Année électorale oblige, les Unions régionales des professionnels de santé (URPS) seront placées au printemps 2021 sous les projecteurs. Une bonne occasion de se pencher sur les missions de ces instances qui tiennent un rôle de premier plan dans l’organisation des soins dans l’Hexagone.
Du 31 mars au 7 avril prochains, les médecins et les autres professionnels de santé libéraux sont appelés à élire leurs représentants aux URPS. L’enjeu est d’abord politique, puisque ce scrutin est le seul à même de mesurer l’audience des syndicats. Mais, derrière les luttes d’influence, ce qui se joue dans ces élections est très prosaïque : il s’agit de choisir les soignants qui, au cours des cinq prochaines années, seront chargés de représenter leurs confrères auprès des autorités sanitaires, notamment des agences régionales de santé (ARS). Et le moins que l’on puisse dire est que pour ceux qui s’y consacrent pleinement, il s’agit d’un travail prenant.
« C’est comme d’avoir deux métiers en même temps, témoigne le Dr Françoise Courtalhac, généraliste à La Croix-Saint-Ouen, dans l’Oise, et vice-présidente FMF de l’URPS des Hauts-de-France. On rentre de son cabinet le soir, et à 20 h 30, on commence les réunions. » Et d’après cette praticienne, ce ne sont pas les sujets qui manquent : des aides à l’installation au soutien aux communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), en passant par l’organisation de la réponse au coronavirus ou la permanence des soins ambulatoires (PDSA), l’URPS s’implique dans tous les dossiers qui façonnent le quotidien des libéraux.
Si l’on en croit le Dr Philippe Aramon-Tucoo, président CSMF de la conférence nationale des URPS médecins, ces structures créées par la loi Bachelot de 2009 pour remplacer les anciennes Unions régionales des médecins libéraux (URML) sont censées être à la fois au four et au moulin. « On a toujours des tas de dossiers en cours, explique ce radiologue de Bayonne qui préside aussi l’URPS médecins de Nouvelle-Aquitaine. Il y a d’abord un travail de représentation des médecins dans toutes les structures de la démocratie sanitaire (Conférence régionale de la santé et de l’autonomie, Conseils territoriaux de santé…). Et d’autre part, nos membres sont engagés dans plusieurs commissions (e-santé, personnes âgées, cancer, etc.), au sein desquelles ils mènent à bien différents projets. »
Une double fonction
Les URPS ont ainsi pour mission de défendre à la fois les intérêts des praticiens, et de conduire des initiatives spécifiques visant à coordonner les libéraux. Et celles-ci peuvent être de natures très variées. « Nous avons par exemple un financement “article 51” (pour financer des organisations innovantes) dans le domaine de la psychiatrie, explique le Dr Jean-Louis Bensoussan, généraliste à Castelmaurou (Haute-Garonne), vice-président de l’URPS d’Occitanie, et par ailleurs secrétaire général de MG France. Il s’agit d’un dispositif permettant aux médecins se trouvant face à un patient qui ne requiert pas d’hospitalisation, mais qui a besoin d’un suivi rapproché, d’obtenir un rendez-vous rapide avec un psychiatre. »
Dans un autre domaine, l’URPS des Hauts-de-France met en avant le travail qu’elle effectue en matière d’éducation thérapeutique. « Nous disposons d’un financement qui permet à des professionnels libéraux issus de nos équipes d’en former d’autres », résume Caroline De Pauw, directrice de l’union. Celle-ci prend aussi l’exemple d’un projet permettant à l’URPS d’appuyer la structuration des équipes coordonnées. « Cela va de l’équipe de soins primaires (ESP) la plus simple à la CPTS la plus complexe, résume-t-elle. Nous essayons de fonctionner comme un cabinet de conseil, mais moins cher, connaissant vraiment la réalité des équipes, et pouvant être appelés à tout moment, dans la durée. »
De vraies PME
Pour assurer toutes ces missions, les URPS s’appuient sur des équipes permanentes. « S’il fallait tout faire nous-mêmes, nous devrions abandonner nos cabinets, ce qui n’est évidemment pas pensable », sourit l’Occitan Jean-Louis Bensoussan. Dans sa région, par exemple, l’URPS s’appuie sur une équipe de sept salariés. Même type d’organisation en Nouvelle-Aquitaine voisine, où Philippe Arramon-Tucoo annonce aussi un effectif de sept salariés. Mais dans d’autres régions, la taille des équipes peut être beaucoup plus importante : celle des Hauts-de-France, par exemple, avec sa trentaine de salariés, a des airs de véritable PME.
Pour financer ces activités et ces équipes, les URPS peuvent compter sur la cotisation obligatoire versée chaque année par tous les libéraux aux Urssaf : 0,5 % de leurs revenus de l’année N-2, dans la limite du plafond de la Sécurité sociale, ce qui fait que pour 2020, la cotisation ne peut excéder 206 euros. Mais libre aux unions d’aller chercher des financements ailleurs. La plupart signent ainsi des contrats pluriannuels d’objectifs et de moyens (CPOM) avec les agences régionales de santé (ARS). « Nous avons environ 1,6 million d’euros de cotisations versées par les médecins, et le CPOM tourne autour d’un million d’euros », calcule ainsi la Lilloise Caroline de Pauw.
Un fonctionnement à l’huile de coude
Mais ce n’est pas parce que les URPS disposent de salariés qu’elles peuvent se passer de la collaboration active des médecins. Bien au contraire. « Nous travaillons sur chaque dossier avec des binômes entre un administratif salarié et un médecin missionné », explique Caroline De Pauw. Un fonctionnement qui permet de rester focalisé sur les priorités des praticiens de terrain, mais qui n’est pas sans désavantages, car il suppose d’utiliser beaucoup d’huile de coude : il faut susciter des vocations de médecins prêts à s’investir. « Le problème, c’est que l’engagement au sein des URPS n’attire pas forcément beaucoup, parce que c’est un travail qui n’est pas si visible que cela », regrette Françoise Courtalhac. Même constat de l’autre côté de la France, en Occitanie. « L’un des problèmes, c’est la disponibilité sur le long terme, analyse Jean-Louis Bensoussan. Quand on est médecin libéral, on peut libérer du temps, mais il y a tout de même un point de rupture. » Les médecins qui s’engagent ne le font pas pour l’argent. Les praticiens élus bénéficient d’une indemnisation pour perte d’activité inscrite dans le règlement intérieur, qui peut légèrement varier selon les régions. « Chez nous, en Occitanie, il s’agit de 3 C par heure, dans la limite de 18 C par jour », explique le Dr Bensoussan.
Reste à savoir ce que le futur réserve aux URPS. Deux tendances contradictoires semblent se dessiner. La première est celle des restrictions. La loi de financement de la Sécurité sociale (LFSS) 2021 prévoit en effet qu’une partie de la cotisation permettant de financer les URPS soit désormais consacrée au fonctionnement des syndicats, sans qu’aucune compensation ne soit prévue. « Par ailleurs, le nombre d’élus va être réduit, c’est à se demander si l’État veut vraiment voir les URPS fonctionner », s’interroge Philippe Arramon-Tucoo. Un décret en conseil d’État est en effet venu modifier le nombre d’élus dans chaque URPS. Les plus grosses, qui avaient 80 élus, passeront désormais à 60 élus. Celles qui en avaient 60 en auront 40, et celles qui en avaient 40 passent à 30. Mais face à ce scénario sombre, on peut en envisager un plus positif, qui voudrait qu’à la suite d’une crise qui a rendu les URPS plus visibles, celles-ci suscitent chez les médecins un regain d’intérêt, voire des volontés d’engagement. « Nous n’avons jamais eu autant de retours positifs sur notre action, y compris de la part de personnes habituellement critiques vis-à-vis des URPS », note Caroline De Pauw.
Pour la première fois, un scrutin électronique
Les prochaines élections professionnelles, qui se dérouleront du 31 mars au 7 avril 2021, seront placées sous le sceau de la nouveauté. Pour la première fois, les médecins libéraux, comme les chirurgiens-dentistes, pharmaciens, infirmiers, kinésithérapeutes et orthophonistes, éliront leurs représentants aux URPS par voie électronique. Les médecins généralistes auront à choisir, en fonction de leur région, entre plusieurs listes : celles de la CSMF, du SML, de MG France, de la FMF, de l’UFML-S mais aussi de Jeunes Médecins ou de l’Union collégiale, ces deux dernières organisations ayant été habilitées après recours en justice à concourir aux prochaines élections aux Unions. Les listes des électeurs ont été entérinées le 5 janvier. La date de dépôt des listes a, quant à elle, été fixée au 20 janvier. Avis aux amateurs !