La France va-t-elle un jour manquer de rhumatologues ? « Il y a déjà beaucoup de départements qui ont de moins en moins de rhumatologues, en particulier en ville. En Seine-Saint-Denis ou dans l’Oise, par exemple, la situation est très compliquée. Mais, globalement, si l’on regarde les projections démographiques de la DREES [direction de la Recherche, des Études, de l’Évaluation et des Statistiques], on peut voir que la rhumatologie est dans une situation intermédiaire, assez stable. Il y a des spécialités, comme la chirurgie générale ou l’ORL, où l’offre de soins décroche de manière inquiétante. Il y a en d’autres où elle se renforce. La rhumatologie est au milieu », explique le Pr Géraldine Falgarone, vice-doyenne à la pédagogie à la faculté de médecine de Bobigny.
Selon elle, il faut interpréter avec prudence les projections démographiques, qui ne reflètent pas toujours ce qui se passe dans la vraie vie : « Les statisticiens font leurs projections en partant du principe qu’il faut dix ans pour former un médecin. En fait, on se rend compte que, le plus souvent, les étudiants se forment en douze ou treize ans. Et qu’ensuite il faut attendre encore deux ou trois ans de plus pour qu’ils s’installent dans un mode d’exercice stable. »
La spécialiste s’insurge aussi contre certaines idées reçues autour de la féminisation de la médecine : « En rhumatologie, on est concernés, puisque notre discipline compte aujourd’hui environ 60 % de femmes. Mais je m’élève contre l’association entre féminisation et diminution du volume horaire d’exercice. Cette évolution ne concerne pas uniquement les femmes. Aujourd’hui, les médecins hommes veulent aussi travailler différemment. Ils ne restent plus forcément tous les soirs jusqu’à 22 heures au travail. Ils veulent une vie de famille, des loisirs. Ce qui ne veut pas dire que ces générations ne sont pas impliquées dans leur métier. Comme les anciens, les jeunes rhumatologues ont une très forte exigence et une haute opinion de la médecine. »
Former davantage de maîtres de stage en ambulatoire
Le nombre d’internes est souvent un bon indicateur de l’état de santé d’une spécialité médicale. « Là encore, on peut dire que la rhumatologie est dans une certaine stabilité. Ce n’est pas une spécialité qu’on s’arrache, ni une spécialité boudée. Sur les deux dernières années, le premier interne à avoir choisi la rhumatologie était classé dans les 200 premiers. Et le dernier était à peu près au 4 000e rang, précise le Pr Falgarone. Sinon, pour le nombre de postes d’internes, on a eu une année faste en 2015, avec 99 postes. C’est redescendu à 89 en 2017. Dans ce domaine, certaines régions sont plus dynamiques que d’autres, en particulier l’Occitanie et la Nouvelle-Aquitaine. En Île-de-France, c’est plus difficile. En Seine-Saint-Denis, nous avons du mal à attirer des internes et à les fidéliser. »
À l’avenir, il sera primordial, pour garder une offre de soins rhumatologiques en ville, de développer des stages de troisième cycle en cabinets libéraux. « Il est important de former davantage de maîtres de stage en ambulatoire. Certes, de ce fait, nous aurons moins d’internes à l’hôpital. Mais c’est très important que les jeunes puissent découvrir la rhumatologie de ville. C’est le seul moyen pour leur donner envie de s’installer un jour en libéral. C’est crucial pour l’avenir de la spécialité de garder des rhumatologues de ville délivrant des soins de proximité. Car on travaille aussi mieux à l’hôpital si l’on dispose d’un bon réseau rhumatologique libéral », estime le Pr Falgarone.
D’après un entretien avec le Pr Géraldine Falgarone, rhumatologue dans le groupe hospitalier universitaire Paris - Seine-Saint-Denis (Avicenne, Jean-Verdier, Bobigny, Bondy), vice-doyenne à la pédagogie à la faculté de médecine de Bobigny
CCAM technique : des trous dans la raquette des revalorisations
Dr Patrick Gasser (Avenir Spé) : « Mon but n’est pas de m’opposer à mes collègues médecins généralistes »
Congrès de la SNFMI 2024 : la médecine interne à la loupe
La nouvelle convention médicale publiée au Journal officiel, le G à 30 euros le 22 décembre 2024