Article réservé aux abonnés
Dossier

Revenus

Très faible augmentation des bénéfices des médecins généralistes en 2016

Publié le 23/06/2017
Très faible augmentation des bénéfices des médecins généralistes en 2016

calcul
VOISIN/PHANIE

C’est la dernière année de vaches maigres pour la profession… L’exercice 2016 n’a pas souri aux médecins généralistes, avec la plus faible progression de bénéfice de ces trois dernières années. Heureusement, les lettres clés du médecin traitant ont été revues à la hausse depuis lors…

Il était grand temps que le C à 25 euros prenne effet… L’année passée a en effet été bien médiocre pour l’évolution des revenus des médecins généralistes de l’Hexagone. L’Union nationale des associations agréées (Unasa) qui fédère 71 AGA dans toute la France fait état d’une quasi-stagnation pour les revenus des quelque 18 000 généralistes qui y sont affiliés. Si ces premières estimations – sur la base d’un tiers de la profession – devaient être confirmées cet automne par les chiffres définitifs Carmf, cela signerait le pire exercice de ces quatre dernières années pour la profession.

En moyenne, un généraliste adhérent a terminé 2016 sur une faible augmentation de ses recettes de 1,8 %, ce qui est inférieur aux trois années précédentes. Et son bénéfice a quasiment fait du surplace avec une évolution si faible – de 1 % seulement – qu’on ne peut guère la qualifier de progression. Que s’est-il passé pour expliquer cette contre-performance ? Rien, justement. Calme plat sur les tarifs, d’abord. Côté revalorisation, 2016 est une année sans. Encore davantage que 2015, qui avait quand même bénéficié de l’effet MPA, du nom de la majoration pour personnes âgées qui avait encore un peu joué sur la progression des recettes du premier semestre.

Ni revalos, ni rebond d'activité

[[asset:image:11903 {"mode":"small","align":"left","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":[]}]]


En 2016, rien de tout cela : aucune queue de comète de revalos n’est venue améliorer l’ordinaire des généralistes. Seule poire pour la soif l’an passé : une prime ROSP légèrement supérieure à celle de 2015 : soit environ 500 euros supplémentaires à ce titre par praticien. Pour le reste, rien de neuf dans le paysage tarifaire, puisqu’aucune des revalorisations décidées par la nouvelle convention n’a pris effet en 2016. Les généralistes ont dû attendre 2017.

2016 s’est également caractérisée par une activité plutôt atone. En janvier dernier, le bilan de la Cnamts sur l’année écoulée avait d’ailleurs relevé que les remboursements en soins de généralistes (+ 1,6 %) avaient évolué deux fois moins vite que la moyenne des dépenses de soins de ville (+ 2,9 %). 2016 a pourtant connu deux vagues de grippes : l’une tardive au printemps, et l’autre – à cheval sur 2017 – qui a débuté en décembre. Mais ce furent, l’une dans l’autre, des épidémies d’ampleur moyenne, qui n’ont pas fait exploser l’activité du généraliste.

Dans ce contexte, les généralistes ont néanmoins de plus en plus de travail, du fait de l’amorce du déclin démographique. Et c’est peut-être parce qu’ils sont un peu moins nombreux qu’il parviennent à garder la tête hors de l’eau ces dernières années, sans baisse de leurs chiffres d’affaires. Les toutes dernières cartographies de l’Ordre confirment cet état de fait : seule une petite douzaine de départements peuvent se prévaloir d’une progression des effectifs de médecins de famille de 2010 à 2017. Partout ailleurs, la stagnation ou la régression est amorcée depuis quelques années. Et cela devrait durer au moins jusqu’en 2020…

L’envolée des frais continue

Mais, pendant ce temps, les charges progressent aussi… C’est en tout cas un point commun de ces deux derniers exercices avec des progressions de bénéfices inférieures à celles des recettes, la différence étant rognée par les charges… Le différentiel était de 1,4 point l’an passé, il est de 0,8 cette année. Signe, malgré tout, que les frais des généralistes sont plus importants d’une année sur l’autre.

L’an passé, les postes impôts et charges (CSG, CFE) et charges externes (loyers et cotisations personnelles, notamment) ont ainsi augmenté respectivement de 3,1 % et 3,7 %. Et cela vient après une progression encore plus dynamique en 2015 (respectivement + 7,4 % et + 6 %). Autant dire que l’inflation de frais est continue depuis deux ans.

Forcément, cela joue (à la baisse) sur les résultats des médecins généralistes. En pratique, le généraliste convertit 57,2 % de son chiffre d’affaires en bénéfice, contre 57,5 % deux ans avant. Et il se confirme que les charges sont plus lourdes à porter chez les moins à l’aise financièrement : le ratio bénéfice sur recettes est de 51,7 % dans le premier quartile de la profession qui gagne en moyenne 36 310 euros, et de 60,4 % dans le quatrième qui conserve en moyenne 148 408 euros de bénéfices.

Une hausse historique en 2017 ?

Promis, juré, tout cela devrait évidemment changer en 2017. Le train de revalorisations octroyé par la nouvelle convention – hausse de 2 euros sur la consultation, nouveaux forfaits, revalorisations enfants – devrait entraîner de fortes progressions pour les revenus des médecins généralistes, pour la première fois depuis… 2011 ! à lui seul, le passage du C à 25 euros pourrait occasionner, en 2017, environ 6 500 euros de recettes en plus pour un généraliste. L’année 2017 devrait donc enregistrer une hausse historique des revenus, sans doute proche de celle constatée en 2002, année du passage à l’euro et de la double revalorisation du C.

Qui monte, qui descend ?

[[asset:image:11901 {"mode":"full","align":"","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":[]}]]


Avec cette faible progression de leurs bénéfices, les généralistes sont dans la deuxième partie du peloton des médecins libéraux, alors qu’en 2015, avec une évolution à peine supérieure (1,2 %), ils étaient dans la première. En 2016, les gastro-entérologues se retrouvent nettement au-dessus du panier avec une hausse forte de leurs résultats de 9,2 %. Ils sont suivis des cardiologues avec + 3,2%. Coïncidence ? Ce sont aussi les deux spécialités qui, avec les généralistes, bénéficient de la ROSP. Le tassement de la démographie de ces deux disciplines a peut-être aussi des conséquences sur la charge de travail.

Les mêmes causes produisant peut-être les mêmes effets, les bénéfices des ophtalmologistes progressent aussi plus que la moyenne pour la deuxième année consécutive. Comme ceux des ORL et des radiologues. En queue de ce classement 2016, on trouve les anesthésistes, les endocrinologues, les psychiatres, les 
gynéco-médicaux et les pédiatres.

En 2015, ces quatre dernières disciplines figuraient déjà en fin de liste – et pour trois d’entre elles en négatif – pour l’évolution de leurs bénéfices.

Sur les quinze dernières années, le CA des généralistes progresse plus vite que l’inflation, à l’exception de 2004. Mais la croissance de leurs recettes est supérieure à celle de leurs bénéfices, signe d’une progression continue des charges à moyen terme..

Bénéfices : le généraliste au milieu de la pyramide

[[asset:image:11902 {"mode":"small","align":"right","field_asset_image_copyright":[],"field_asset_image_description":[]}]]


Entre les médecins libéraux, la hiérarchie des revenus ne bouge guère année après année, avec une différence très nette encore constatée dans les statistiques 2016 de l’Unasa entre disciplines cliniques et à actes techniques. Les premières campent en bas de la pyramide et force est de constater qu’au sein de ce sous-ensemble, les généralistes sont désormais les mieux lotis. Ceux de l’Unasa ont perçu 149 000 € de chiffre d’affaires pour un bénéfice de 85 199 € (chiffre traditionnellement supérieur de quelques milliers d’euros à la moyenne réelle de la profession). C’est un peu plus que leurs confrères rhumatos (84 K€ ) dermatos (78), gynécos médicaux (74) pédiatres (69), psychiatres (67) ou endocrinologues (52). Tous spécialistes qui, en libéral, gagnent plutôt moins qu’un généraliste.

Hiérarchie bien établie Cette hiérarchie – qui place le médecin traitant un peu au-dessus du lot – est bien établie désormais, depuis le début des années 2000. En revanche, une différence importante persiste avec les spécialités à dominante technique qui campent presque toutes au-dessus des 100 000 € de bénéfices annuels. Si l’on excepte les obstétriciens (91 KE), c’est le cas des ORL (103) pneumologues (103), gastro-entérologues (122), cardiologues (123), radiologues (125), praticiens de chirurgie générale (139), ophtalmos (146) et enfin anesthésistes (162).

« Le transfert sur les remplaçants se poursuit »

Comment qualifier cette année 2016 pour les généralistes ?

Béchir Chebbah C’est une année atone, puisque, sur la population stable que nous avons de 16 500 généralistes, on enregistre une augmentation de 1,8 % des recettes. Il n’y a pas eu de modifications tarifaires l’an passé, donc c’est l’activité – épidémies, baisse du nombre de praticiens installés – qui explique pour l’essentiel cette légère hausse. Au sein de cette population, on constate par ailleurs peu d’écarts entre les différents quartiles de revenus. Les résultats des généralistes ont légèrement augmenté, de 1 %, c’est-à-dire à peine l’inflation. Cela s’explique par une croissance de l’ordre de 3 % des charges de fonctionnement. Or ces dernières représentant 45 % du chiffre d’affaires, cela consomme à peu près la moitié de l’augmentation de celui-ci. Sur le moyen terme, à 15 ans, on est néanmoins sur une tendance haussière, légèrement supérieure à l’inflation, puisqu’on voit que, pendant que celle-ci passe de 100 à 120, les résultats des généralistes évoluent de 100 à 133.

Pour la deuxième année consécutive, les résultats augmentent moins vite que les recettes pour les généralistes. Comment l’expliquer ?

B. C. À partir du moment où la hausse du CA est relativement modeste, avec des charges qui progressent de l’ordre de 3 % – les frais de personnel ont augmenté de 2,5 %, les impôts et taxes de 3 % –, cela grignote une partie du CA. L’augmentation du tarif de la consultation en 2017 devrait permettre – à activité constante – de rattraper le retard pris. On peut donc s’attendre à une croissance du CA des généralistes de l’ordre de 6 % l’an prochain avec une progression plus importante du résultat aussi. En revanche, cette hausse aura des conséquences mécaniques sur les cotisations sociales de 2018... Raison pour laquelle je milite pour que les professionnels libéraux puissent déduire de leur résultat fiscal une provision pour charges dès l’année N pour que celles-ci puissent être retenues au titre de l’année concernée par la progression de recettes. Cela éviterait cet effet de ressaut.

Pourquoi la baisse des effectifs de généralistes ne leur permet-elle pas de conserver une progression dynamique ?

B. C. Cela n’apparaît pas de manière substantielle. Cela dit, on constate que le transfert d’une partie de l’activité sur les remplaçants se poursuit, ce qui confirme que la quantité de médecins disponibles a baissé. Parmi les remplaçants qui travaillent le plus, certains font jusqu’à 146 000 euros de recettes. Et la moyenne est à 78 000, donc à peu près la moitié des honoraires perçus par un généraliste. L’augmentation moyenne de CA de ces médecins non titulaires était de l’ordre de 11 % en 2016. Donc, si on prend en compte les remplaçants et les généralistes, l’augmentation de chiffre d’affaires de la discipline va bien au-delà des + 1,8 % réalisés par ces derniers. Clairement, il s’agit là d’une nouvelle forme d’exercice, avec beaucoup moins de charges externes : alors que les généralistes installés conservent 57 % de leur chiffre d’affaires, les remplaçants disposent de 66 % !
*Président de l’Unasa

 

Sommaire