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Dossier

Rhumatologie

PR, des exigences thérapeutiques payantes

Par Hélène Joubert - Publié le 04/09/2020
PR, des exigences thérapeutiques payantes


SPL/PHANIE

Totalement virtuel cette année, le congrès européen de rhumatologie a accordé une large place à la polyartrite rhumatoïde (PR), avec de nouvelles données de terrain confortant l’intérêt d’une prise en charge précoce et globale. Autre bonne nouvelle sur le front de la PR : le foisonnement de la recherche, qui laisse espérer de nouvelles thérapies ciblées.

Vitrine de la recherche en rhumatologie, le congrès virtuel de la Ligue européenne contre le rhumatisme (EULAR, 3-6/06 2020) a produit cette année de nombreuses études sur la polyarthrite rhumatoïde (PR). Outre plusieurs résultats d’essais prometteurs (voir encadré), cette édition 2020 a fait la part belle à la pratique médicale, avec notamment des données qui renforcent l’intérêt d’agir vite.

Rémissions sans traitement

Deux études présentées confortent et précisent en effet le concept de « fenêtre d’opportunité », augmentant la probabilité de rémission clinique et radiographique sans traitement. « La fenêtre d’opportunité dans la polyarthrite rhumatoïde, habituellement estimée à 12 semaines, est une période d’intervention thérapeutique privilégiée en tout début de maladie afin de limiter les séquelles fonctionnelles et la destruction articulaire à long terme », introduit le Dr Pascal Hilliquin, Centre hospitalier sud francilien (Corbeil-Essonnes). Une étude néerlandaise à partir de la cohorte de Leiden (Leiden Early Arthritis Clinic) confirme l’intérêt de cette notion. Selon ce travail, traiter dans les trois premiers mois, au moyen de traitements de fond conventionnels, permettrait d’obtenir un taux de rémission sans traitement de 32 % après un délai médian de 3,2 ans sur une période de 7 ans (recul de l’étude). « Ces données observationnelles me semblent très importantes car c’est un appel pour un diagnostic et un traitement précoce des PR débutantes, indique le spécialiste. Les recommandations EULAR stipulent que les patients doivent être référés et vus par un rhumatologue dans les 6 semaines après l'apparition des symptômes. Du fait des délais de consultation et de l’adressage du patient à un rhumatologue, cette période est souvent dépassée. Trois mois est donc un objectif ambitieux mais crucial. »

Une seconde étude va dans le même sens, regroupant la cohorte de Leiden et la cohorte française Espoir, soit près de 1 500 patients. La probabilité de rémission clinique sans traitement est augmentée lorsque les malades reçoivent un traitement de fond dans les six premières semaines, comparé à ceux adressés entre les semaines 7 et 12 (risque relatif = 1,69). Quant à la progression radiographique, la probabilité était comparable entre les deux groupes, mais légèrement plus faible pour les patients adressés à un rhumatologue dans les 6 semaines suivant les symptômes, versus 12 semaines (RR = 0,95).

Le risque de TVP nuancé

Une autre étude apporte des précisions quant au risque thrombotique en cas de PR. On sait que les patients souffrant de polyarthrite ont un risque accru de thrombose veineuse profonde (TVP) et d’embolie pulmonaire, l’inflammation pouvant augmenter ce risque en régulant positivement les facteurs pro-coagulants, responsables de lésions endothéliales. Cependant, selon une étude de registre suédois incluant 46 311 patients atteints de PR entre 2006 et 2017, le risque de thrombose veineuse est corrélé à l’activité de la maladie : celui-ci est de 0,5 % par an en cas de rémission clinique et le double en cas d’activité élevée de la maladie. Le risque relatif d’évènement thromboembolique à un an en cas de PR très active est de 2,21 comparé à une PR en rémission. « Le message est important, indique le Dr Hilliquin, car, en réalité, le risque de thrombose veineuse est certes accru mais pas chez tous les malades, uniquement chez ceux dont la maladie est particulièrement active, corrélé au niveau d’inflammation. Plus la maladie est contrôlée, plus le risque diminue. Il faut donc être particulièrement vigilant vis-à-vis de symptômes révélateurs d’une thrombose veineuse lorsque la maladie est très active. »

Par ailleurs, dans la PR, comme dans toutes les maladies inflammatoires chroniques (spondylarthrite, lupus…), il existe un risque cardiovasculaire (morbimortalité coronarienne et AVC). « D’où l’intérêt de rechercher activement chez ces malades des facteurs de risque CV et de les suivre au plus près », rappelle Pascal Hilliquin. Or selon l’étude SUrvey of CVD Risk Factors in patients with RA, conduite dans 19 pays, entre 2014 et 2019, sur près de 14 500 malades souffrant de polyarthrite rhumatoïde, seule la moitié des malades hypertendus atteignait l’objectif de contrôle de la pression artérielle et un tiers celui de contrôle du LDL-cholestérol.

Atteinte pulmonaire interstitielle, le méthotrexate disculpé

Même maladie, autre risque. Plusieurs études ont aussi porté sur l’atteinte pulmonaire interstitielle diffuse (PID), détectée sur le scanner chez 30 % des patients atteints de PR et susceptible d’évoluer vers une fibrose pulmonaire. Alors que jusqu’à présent le rôle potentiellement délétère du méthotrexate dans l’apparition d’une pneumopathie interstitielle n’était pas tranché, de nouvelles données tendent à le disculper. Une étude danoise cas-contrôle montre ainsi que le risque d’avoir une PID est triplé du seul fait d’une PR. Une autre étude, française, répliquée dans cinq autres pays (Brésil, Italie Mexique, États-Unis, Royaume-Uni), suggère que le risque de développer une PI est divisé par deux sous méthotrexate et, lorsque c’est le cas, le délai d’apparition est allongé.
À noter par ailleurs que le nintédanib, inhibiteur de la tyrosine kinase déjà disponible pour la fibrose pulmonaire idiopathique, sera prochainement indiqué dans les formes secondaires liées à la PR.

Des thérapies ciblées testées tous azimuts

La recherche est pléthorique dans la polyarthrite rhumatoïde. Saripo, Aurora, Prosara… les études conduites avec les anticorps dirigés contre les récepteurs
de l’interleukine 6 étaient nombreuses lors de l’édition 2020 de l’EULAR, avec des résultats prometteurs pour le sarilumab
et le levilimab hebdomadaire.

Anti-IL6, anti-JAK, etc. Par ailleurs, dans l’étude Credo de phase 3, l’efficacité de l’olokizumab – un anticorps monoclonal qui cible l’interleukine 6 et non pas son récepteur – est démontrée dans les PR en échec de méthotrexate. Les anti-JAK ne sont pas en reste avec des données de tolérance satisfaisantes, avec un recul de plus de 8 ans de traitement avec le baricitinib, inhibiteur sélectif de janus kinases 1 et 2. Tolérance également satisfaisante à 3 ans pour l’upadacitinib (inhibiteur spécifique de JAK1), lequel devrait être prochainement disponible. Un autre inhibiteur sélectif de JAK1, le filgotinib, faisait l’objet d’une étude de phase 2 positive (Finch-1). Phase 2 également encourageante pour un nouvel anticorps monoclonal chimérique dirigé spécifiquement contre l’antigène CD22 des lymphocytes B.