Psychotropes, ces médicaments qui font peur mais qui sauvent des vies

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Publié le 27/02/2025
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Du fait de leurs effets secondaires parfois sévères, certains psychotropes sont sous-utilisés alors que leur bénéfice en termes de mortalité est important, notamment via la réduction du risque suicidaire.

Crédit photo : GARO/PHANIE

D’après différentes études, la clozapine dans la schizophrénie et le lithium dans la dépression bipolaire sont parmi les médicaments qui sauvent le plus de vies en psychiatrie. Ils sont toutefois sous-utilisés en raison de la crainte des effets secondaires.

Lithium et IRC, hiérarchiser les risques

Les personnes atteintes de troubles bipolaires présentent un risque de mortalité élevée. Une étude de cohorte taïwanaise (Pao-Huan Chen et al) portant sur près de 26 000 patients atteints de troubles bipolaires a montré que l’utilisation de thymorégulateurs était associée à une diminution du risque de mortalité toutes causes confondues, de suicide et de mortalité naturelle. Parmi les molécules étudiées, « c’est le lithium qui était associé aux risques les plus faibles de mortalité et de suicidalité, précise la Dr Jasmina Mallet (Orléans). Mais c’est aussi une molécule qui nécessite un suivi régulier en raison de la crainte d’insuffisance rénale. » En effet, 20-25 % des patients traités au long cours présenteraient une insuffisance rénale chronique (IRC) (DFG < 60). « Il faut donc surveiller et viser une lithiémie à 0,5-0,6 mmol/l, mais ne pas arrêter le traitement : le risque de suicide est plus élevé que le risque de mort de cause rénale », a précisé le Pr Dominique Guerrot (CHU de Rouen).

Clozapine et hémopathie, un effet dose-dépendant

Il en est de même dans la schizophrénie. Les patients ont une espérance de vie diminuée de quinze à vingt années, en grande partie liée au suicide (risque x 9,7). D’où le dilemme clinique : la clozapine diminuerait la mortalité et serait le seul antipsychotique associé à une diminution du risque de suicide, mais cela ne serait-il pas compensé par le risque d’agranulocytose ? Une étude de cohorte finlandaise (Jari Tiihonen et al, 2022), sur 59 000 patients (11 000 sous clozapine) a montré que l’utilisation de clozapine était associée à une augmentation des risques d’hémopathie maligne de manière dose-dépendante. Sur les dix-sept ans de suivi, il y a eu 37 décès par hémopathie maligne et 3 par agranulocytose. Il faut donc rester vigilant aux signes de leucémies et de lymphomes sur le long terme, mais « ne pas arrêter la clozapine pour de mauvaises raisons, invite le Pr Olivier Guillin (CH du Rouvray). La clozapine est d’autant plus indiquée en cas de comportement violent. Et le G-CSF (facteur de croissance granulocytaire) permet de l’utiliser chez les patients aux antécédents de neutropénie. »

D’après la session « Les médicaments qui font peur mais qui sauvent »


Source : Le Quotidien du Médecin