AU COURS des rhumatismes inflammatoires, en particulier dans la polyarthrite rhumatoïde (PR) et le lupus érythémateux systémique (LES), ainsi qu’au cours des spondylarthropathies, le risque cardio-vasculaire (CV) est augmenté (1) à tel point que les maladies cardio-vasculaires constituent la première cause d’augmentation de la mortalité au cours de la PR. Cela est vrai pour les cardiopathies ischémiques, dont la létalité est de 59 % supérieure à celle observée dans la population générale, et pour les accidents vasculaires cérébraux (+52 %). Il en va de même de la morbidité cardio-vasculaire, également augmentée en cas de PR. Celle-ci peut être considérée comme un facteur de risque cardio-vasculaire aussi important que le diabète. C’est pour ces raisons que la Haute Autorité de santé a précisé que « compte tenu de la fréquence de la morbidité cardiovasculaire associée à la PR, les autres facteurs de risque cardiovasculaire doivent être systématiquement et régulièrement recherchés et si possible corrigés (arrêt du tabac, dyslipidémie, HTA, diabète, obésité, décroissance d’une corticothérapie) ».
Des facteurs de gravité reconnus par l’EULAR.
Le risque cardio-vasculaire est plus important lorsque des facteurs de gravité, reconnus par l’EULAR, sont présents (2). Ces facteurs sont l’ancienneté de l’évolution de la polyarthrite rhumatoïde (› 10 ans), si les facteurs rhumatoïdes ou les anticorps antipeptide citrique citrulliné sont positifs et en cas de manifestations extra-articulaires.
Pour le rhumatisme psoriasique et la spondylarthrite, les données de la littérature, moins abondantes, mettent également en évidence une mortalité globale 1,6 à 1,9 fois supérieure à celle de la population générale, ainsi qu’une surmortalité cardio-vasculaire estimée entre 20 et 40 % selon les travaux. La morbimortalité cardio-vasculaire est également augmentée au cours du lupus érythémateux systémique. Ce risque, qui était de l’ordre de 5 à 6 fois le risque de la population générale dans les premiers travaux, notamment chez les patientes de 35 à 44 ans, semble en réalité moindre (3). Le risque cardio-vasculaire est ainsi doublé dans la Nurse’s Health Study.
Calculer le risque cardio-vasculaire du patient.
Cet excès de risque aurait peut-être pu être en partie explicable par une augmentation du nombre et/ou de la gravité des facteurs de risque traditionnels comme le tabagisme, le diabète, l’hypertension artérielle ou les dyslipidémies. Toutefois, après ajustement sur ces facteurs de risque, l’accroissement reste très élevé et ne s’explique donc pas, pour l’essentiel, de cette manière.
L’élément déterminant qui semble expliquer en majeure partie l’augmentation du risque cardio-vasculaire est l’inflammation. Le lien entre athérosclérose et présence d’une réaction inflammatoire dans le tissu vasculaire a été établi de manière claire à toutes les phases de la plaque athéromateuse. L’inflammation induit par ailleurs une dyslipidémie qui se manifeste par une diminution du HDL cholestérol et une augmentation du rapport cholestérol total/HDL cholestérol. Or, la concentration sérique en HDL cholestérol et le risque font l’objet d’une relation inverse. Réciproquement, une augmentation du HDL cholestérol de 1 % s’accompagne d’une réduction du risque d’accident cardio-vasculaire de 2 %. Enfin, le rôle délétère du LDL cholestérol dans l’athérogenèse a été bien démontré. Chaque réduction de 1 % de sa valeur entraîne une diminution du risque d’événement cardio-vasculaire de 1 %.
Il est recommandé de mettre en place une prise en charge nutritionnelle rigoureuse et adaptée pour chaque patient.
Quand les mesures hygiénodiététiques sont insuffisantes, les recommandations en vigueur prévoient la prescription d’une statine. En France, en ce qui concerne le LDL cholestérol, l’objectif dépend des autres facteurs de risque cardio-vasculaires*. Il a été conseillé de considérer la polyarthrite rhumatoïde comme un facteur de risque additionnel (4). Si on évalue le risque cardio-vasculaire global à partir d’une équation de risque, il faut, selon les recommandations de L’EULAR, le multiplier par 1,5 lorsque la PR a deux des trois caractéristiques suivantes (évolution › 10 ans, FR ou anti-CCP positifs, manifestations extra-articulaires) (2). L’EULAR conseille d’évaluer le risque CV en utilisant l’équation de SCORE. En France, il est aussi possible d’utiliser l’équation de Framingham (4). Celle-ci donne un risque d’événement, alors que l’équation SCORE donne un risque de mortalité cardio-vasculaire. Si le risque CV est évalué selon l’équation de Framingham, « il semble raisonnable par extrapolation de multiplier le risque par 1,5 lorsque le patient répond aux critères proposés par l’EULAR », précise le Pr Martin Soubrier. L’existence d’un risque d’événement cardio-vasculaire supérieur à 20 % à 10 ans doit faire considérer le patient comme à haut risque cardio-vasculaire avec un objectif pour le LDL cholestérol à 1 g/l (2,6 mmol/l), comme en prévention secondaire. Cela s’applique également au rhumatisme psoriasique et à la SA, même si les preuves sont plus limitées. Au cours du lupus, les auteurs anglo-saxons considèrent que LDL cholestérol doit être inférieur à 2,6 mmol/l (1,0 g/l) (3). La prescription d’une statine doit être systématique, qu’il y ait ou non des facteurs de risque CV associés, lorsque le LDL cholestérol est supérieur à 3,4 mmol/l (1,30 g/l). Lorsque le LDL cholestérol est compris entre 2,6 mmol/l et 3,4 mmol/l, il faut, dans un premier temps, envisager des mesures diététiques, réduire la corticothérapie si cela est possible et prescrire si ce n’est pas déjà le cas des antipaludéens de synthèse qui peuvent améliorer le profil lipidique. Si ces mesures sont insuffisantes, il faut ensuite prescrire une statine. La tension artérielle doit être équilibrée, avec au cours du lupus, un objectif à 130/80 mmHg (3). Les autres facteurs de risque CV devront être combattus (tabagisme, surpoids) et l’activité physique devra être régulière (30 min par jour, 3 à 4 fois par semaine).
D’après un entretien avec le Pr Martin Soubrier, service de rhumatologie, hôpital Gabriel Montpied, CHU de Clermont-Ferrand.
*Les recommandations de l’Affsaps sur la prise en charge du patient dyslipidémique sont disponibles sur le site de l’Agence, www.afssaps.fr ,rubrique "Publications" puis "Recommandations de bonne pratique".
(1) Soubrier M, Bruckert E. Joint Bone Spine 2010;77(2):93-5.
(2) Peters M, et coll. Ann Rheum Dis 2010;69(2):325-31.
(3) Soubrier M, et coll. Joint Bone Spine 2007;74:566-70.
(4) Soubrier M. Revue du Rhumatisme monographies 2010. doi:10.1016/j.monrhu.2010.01.006.
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024