Le diagnostic de RGO peut-il se fonder sur le seul tableau clinique ou doit-il être davantage documenté ? La chirurgie est-elle une option dans le RGO réfractaire ? Détaillé à l’occasion du congrès de l’UEGW 2024, le nouveau consensus de Lyon sur le RGO (1), met à plat les critères cliniques et paracliniques permettant de confirmer le RGO et d’orienter le traitement. Avec en toile de fond, la volonté d’éviter des prescriptions inutiles, tout en identifiant au mieux les candidats à une éventuelle prise en charge chirurgicale.
La clinique seule pas toujours suffisante
Depuis la définition de Montréal en 2006, la présence de symptômes typiques (pyrosis, régurgitations acides, douleurs thoraciques) ou atypiques (manifestations ORL, respiratoires) ou de lésions œsophagiennes en endoscopie (œsophagite, œsophage de Barrett, sténose peptique) suffisaient à poser le diagnostic (et à traiter) le RGO. Le consensus de Lyon 2024 est plus exigeant, comme l’a expliqué à Vienne la Pr Sabine Roman (Hospices civils de Lyon), co-autrice de ce travail.
Ce texte, établi par un groupe d’experts internationaux stipule « qu’en l’absence de symptômes d’alarme (dysphagie, anémie, vomissements répétés, perte de poids), d’âge inférieur à 50 ans, et si les symptômes sont typiques, un traitement empirique par inhibiteurs de la pompe à protons (IPP) peut être prescrit », explique la Pr Roman, tout en rappelant que la réponse au traitement ne permet pas d’affirmer le diagnostic, l’effet placebo atteignant 10 voire 25 % de réponse.
Dans les autres situations, ou en cas d’inefficacité du traitement empirique, tout reflux doit par contre être prouvé. « Des explorations complémentaires sont nécessaires pour éviter des prescriptions inutiles d’IPP », précise la spécialiste. Dans cette optique, l’endoscopie peut affirmer le RGO lorsqu’une œsophagite modérée à sévère (grades B/C/D de Los Angeles) ou un œsophage de Barrett sont présents. Elle est cependant normale dans 20 à 70 % des cas, du fait de l’absence de ces manifestations en dépit de l’agressivité acide récurrente. Une pH-métrie sans traitement est alors utile, soit filaire durant 24 heures, soit sans fil à l’aide d’une capsule fixée à l’œsophage permettant des enregistrements de quatre jours, avec un meilleur rendement diagnostic (2). En cas de RGO démontré et de persistance de symptômes sous IPP l’étape suivante consiste en une pH-impédancemétrie pour démontrer la persistance ou non d’un RGO pathologique sous traitement.
Publié fin septembre 2024 (3), le nouveau « Score de Lyon » prend en compte le résultat des examens réalisés (endoscopie, pH-métrie, pH-impédancemétrie). Il permet d’évaluer le reflux et de prédire la probabilité d’une amélioration symptomatique d’au moins 50 %, (sous IPP ou grâce à la chirurgie) avec une sensibilité de 81,2 %, et une spécificité de 73,4 %.
Des explorations complémentaires sont nécessaires pour éviter des prescriptions inutiles d’IPP
Pr Sabine Roman, co-autrice du consensus de Lyon sur le RGO
Chirurgie : identifier les bons candidats
Chez les patients répondeurs aux IPP, de nombreuses études randomisées publiées ces 15 dernières années ont montré une équivalence d’efficacité entre traitement médical et chirurgie. Chez ceux non soulagés par les IPP, la tentation est grande d’envisager une prise en charge chirurgicale. En cas de RGO réfractaire documenté, faut-il alors franchir le pas ? « Avant de penser chirurgie, souligne le Pr Prakash Gyawali (Washington University School of Medicine, St Louis, Missouri, Etats-Unis), l’efficacité du traitement médical doit être optimisée : une prise 30 à 60 minutes avant les repas, doubler la dose si inefficacité, changer pour un autre IPP ».
Ensuite, les critères diagnostiques du RGO réfractaire, récents et repris dans le consensus de Lyon, permettent de prédire l’efficacité de la chirurgie : régurgitations prédominantes et présence d’une hernie hiatale volumineuse chez des patients avec RGO prouvé ; persistance sous traitement d’une œsophagite grade B/C/D ou d’un nombre de reflux supérieur à 80/jour ou d’une exposition acide supérieure à 4 % en pH-impédancemétrie (4).
La chirurgie anti-reflux reste la fundoplicature laparoscopique, dont la forme complète (360°, intervention de Nissen) permet un meilleur contrôle du reflux mais est plus souvent pourvoyeuse de dysphagie que la fundoplicature partielle (180°, intervention de Toupet). Plusieurs études non contrôlées ont montré une bonne efficacité de la chirurgie chez des patients bien sélectionnés, dont l’une parue en août 2024 (5). Le Pr Salvatore Tolone (chirurgie, University of Campania Luigi Vanvitelli, Naples, Italie) a décrit l’expérience de son service (en cours de publication) : « chez 115 patients opérés avec un suivi de plus de dix ans, dont 76 avec RGO réfractaire, le taux de satisfaction était de 94 %, avec seulement 3 % des patients se plaignant de dysphagie ». Par ailleurs, « nous disposons depuis 2019 d’une étude randomisée montrant - chez des patients avec pyrosis réfractaire - la nette supériorité à un an de la chirurgie par rapport au traitement médical (67 % contre 28 %)» (6).
En résumé, en cas d’échec du traitement médical optimisé, un bilan doit être réalisé pour démontrer la présence d’un RGO pathologique d’abord, puis vérifier s'il s'agit d'un RGO réfractaire persistant sous traitement pouvant conduire à envisager une fundoplicature laparoscopique avec le meilleur taux de réussite.
D’après la session : Diagnosis and management of GORD: The lyon is in the room!
(1) Gyawali CP et al. Gut. 2024 Jan 5;73(2):361-71.
(2) Krause et al. Am J Gastroenterol. 2024 Apr 1;119(4):627-34.
(3) Gyawali CP et al. Am J Gastroenterol. 2024 Sep 19. I
(4) Patel A et al. Gastroenterology 2024 (in press)
(5) Wang et al. Surg Endosc. 2024 Aug 19.
(6) Spechler et al. N Engl J Med. 2019 Oct 17;381(16):1513-23.
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