECT fait l'objet de recommandations de bonnes pratiques depuis 1998 (Anaes), réaffirmée en 2017 par la Haute Autorité de santé (HAS). Elle doit notamment être prescrite, après recueil du consentement, dans le cadre de la pharmacorésistance et de la mise en jeu du pronostic vital, après échec des autres thérapeutiques. Elle est administrée par un psychiatre et un anesthésiste dans un bloc opératoire ou une salle de réveil. Le traitement curatif de fond comporte 12 à 20 séances, mais l'ECT peut aussi être administrée en urgence ponctuellement.
Une pratique rare, réalisée dans le respect des recos
En s'appuyant sur les données issues du Programme de médicalisation des systèmes d’information en médecine, chirurgie et obstétrique (PMSI-MCO) et du Recueil d’informations médicalisé en psychiatrie (Rim-P), l'équipe de Magali Coldefy établit à 3 705 le nombre de personnes qui ont reçu un traitement par ECT en 2019, dont 3 288 adultes, soit 1,1 % des majeurs hospitalisés.
Se dégage un certain profil : des femmes, plus âgées que la moyenne des patients hospitalisés, souffrant plus fréquemment de dépression sévère ou complexe et de troubles bipolaires, avec des marqueurs de sévérité plus prononcés. Ce qui est en phase avec les recommandations nationales, commentent les auteurs, tout en notant néanmoins que 7 % des personnes avec de l'ECT ont été diagnostiquées comme souffrant de dépression légère ou d'autres troubles (anxieux, liés aux usagers…). Un résultat qui « interroge sur la pertinence de l'adressage de certains patients vers ce traitement, et qui pourrait également être lié aux particularités de la pose d’un diagnostic en psychiatrie et de son codage », lit-on.
Des disparités liées à la présence d'un plateau technique
Les auteurs s'interrogent surtout sur les disparités de recours à l'ECT entre les établissements, alors que l'organisation territoriale de la psychiatrie, à travers le secteur, est censée garantir l'homogénéité de l'offre de soins. Ces disparités s'expliquent bien moins par les caractéristiques individuelles des patients, que par celles de l’établissement de suivi psychiatrique principal et de son territoire d’implantation.
Le recours à l'ECT est ainsi plus fréquent pour les patients hospitalisés dans un centre hospitalier universitaire (CHU). Cela peut s'expliquer, lit-on, par un accès plus simple aux anesthésistes, à la présence de centres experts dans certains CHU, ou encore à une meilleure diffusion des recommandations de bonnes pratiques dans des contextes universitaires.
La probabilité de recours à l'ECT dépend aussi de la présence d'un plateau technique : elle est ainsi 4 fois plus élevée dans les établissements qui en sont dotés, que lorsque le plateau est à près de 50 km de l'établissement de suivi du patient. Ce hiatus peut s'expliquer par la meilleure connaissance de cette pratique par des cliniciens proches d'un plateau d'ECT (d'autant que les séances doivent être rapprochées), mais aussi par des inégalités d'accès. En pâtiraient ainsi des patients pour lesquels le traitement est indiqué mais qui seraient suivis trop loin des ressources techniques nécessaires ou pour lesquels aucune coordination n’a été mise en place avec des établissements pouvant réaliser ces actes.
Contre de telles « pertes de chances » pour ces patients résistants aux traitements usuels, l'équipe de Magali Coldefy plaide pour l'amélioration de l'adressage (plus formalisé et fluide) entre établissements psychiatriques et plateaux techniques d'ECT. « Si cette pratique hyperspécialisée n’a pas vocation à être disponible en proximité, son accès doit être facilité par une meilleure coordination des soins », concluent les auteurs.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024