Les principaux organes de l’appareil locomoteur suivent des schémas temporels similaires : le capital osseux et le capital musculaire évoluent de façon parallèle tout au long de la vie. Ainsi, après 50 ans, la perte de masse osseuse est de 1 à 2 % par an, celle de masse musculaire de 1 à 2 % par an et la perte de force de 1,5 à 3 % par an. La même corrélation existe pendant la croissance : les enfants atteints de dystrophie musculaire de Duchenne ont aussi une masse osseuse basse et un risque accru de fracture. Au cours du vieillissement, les changements de masse maigre ont plus d’effets sur le capital osseux que sur l’évolution de la masse grasse. Il existe une corrélation entre la quantité mais aussi la qualité du muscle et le squelette : la qualité du muscle (de la cuisse) permet de prédire le risque de fracture, indépendamment de la DMO.
Dialogue mécanique et biochimique
La sarcopénie est un facteur de risque d’ostéoporose et de fracture. La fonte musculaire augmente le risque de chute et, par le biais d’une diminution des activités, favorise ladiminution de la masse osseuse : dans l’étude finnoise OSTPR-FPS (1), le risque d’ostéoporose est multiplié par 12,9 chez les sarcopéniques et le risque relatif de fracture est à 2,7, en partie en raison d’un risque accru de chute. A contrario la sarcopénie est plus fréquente chez l’ostéoporotique. Par le biais d’une diminution de la disponibilité en acides aminés, la sarcopénie favorise un déficit immunitaire et, par le biais d’une diminution des dépenses énergétiques, elle favorise également adiposité centrale, insulino-résistance et maladies cardio-vasculaires : elle fait ainsi entrer dans la spirale de la fragilité.
Il existe un dialogue entre tissu musculaire et tissu osseux, non seulement sur le plan mécanique mais également sur le plan biochimique. La théorie du mécanostat repose sur le principe selon lequel toute augmentation de la force musculaire maximale, en réponse à une mise en charge, influence la masse, les dimensions et la résistance de l’os ; mais cette théorie est insuffisante pour expliquer les relations muscle-os. Le muscle est capable de synthétiser un certain nombre de molécules qui vont moduler la formation et l’activité du tissu osseux, indépendamment des contraintes mécaniques. Le secrétome musculaire contient de nombreux composés (facteurs de croissance, cytokines…). Ainsi une contraction musculaire déclenche la synthèse par l’ostéocyte de facteurs ostéogéniques (ostéocalcine, IGF1, FGF2, IL15…). À l’inverse, une situation de cachexie engendre une atrophie musculaire, responsable de la production de myostatine, inhibiteur de la chondrogenèse, et d’IL6 et IL7, stimulus de la résorption ostéoclastique. En retour, les cellules osseuses, par l’intermédiaire des ostéokines, peuvent exercer un feedback sur les myocytes.
Des perspectives thérapeutiques
Tout ceci ouvre la voie à des pistes de recherche dans la prévention et le traitement de ces affections : les nouvelles thérapies ciblent les voies de signalisations impliquées dans le cross talk entre les cellules. Des inhibiteurs du récepteur II A et II B de l’activine sont à l’étude. L’inhibiteur du récepteur II B diminue l’adiposité et augmente DMO et marqueurs osseux de formation. Il est en cours d’essai clinique mais favoriserait une fatigabilité musculaire. À l’inverse, dans le sens os - muscle, les bisphosphonates atténueraient la perte musculaire chez les enfants brûlés.
En conclusion l’unité muscle - os doit être considérée comme une cible thérapeutique unique avec une prise en charge plus holistique dans l’avenir, recherchant une efficacité sur les deux tissus.
(1) Sjöblom S et al. Maturitas 2013;75(2):175-80
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