Pr Patrick Sichère, vice-président du 33 e congrès de la SFR

Une édition digitale et transdisciplinaire

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Publié le 22/12/2020

Pour ce 33 e congrès de la Société française de rhumatologie (SFR), en version 100% virtuelle du 13 au 16 décembre 2020, diverses sessions ont débordé le cadre de la spécialité stricto sensu pour s’intéresser aussi aux troubles du sommeil, à l’oncologie, à l’alimentation, et bien sûr au SARS-CoV-2...

Crédit photo : DR

Une organisation remarquable a permis d’offrir aux inscrits, plus de 2500 cette année, d’assister en direct et en replay aux quatre jours de e-congrès de la SFR. 

L’irruption d’un traitement rhumatologique en oncologie a particulièrement retenu l’attention. « Une étude montre en effet que l’association d’un biphosphonate à la vitamine D réduit de moitié le risque de rechute, de métastases ou de décès par cancers du sein RE+ chez la femme ménopausée, une diminution qui va jusqu’à 64 % dans les tumeurs les plus graves, avec une très bonne tolérance qui rassure sur le risque d’effets secondaires graves », constate le Dr Patrick Sichère (Paris).

À l'heure de la pandémie

La cohorte « French RMD COVID-19 » montre que les maladies auto-immunes, de type sclérodermie et Sjögren, étaient associées à un risque accru de formes graves de Covid-19 et de décès par rapport aux rhumatismes inflammatoires dont le risque, à comorbidités égales, semble identique à celui de la population générale. Le méthotrexate était associé à une réduction de ce risque, tandis que les corticoïdes et le rituximab l’augmentaient.

Le confinement a aggravé d’emblée la polyarthrite rhumatoïde (PR), tandis que les douloureux chroniques s’amélioraient au début du fait du repos, mais s’aggravait ensuite. Menée chez 360 personnes souffrant de lombalgies chroniques, l’étude Confilomb montre que le confinement avait amélioré 14 % des patients, que 44 % étaient restés stables et que 42 % s’étaient aggravés.

Chez les patients sous hydroxychloroquine pour leur pathologie, celle-ci ne confère pas de protection vis-à-vis de l'infection Covid-19 et des complications cardiovasculaires (CV) graves ont même été observées. 

Obésité et alimentation, quels effets dans les rhumatismes inflammatoires ?

L’obésité s’associe dans la PR à des formes plus actives, plus sévères, avec un risque d’échec thérapeutique plus important et une surmortalité. Une perte pondérale importante après chirurgie bariatrique permet de réduire la consommation de médicaments et de faire baisser la CRP.

Le rhumatisme psoriasique est associé encore plus fréquemment à l’obésité que la PR. En effet, celle-ci augmente le risque d’atteinte articulaire chez les patients atteints de psoriasis cutané et diminue l’efficacité thérapeutique.

Des recommandations alimentaires dans les rhumatismes inflammatoires chroniques devraient aider à combattre bien des idées reçues. Le régime sans gluten, le jeûne et le régime végétalien n’ont pas fait la preuve d’un effet au niveau articulaire et exposent au risque de carences. La suppression du lait n’apporte rien, et au contraire les laitages fermentés auraient un rôle protecteur vis-à-vis du risque de cancer, de fractures et d’évènements CV. La supplémentation en oméga-3, à raison de 2 g/jour, améliore la symptomatologie des rhumatismes inflammatoires, réduit la consommation d’AINS et les complications CV. L’alimentation de type méditerranéen exerce un effet bénéfice sur l’inflammation et la symptomatologie. On n’a aucune preuve actuellement d’un impact des probiotiques.

Et du côté des traitements ?

La cohorte ESPOIR met en évidence un surrisque d’évènements sévères sous corticoïdes, associé à la durée du traitement et à sa dose, mais s’observe déjà avec de faibles doses de 5 mg/jour). Chez les 397 personnes qui ont reçu des corticoïdes au moins une fois au cours d’un suivi médian de 10 ans, on constate 95 évènements (10 décès, 32 fractures, 18 évènements CV et 35 infections sévères). « Ce qui doit nous inciter à privilégier les autres thérapeutiques pour éviter ces corticothérapies au long cours », insiste le rhumatologue.

En ce qui concerne les traitements, le choix s’oriente en fonction des pathologies et des comorbidités, plutôt le secukinumab dans le psoriasis, l’adalimumab ou l’infliximab en cas de maladies inflammatoires chroniques de l'intestin (MICI). Les anti-JAK devraient avoir bientôt l’AMM dans le rhumatisme psoriasique. Parmi les anti-TNF, le certolizumab est intéressant pendant la grossesse car il ne traverse pas la barrière placentaire, mais les autres peuvent néanmoins être maintenus. Ils ne posent aucun problème en cas d’allaitement.

À noter que les vaccins antiherpétiques doivent être pratiqués à distance des poussées de PR qu’ils peuvent provoquer. Quant au méthotrexate et au léflunomide, ils peuvent diminuer la réponse vaccinale contre le pneumocoque et la grippe, aussi doivent-ils être arrêtés pendant 15 jours après le vaccin. 

Par contre, on ne dispose toujours pas de traitement spécifique pour l’arthrose. Les biothérapies se sont révélées décevantes pour la plupart, même si on a pu observer un petit effet structural à long terme. Le méthotrexate, les biphosphonates n’ont pas convaincu non plus, et on manque d’évaluation rigoureuse pour les injections de plaquettes. Le meilleur traitement reste toujours l’activité physique régulière. Une étude menée sur l’arthrose digitale montre qu’une arthrose érosive est aussi handicapante qu’une PR, et que l’obésité en multiplie le risque par 1,7.

Des retards au diagnostic encore trop fréquents

Le retard au diagnostic d’une SpA reste majeur, 8 à 10 ans, d’autant plus volontiers chez les femmes où les formes sont plus atypiques, avec plus de douleurs diffuses, de retentissement fonctionnel mais un syndrome inflammatoire moins marqué et des images radiologiques moins parlantes. La mise en évidence d’une sacro-iliite à l'IRM est loin d’être évidente, et on sait maintenant qu’on peut retrouver un œdème osseux non pathologique au niveau des sacro-iliaques chez des sportifs et en post-partum. 

Le rhumatisme psoriasique souffre aussi d’un retard diagnostique, on oublie encore trop souvent d’interroger le patient sur un psoriasis cutané personnel ou familial. Les localisations cutanées au niveau des plis interfessiers, du cuir chevelu ou des ongles sont plus à risque de s’associer à un psoriasis articulaire. D'ailleurs, 30 à 60 % des patients atteints de psoriasis cutané ayant un HLA-B27 développeront un rhumatisme psoriasique.

De la douleur au sommeil 

On estime que 20 % des troubles du sommeil sont liés à des douleurs, les femmes ayant plus de troubles du sommeil que les hommes en cas de douleurs chroniques. 

Un mauvais sommeil (moins de 6 heures ou plus de neuf heures) altère le microbiote, diminue la réponse aux opioïdes, retentit sur l’axe hypothalamo-hypophysaire avec donc un effet sur l’inflammation, l’immunité et la susceptibilité aux infections virales. Parmi les traitements utilisés en rhumatologie, les corticoïdes, les morphiniques et les coxibs altèrent la qualité du sommeil. 

D’après un entretien avec le Dr Patrick Sichère (Paris)

Dr Maia Bovard Gouffrant

Source : lequotidiendumedecin.fr