Est-ce la fin de l’errance diagnostique, parfois longue d’une dizaine d’années, pour les patientes atteintes d’endométriose ? La mise au point d’un test salivaire par des gynécologues français, en lien avec une start-up, ouvre des perspectives inédites. « La fiabilité de ce test est exceptionnelle, avec une sensibilité de 97 %, une spécificité de 100 % et une précision diagnostique supérieure à 98 % », indiquait en février le CNGOF, en espérant que cette « innovation de portée mondiale […] signe le début d’une révolution scientifique et technologique pour la santé des femmes. »
Ce test salivaire, l’Endotest, a été mis au point par des équipes des CHU de Paris, Lyon-Sud et Angers, en lien avec des spécialistes de l’intelligence artificielle de la start-up française Ziwig. « L’histoire a commencé durant la période du Covid. On a créé un petit club de quatre personnes : le Pr Philippe Descamps et la Dr Léa Delbos au CHU d’Angers et le Dr Mathieu Poilblanc et moi-même au CHU Lyon sud », indique le Pr François Golfier, chef du service de chirurgie gynécologique et président de la commission endométriose au sein du CNGOF. « Notre but était de tenter d’optimiser le diagnostic de l’endométriose, en utilisant l’intelligence artificielle. Au départ, nous voulions améliorer de cette manière les performances diagnostiques de questionnaires sur l’endométriose. Mais très vite, on a constaté qu’on restait, avec cette méthode, en deçà des exigences d’un test diagnostique, qui doit être fiable à au moins 95 % », raconte le Pr Golfier.
Des micro-ARN
La décision a alors été prise de travailler avec une équipe de Sorbonne Université en misant sur les micro-ARN (miARN). « Ces dernières années, plusieurs équipes ont identifié une dizaine de miARN impliqués dans l’endométriose. On a souhaité franchir un pas supplémentaire, en utilisant le séquençage nouvelle génération (NGS), et en le couplant avec l’intelligence artificielle. Cela nous a permis, en analysant les 2 600 miARN dont est porteuse chaque personne, de recueillir un nombre d’informations phénoménal », souligne le Pr Golfier.
Cette méthode diagnostique a montré une fiabilité supérieure à 98 %, en utilisant le sang mais aussi dans un autre liquide bien plus facile à obtenir : la salive. Ces résultats ont été mis en évidence dans un essai clinique mis en place avec 200 patientes, publié fin janvier 2022 dans le « Journal of Clinical Medicine » (1). « Avant même cette publication, nous étions conscients de la nécessité de lancer une étude de plus grande ampleur pour obtenir une validation externe de nos résultats », indique le Pr Golfier. Dès le mois de novembre, une étude multicentrique a été lancée, avec désormais la participation de dix centres français, l’objectif étant d’inclure un total de 1 000 patientes. « À ce jour, nous avons déjà pu inclure 600 patientes. Sans attendre la fin de cet essai, nous avons conduit une étude intermédiaire, que nous avons soumise à publication. Nous n’avons pas encore eu la réponse donc on ne peut pas donner les résultats. La seule chose que je peux vous dire est que nous ne sommes pas inquiets quant à la publication… », indique le Pr Golfier, laissant ainsi imaginer que ces nouveaux résultats ne sont pas défavorables.
La mise au point de ce test représente une « avancée considérable » à ses yeux. « Un grand nombre de femmes ont des douleurs pelviennes très handicapantes dans leur vie professionnelle et personnelle. Parmi elles, certaines présentent une imagerie pelvienne normale. Pour faire un diagnostic confirmant ou infirmant l’existence d’une endométriose, elles doivent faire une cœlioscopie, qui reste un acte chirurgical, même s’il est mini-invasif. Avec ce test, on va pouvoir éviter un grand nombre de cœlioscopies », indique le Pr Golfier.
Démocratie sanitaire
Ce test salivaire devra être prescrit par un médecin mais pourra être retiré en pharmacie. La patiente devra remplir un petit tube avec sa salive puis l’envoyer à un laboratoire de l’Assistance publique des hôpitaux de Paris. « Cette facilité d’accès au test est très importante. Cela représente une autre avancée en matière de démocratie sanitaire car on sait que l’accès au diagnostic n’est pas la même selon qu’on habite une grande ville ou des zones géographiquement plus excentrées », indique le Pr Golfier.
Il est encore un peu tôt pour savoir quand ce test salivaire sera accessible pour les patientes françaises. C’est actuellement l’objet de discussions au sein de la Haute autorité de la santé (HAS). « Le test ne sera proposé en France qu’une fois qu’il aura été admis au remboursement, indique le Pr Golfier en ajoutant que le premier pays où il sera commercialisé est la Suisse dès juin 2022. Et Ziwig envisage ensuite de le distribuer dans une dizaine d’autres pays européens avant 2023. »
Exergue : Le test sera disponible en Suisse dès ce mois de juin 2022
Exergue 2 : « On va pouvoir éviter un grand nombre de cœlioscopies »
Entretien avec le Pr François Golfier, chef du service de chirurgie gynécologique et oncologique – obstétrique du CHU Lyon Sud, président de la filière endométriose Endaura et de la commission endométriose du CNGOF
(1) Bendifallah S et al. J Clin Med. 2022, 11(3), 612; doi.org/10.3390/jcm11030612