Cancer du pancréas

Une lueur d'espoir

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Publié le 20/11/2020
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Second cancer digestif en fréquence, avec 14 000 cas par an en France, le cancer du pancréas bénéficie néanmoins d'évolutions dans sa prise en charge thérapeutique, avec de belles avancées dans les formes métastatiques avec mutation BRCA 1/2 ou MSI.

Crédit photo : phanie

« Le cancer du pancréas est en constante augmentation et devrait devenir, dès 2020-2030 aux États-Unis et en Europe, la seconde cause de décès par cancer après le poumon. Les facteurs de risque connus (génétiques, obésité, diabète de type 2, pancréatite) ne suffisent pas à en expliquer la raison, rappelle le Pr Jean-Baptiste Bachet (CHU la Pitié Salpêtrière, Paris). Des études épidémiologiques essayent de mieux comprendre le rôle des facteurs environnementaux, probablement impliqués. Ce cancer, dont le pronostic reste sombre, a néanmoins bénéficié récemment de progrès diagnostiques et thérapeutiques, avec de nouvelles recommandations en 2020 (1) ».

FOLFIRINOX dans les formes résécables

Les tumeurs résécables d'emblée sont de moins en moins nombreuses et leur pronostic s'est amélioré. « La chirurgie d'emblée est réservée à moins de 10 % des tumeurs, sans aucun contact vasculaire », explique le Pr Bachet. Le traitement adjuvant de référence a été modifié il y a deux ans suite à l'essai coordonné par le Pr Thierry Conroy (Nancy), avec à la clé un doublement du taux de survie à trois ans sous FOLFIRINOX (2). « Seul bémol, guère plus d'un patient sur deux peut en bénéficier en post-opératoire ».

Dans les 15 à 20 % de formes avec contact vasculaire (notamment sur la veine porte), une chimiothérapie néoadjuvante par FOLFIRINOX est indiquée, plus ou moins suivi d’une radiochimiothérapie avant l'opération. Après cette séquence, la résection peut être réalisée chez deux tiers des patients et être complète dans 90 % des cas. « Aujourd'hui, des essais (PANDAS-PRODIGE 44) sont en cours pour optimiser la chimiothérapie-radiochimiothérapie chez ces patients », note le Pr Bachet.

Et dans les cancers localement avancés ?

Parmi les 15 à 20 % de cancers localement avancés, sans métastase mais envahissement vasculaire, une partie sont résécables. Ils sont alors traités comme les cancers à résécabilité limitée avec une chimiothérapie d'induction, suivie d'une radiochimiothérapie. « Il y a trois ou quatre ans, un essai de phase 3 n'a pas montré d'amélioration en survie globale d’une radiochimiothérapie complémentaire après une première période de chimiothérapie (gemcitabine) mais un bénéfice limité en survie sans progression (SSP). Ce n'est donc pas un standard mais nous réalisons fréquemment dans notre service une radiochimiothérapie complémentaire, dite de « clôture », après la chimiothérapie d’induction. Elle permet d’arrêter les traitements antitumoraux et de réaliser une surveillance », explique le Pr Bachet.

5 à 10 % des patients avec un cancer localement avancé, ayant une atteinte vasculaire limitée, peuvent bénéficier d’une résection chirurgicale secondaire, dont la faisabilité ne peut être connue avant traitement. Les dossiers des patients doivent donc être discutés en RCP et la chirurgie réalisée dans un centre expert.

Aujourd'hui, un essai de phase 3 coordonné par le Pr Michel Ducreux (Gustave Roussy) compare la gemcitabine au FOLFIRINOX pendant six mois, suivi d'une chimio ou radiochimiothérapie (3).

En métastatique, des avancées dans les tumeurs BRCA 1/2 et MSI

« Au diagnostic, 50 à 60 % des tumeurs sont métastatiques, avec 10 à 15 % de métastases hépatiques non visibles », souligne le Pr Bachet. En première ligne, deux schémas sont possibles : FOLFIRINOX ou gemcitabine associée au Nab-paclitaxel, mais ce dernier n'est pas disponible partout en France. Même s'ils n'ont jamais été comparés, ces deux schémas ont a priori une efficacité comparable. En seconde ligne, un patient sur deux peut recevoir une chimiothérapie au sein d'un essai.

« Enfin, un inhibiteur de PARP, l'olaparib, est venu révolutionner la prise en charge des tumeurs mutées au niveau germinal sur BRCA1/2 (5 % des cas) », reconnaît le Pr Bachet. Quand la maladie est contrôlée après 16 semaines de chimiothérapie comportant un sel de platine, l'olaparib, bien toléré, améliore significativement la SSP versus placebo (7,4 versus 3,8 mois ; RR = 0,53, p = 0,004), réduisant de 47 % le risque de récidive, avec deux fois plus de réponses objectives.

« En absence de mutation, selon une étude coordonnée par la Pr Lætitia Dahan (Marseille), la chimiothérapie de maintenance peut être allégée pour passer au LV-5FU (acide folinique - 5 Fluorouracile), avant de reprendre l'irinotecan ou l'oxaliplatine à progression, avec à la clé une amélioration de la qualité de vie sans perte en espérance de vie, explique le Pr Bachet. Enfin, les phénotypes microsatellites instables (MSI), représentant 1 % des tumeurs, semblent bien répondre à l'immunothérapie selon plusieurs études de phase 2 (5). En revanche, l'immunothérapie ne marche pas dans les autres cancers du pancréas, peu mutés ». À l'ESMO 2020, une étude canadienne de phase 2 évaluant le protocole gemcitabine + nab-paclitaxel, avec ou sans une double immunothérapie (Mab anti-PD-L1 + Mab anti-CTLA-4), n’a pas permis de démontrer de différence de survie (6).

(1) Sohal DPS et al. J Clin Oncol. 2020 https://ascopubs.org/doi/10.1200/JCO.20.01364
(2) Conroy T et al. NEJM 2018;379:2395-2406
(3) Ducreux M et al. https://www.proinfoscancer.org/fr/repertoire-essais-cliniques/
(4) Golan T et al. NEJM 2019;38:317-27
(5) Marabelle A et al. ASCO 2019, Journal of Clinical Oncology, 38(1)
(6) Renouf DR et al. ESMO 2020, abstr LBA65. 

Pascale Solere

Source : lequotidiendumedecin.fr