C’est avec une célérité comparable à celle des avions supersoniques (moins de 7 jours) que notre nouveau ministre de la Santé a donné les grandes lignes pour déminer la crise secouant le monde des chefs hospitaliers. M. Véran n’est pas resté uniquement sur des considérations ô combien philosophiques (utilité des médecins dans les hôpitaux par exemple), il a également proposé en grand professionnel de la Santé plusieurs mesures concrètes : revalorisation financière du personnel (mais elle sera plafonnée) ; remplacement immédiat du personnel indisponible pour des raisons prévisibles (grossesse par exemple) ; possibilité de prises de décisions des représentants médicaux conjointement aux directeurs des hôpitaux ; et enfin, questionnaire pour mieux comprendre le mal-être des hospitaliers (qui sera visiblement assez rapidement effectif).
Des mesures quelque peu timides, pas nécessairement utiles, peut-être irréalistes, et qui risquent de ne pas régler totalement la crise. Si nous reprenons les motifs de colère des chefs de service démissionnaires, c’est surtout le poids du personnel administratif qui grippe le fonctionnement des services qui donne le plus d’insatisfaction chez ces derniers.
Il y a quelques semaines de cela, nous avons pu noter la main mise excessive de certains directeurs dans la gouvernance hospitalière ; cela dans les colonnes du Quotidien. Ainsi, le directeur de l’AP-HP a fait du chantage en expliquant qu’en cas de non cotation des actes effectués (conséquence principale de la grève des chefs de service), il pourrait ne plus financer la formation, et mettrait des réserves pour fournir certaines thérapeutiques.
Réduire le poids administratif
Comme disait un ancien ministre socialiste : « il faut dégraisser le mammouth ». Il est nécessaire pour que les médecins hospitaliers puissent travailler de manière correcte deux choses.
D'abord, réduire de manière drastique les effectifs des cadres administratifs. Ces derniers pondent des règlements, et des circulaires qui majorent le temps de travail des médecins. De plus, ils sont à l’origine d’un fléau de nos administrations (la réunionite). Enfin, cette « valeur ajoutée » est très coûteuse car souvent le nombre de sous-directeurs frôle la déraison. Il est assez aisé de gravir les échelons, et devenir de cette manière un petit chef.
Ensuite, il faudrait donner un pouvoir plus réduit que celui actuellement accordé aux administratifs pour la gouvernance des hôpitaux. Ne serait-il pas plus juste de nommer, parmi la panoplie très étoffée de sous-directeurs, un médecin dont le pouvoir serait équivalent à celui du directeur ?
Sans une prise en compte de ces éléments, le fossé entre direction et médecins va se creuser de manière exponentielle. Si nos dirigeants restent sourds à de telles revendications, nous assisterons à un départ massif des cerveaux vers le secteur privé.
L’argent n’est pas le motif principal de ce mouvement de contestation, et le pouvoir doit en tenir compte pour faire avancer ce dossier très sensible. C’est trop facile de penser qu'en donnant quelques euros on va calmer la vindicte populaire. Les raisons du désamour des hospitaliers vis-à-vis du pouvoir tiennent principalement à d’autres motifs.
Enfin, il ne faut pas l’oublier, nous allons vivre, du fait d’une démographie médicale en berne, une crise sans précédent de notre système sanitaire déjà malmené.
« L’administration par objectif est efficace si vous connaissez les objectifs. Mais 90 % du temps vous ne les connaissez pas » Drucker P
Vous souhaitez vous aussi commenter l'actualité de votre profession dans le « Quotidien du Médecin » ? Adressez vos contributions à jean.paillard@lequotidiendumedecin.fr .