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Dossier

Nomenclature : mais qui se sert des nouvelles majorations ?

V Alzheimer, MIC, MSH... Les vrais chiffres sur ces nouvelles lettres clés

Publié le 24/01/2014
V Alzheimer, MIC, MSH... Les vrais chiffres sur ces nouvelles lettres clés


SPL / BSIP

V Alzheimer, consultation de sortie d’hospitalisation, bilan après décompensation d’insuffisance cardiaque... Ces nouveaux actes sont venus enrichir ces derniers mois la nomenclature du médecin généraliste. Mais, si l’on regarde les statistiques de la Sécu, ils semblent encore boudés par un bon nombre de confrères. Défaut d’information des praticiens ? Complexité de la réglementation ? Ou manque de temps ? Les causes sont probablement multifactorielles.

VL, MIC, MSH… Ces sigles ne vous disent peut-être pas grand chose et pourtant ce sont les dernières lettres de nomenclature qui sont entrées en vigueur. Selon les données de l’Assurance Maladie, ces nouvelles cotations ne semblent en effet pas vraiment faire recette dans les cabinets des généralistes. Les chiffres du SNIIRAM montrent que, depuis son entrée en vigueur le 26 mars 2012, la Visite Longue cotée 2C + MD, soit 56 euros pour les patients atteints de maladies neurogénératives, qui peut intervenir une fois par an ou plus en cas de changement de l’état ou de l’environnement du patient, a été utilisée 19 000 fois. Sur une population cible estimée entre 600 000 et 700 000 patients en ville et pour 55?000 généralistes, on peut dire que le V Alzheimer n’est pas très utilisé.

La Majoration sortie d’hospitalisation à forte comorbidité (MSH) remporte elle plus de suffrages. Depuis le 1er juillet 2013, date de son entrée en vigueur, autour de 20 000 actes de ce type ont été enregistrés. Certes, la population cible – entre 1 à 2 millions de personnes – est plus importante que celle du V Alzheimer, mais il semblerait tout de même que son utilisation et ses critères soient plus simples à coter pour les généralistes. Enfin, née à la même époque, la Majoration pour décompensation d’insuffisance cardiaque (MIC) a, elle aussi, été plutôt bien utilisée : près de 5?000 actes, selon la Cnamts, pour une population estimée entre 30 000 et 40 000.

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Depuis plusieurs années déjà, les généralistes voient leur nomenclature s’enrichir de nouvelles lettres en vue de hiérarchiser leurs actes et leur activité. Partant du principe que « chez le garagiste, vous ne payez pas la même somme pour changer une roue ou pour faire une vidange », le Dr Bertrand Demory (Unof), installé à Armentières (Nord), est un fervent défenseur de cette nouvelle organisation des actes. « La Visite Longue, j’en ai fait une pas plus tard que ce matin dans le cadre de la réévaluation de la situation d’un patient », s’exclame-t-il.


Contacté par la sœur de ce dernier pour refaire le dossier d’aide aux personnes âgées en situation de dépendance, le généraliste avait donc prévu dans son agenda de faire une VL lorsqu’il se déplacerait au domicile de son patient. En amont, le praticien avait donc organisé un rendez-vous au moment de ce déplacement avec la famille et l’infirmière. « Nous avons revu le dossier ensemble et fait le point sur les nouveaux besoins du patient. Nous sommes passés d’une aide pour le ménage à une aide pour la toilette. »

Une fois par an en tout et pour tout

Le Dr Philippe Marissal, président du SNGIE, Syndicat national des généralistes intervenant en Ehpad, rattaché à MG France, a lui aussi déjà utilisé la VL dans sa pratique mais « pas plus que ça ». « Dans mon cas, ça va, car mon directeur d’Ehpad m’autorise à la coter, mais c’est vrai que cela m’oblige à tenir un agenda car on ne peut l’utiliser qu’une fois par an ; il faut donc bien s’en rappeler pour ne pas coter deux fois et ensuite être rattrapé par la Sécu », explique le généraliste. Une crainte également constatée par le Dr Demory auprès de ses confrères lors de réunions de formation. Ce généraliste qui a participé au Comité de suivi du Plan Alzheimer reconnaît qu’il y a une sous-utilisation de cette nouvelle lettre, en partie à cause des éventuels contrôles auxquels pourraient se soumettre le praticien.

L’information ne passe pas

En tout cas, de toute évidence, la VL n’est pas encore rentrée dans le quotidien du généraliste. Question de contenu trop dense ou faute de communication suffisante ? « On

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fait tout pour la faire connaître », regrette Jean-Paul Hamon, président de la FMF, qui lui-même n’a pour l’heure encore jamais coté de VL. « Mais le contenu de cette visite est insupportable, il faut arrêter avec les usines à gaz. » Pour le Dr Marissal, le problème ne situe pas au niveau des critères qu’il juge « non bloquants » car « le texte de référence de la HAS est fait de choses déjà connues des médecins généralistes et qui font vraiment partie du quotidien ».

Au-delà de la complexité d’utilisation, certains pointent tout simplement le manque d’information. Du fait de sa pratique en Ehpad, le Dr Bernard Oddos, président du SMC-EHPAD, Syndicat des Médecins Coordonnateurs en EHPAD, affilié à la CSMF, utilise régulièrement la VL mais constate tout de même une « carence d’informations » chez les généralistes à ce sujet. A peine 9 % des médecins de famille sont syndiqués, et, pour les autres, seule une lettre de l’Assurance Maladie leur a été envoyée. Le manque d’information est, selon lui, criant. Le généraliste, qui pourtant « fait de la propagande », reconnaît que « ce n’est pas si facile que ça » pour le médecin d’organiser une réunion, « surtout si on n’a pas de secrétariat ». Autre élément de blocage : le logiciel. Contrairement à d’autres cotations, certains logiciels ne prendraient pas encore en compte ces nouvelles majorations. Un frein certainement non négligeable.

Débat entre syndicats

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D’une manière générale, la nomenclature est souvent ignorée des généralistes et si la tendance de ces dernières années a été à la multiplication des majorations, leur méconnaissance par les médecins relance le débat entre syndicats. Pour le président du SML, Roger Rua, « ce ne sont pas la VL, MSH ou MIC qui vont changer quelque chose dans la rémunér

ation du médecin. Il ne faut pas la fragmenter à ce point?». à ses yeux, la VL concerne finalement peu de généralistes : « Les médecins ont de plus en plus l’impression de ne pas avoir de bouffés d’oxygène, car, contrairement à une augmentation du C, ils ne voient pas l’effet immédiat ». à la FMF, on pense aussi que le C doit rester « la base » de la rémunération du généraliste. à l’opposé, MG France estime que les « cotations commencent à devenir compliquées ». On arrive même « à saturation » pour son président, Claude Leicher. « Les généralistes n’arrivent plus à utiliser cette nomenclature. Nous sommes parfois obligés de chercher dans nos cahiers pour trouver la cotation à utiliser », explique-t-il. Avant de frôler l’indigestion, seul ajout possible pour le syndicat des généralistes, la création d’une consultation longue pour les addictions, la possibilité de coter MPC comme les spécialistes et une majoration du forfait pour les personnes âgées.

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A l’inverse, le président de la CSMF, Michel Chassang, même s’il concède que la VL est mal connue, estime toujours que c’est « une piste intéressante qui doit être élargie à plus de situations ». Allant dans le même sens, le Dr Gérald Galliot – qui fut longtemps investi dans la simplification administrative avant de présider le conseil de

surveillance de l’OGDPC – juge que le problème n’est pas uniquement lié au V Alzheimer, mais au fait que « les généralistes ont du mal à s’approprier les actes techniques ». « Des formations médicales sur la nomenclature sont même organisées pour permettre une meilleure utilisation de ces lettres », informe le généraliste d’Eure-et-Loir. Une annonce qui pourrait en intéresser plus d’un !