L’enfance est une période critique pour l’acquisition de la masse osseuse qui augmente jusque vers l’âge de 25 ans, âge du pic de masse osseuse, corrélé au risque de développer une ostéoporose à l’âge adulte.
Chez l’enfant, le terme de fragilité osseuse est préféré à celui d’ostéoporose.
Elle est beaucoup moins bien connue que l’ostéoporose chez l’adulte et pourtant très fréquente.
L’évocation d’une fragilité osseuse repose avant tout sur les manifestations cliniques (fractures vertébrales ou fractures des os longs : ≥ 2 avant 10 ans et ≥ 3 avant 19 ans) plus que sur l’évaluation de la masse osseuse.
Des recommandations nationales ont été élaborées afin d’identifier les facteurs de risque de fragilité osseuse chez l’enfant, de préciser les méthodes d’évaluation et de déterminer les mesures préventives et curatives (1).
De nombreux facteurs de risque associés
Les facteurs de risque de fragilité osseuse secondaire sont multiples et souvent associés.
Les mécanismes principaux chez l’enfant sont l’absence d’acquisition de la marche et la diminution de la mobilité articulaire (maladies neurologiques ou ostéoarticulaires), l’inflammation chronique (maladie de Crohn ou rhumatismes inflammatoires chroniques), les insuffisances hormonales (déficit en hormone de croissance et/ou retard pubertaire/hypogonadisme), la dénutrition (mucoviscidose, insuffisance intestinale, anorexie), certains traitements médicamenteux (glucocorticoïdes, anti-convulsivants) et des facteurs génétiques de susceptibilité. Souvent, les enfants concernés cumulent plusieurs facteurs de risque. Dans tous ces cas, une évaluation osseuse initiale, puis une surveillance sont essentielles.
Des fractures fréquentes
Comme l’a expliqué le Pr Thomas Édouard (CHU de Toulouse, lors de la 37e Journée scientifique du GRIO, « les fractures des os longs sont très fréquentes dans toutes les pathologies chroniques (40 % en cas de myopathie et d’anorexie). Elles sont principalement localisées au niveau des membres inférieurs (fémur). Elles peuvent être présentes dès le début de la maladie, notamment dans les maladies génétiques (syndrome de Rett, mucoviscidose…) ».
Les fractures vertébrales sont également fréquentes, principalement associées à une corticothérapie par voie orale ou IV à forte dose et/ou prolongée, supérieure à 3 mois (pathologies rhumatismales, syndrome néphrotique, leucémies, myopathie…). Elles se retrouvent aussi dans les pathologies avec atteinte motrice (25 %), sans corticothérapie. « Ces fractures vertébrales sont sous-diagnostiquées car asymptomatiques dans plus de la moitié des cas et les radiographies de rachis n’étant pas réalisées de manière systématique. Elles peuvent apparaître chez des enfants ayant une masse osseuse normale (DMO > -2 Z-score) ».
L’ostéodensitométrie, difficile à interpréter
Même si la définition de la fragilité osseuse chez l’enfant est d’abord clinique, la détermination de la masse osseuse par ostéodensitométrie (corps entier sans la tête) est une étape importante dans l’évaluation des enfants à risque. « Cependant, il est important de connaître les limites techniques lors de l’interprétation des résultats de cet examen facile à prescrire mais difficile à interpréter, souligne le Pr Thomas Édouard. Les mesures effectuées dépendent en effet de nombreux paramètres : âge, genre, origine ethnique, taille, maturation osseuse (âge osseux), puberté » L’ostéodensitométrie doit toujours être associée à la réalisation de radiographies du rachis thoraco-lombaire de face et de profil, idéalement par système EOS (à la recherche de fractures vertébrales) et une évaluation de l’état nutritionnel ainsi que des apports en calcium et en vitamine D.
Mesures préventives
Il convient en premier lieu, de contrôler la maladie causale (recherche de la dose de corticoïdes minimale efficace…), d’assurer un état nutritionnel satisfaisant (lutter contre la dénutrition, la surcharge pondérale…) des apports calciques et en vitamine D recommandés pour l’âge, de renforcer la masse musculaire (pratique d’une activité physique régulière…) et de corriger d’éventuels déficits hormonaux (hypogonadisme).
Les mesures curatives s’adressent aux enfants souffrant d’une fragilité osseuse symptomatique en association à un traitement orthopédique adapté. Les bisphosphonates par voie IV sont utilisés hors AMM. La durée du traitement dépend de l’évolution de la maladie sous-jacente et du contrôle des facteurs de risque.
D’après la communication du Pr Thomas Édouard (CHU de Toulouse) lors de la 37e Journée scientifique du GRIO
(1) Edouard T et al. Guidelines for the management of children at risk of secondary bone fragility : expert opinion of a French working group. Arch Pediatr. Oct 2020 ; 27(7) : 393-8
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