La rhumatologie interventionnelle n’est pas née d’hier. « Elle a débuté avec les infiltrations, d’abord réalisées en repères cliniques, puis davantage avec un guidage radiographique, et plus récemment échographique. Elle présente l’avantage d’être plus précise. La sécurité et la qualité du geste étant supérieures à une infiltration en repère clinique, on a alors la certitude d’injecter le produit au cœur du problème, explique le Dr Henri Lellouche, hôpital Lariboisière (Paris). Récemment, l’enseignement de l’échographie a d’ailleurs été intégré à la rhumatologie de sorte que la majorité des jeunes rhumatologues savent faire une injection sous contrôle échographique ». Mais certains ont voulu aller encore plus loin en proposant des gestes nouveaux, performants et qui permettent bien souvent d’éviter des techniques plus invasives.
Un champ d’application en plein développement
La maladie de Dupuytren qui peut conduire à une main en griffe est un bon exemple : « elle peut être traitée par voie percutanée, notamment dans des centres de rhumatologie interventionnelle. Ces centres novateurs s’équipent d’échographes extrêmement performants, offrant la possibilité d’exécuter des gestes sophistiqués et souvent d’éviter le bloc opératoire au patient. Autres gestes réalisés dans ces centres : ponctionner une calcification d’épaule ou faire une section de poulie pour un doigt à ressaut », énumère le Dr Lellouche. Pour le doigt à ressaut, les résultats intermédiaires d’une étude en cours incluant plus de 200 patients, montre que 95 % d’entre eux n’ont plus de blocage après une intervention minime. Celle-ci consiste à sectionner ce qui gêne (qui n’est pas assez distendu) par voie percutanée sous échographie. Forte de ses bons résultats, cette technique est actuellement tentée pour d’autres pathologies rhumatologiques. « Des équipes ont montré que cette intervention était aussi intéressante dans le traitement de la tendinite du pouce ou de De Quervain, confirme le Dr Jérémy Maillet, hôpital Lariboisière (Paris). Une étude est en cours pour étudier son intérêt dans le cadre du canal carpien ».
D’autres techniques d’injection plus récentes sont aussi en cours de développement, comme l’injection de plaquettes sanguines autologues (plasma riche en plaquettes). « Le sang prélevé au patient est passé dans une centrifugeuse pour en récupérer un concentré plaquettaire libérant des cytokines anti-inflammatoires et des facteurs de croissance. Elles sont ainsi injectées dans une zone en souffrance, explique le Dr Jimmy Gross, CHU Henri Mondor (Paris). Il s’agit d’une technique surtout utilisée en médecine du sport, au niveau d’un tendon ». L’injection de plaquettes ne peut pas s’accompagner d’une anesthésie car les produits anesthésiants inhibent les plaquettes. Ainsi, des techniques d’analgésie, comme l’hypnose ou la réalité virtuelle, sont de plus en plus souvent utilisées pour éviter au patient de souffrir durant le geste. « L’injection de plaquettes est également en cours d’évaluation chez le patient arthrosique. Dans une articulation douloureuse, elle pourrait permettre de gagner du temps et de retarder l’intervention chirurgicale pour la pose d’une prothèse », poursuit le Dr Lellouche. Enfin, le « needling » consiste à recourir à faire saigner un tissu avec une aiguille pour favoriser sa régénération. « Sur une tendinite, le needling a le même effet que des ondes de choc, d’où son intérêt en médecine du sport » confirme le Dr Gross.
Une spécialité dans la discipline
« La rhumatologie interventionnelle permet au patient de bénéficier d’un geste technique très précis, dans des conditions optimales en lui évitant la lourdeur d’un passage au bloc opératoire », rappelle le Dr Maillet. En outre, le service rendu est immédiat. « Cependant, nous n’intervenons pas au premier rang des traitements. La rhumatologie interventionnelle a surtout sa place dans la prise en charge de l’arthrose, la pathologie dégénérative, les blessures sportives, lorsque la prise en charge classique (médicaments, kinésithérapie…) ne suffit plus. Elle n’est pas utilisée dans les pathologies inflammatoires, ni les maladies de système en général où les rhumatologues bénéficient d’un important arsenal thérapeutique, notamment les biomédicaments », précisent les trois spécialistes. Dans notre pays, un peu moins de la moitié des rhumatologues a déjà recours à la rhumatologie interventionnelle. Une part qui devrait augmenter dans les prochaines années.
D’après un entretien avec les Dr Jimmy Gross (CHU Henri Mondor), Henri Lellouche et Jérémy Maillet (hôpital Lariboisière), tous les trois aussi à l’Institut de rhumatologie interventionnelle (IRI Panthéon, Paris)
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