Un essai clinique porté par les National Institutes of Health (NIH) américains a montré qu’administrer un anticorps anti-amyloïde en préventif – le ganténérumab, traitement expérimental développé par Roche/Genentech – chez des personnes prédisposées à la maladie d’Alzheimer pourrait réduire de moitié le risque de la développer.
Les participants inclus dans cet essai mené par la plateforme Knight Family Dominantly Inherited Alzheimer Network-Trials Unit (DIAN-TU) étaient en effet porteurs de mutations génétiques héréditaires rares entraînant une surproduction d’amyloïde dans le cerveau les prédisposant à une forme précoce de la maladie. L’essai a été financé par le laboratoire Genentech, l’Alzheimer's Association et la GHR Foundation ; ses résultats sont publiés dans The Lancet Neurology (1).
« Ce que nous savons désormais, c'est qu'il est au moins possible de retarder l'apparition des symptômes de la maladie, en éliminant les plaques amyloïdes plusieurs années avant les symptômes, et d'offrir aux patients davantage d'années de vie en bonne santé », commentent les auteurs dans un communiqué de presse de l’Université de Washington. « De plus, ces résultats apportent de nouvelles preuves à l’hypothèse amyloïde de la maladie d’Alzheimer ». Bien que l'essai ait été limité aux personnes atteintes d’une certaine forme génétique, les auteurs « espèrent que les résultats de l'étude éclaireront les efforts de prévention et de traitement pour toutes les autres formes de la maladie ».
Initialement prévue pour trois ans, cette extension d’étude (voir encadré) a été interrompue mi-2023 à la suite de la décision de Roche/Genentech d'arrêter le développement du ganténérumab en novembre 2022, les données de leurs essais pivots de phase 3 Graduate I et II évaluant l’anticorps monoclonal chez les personnes atteintes de la maladie d'Alzheimer symptomatique précoce n'ayant pas atteint le critère d'évaluation principal, à savoir le ralentissement du déclin clinique.
Des résultats à interpréter avec précaution
L’essai d’extension en ouvert a inclus 73 participants ne présentant aucun déclin cognitif, ou alors très léger, et se trouvant entre dix et quinze ans avant l’âge attendu d’apparition des premiers symptômes de la maladie d’Alzheimer. Certains participants avaient déjà été précédemment traités par ganténérumab dans le cadre de l’essai principal et d’autres avaient reçu un anti-amyloïde différent (du solanézumab). À l’inclusion dans l’essai d’extension, les patients – quel que soit leur traitement antérieur – ont reçu un traitement par ganténérumab.
Les auteurs estiment, à partir des antécédents familiaux des participants et des données existantes, un risque réduit de développer des symptômes de quasiment 50 %, mais seulement pour un sous-groupe de 22 participants ne présentant pas de troubles cognitifs au début de l'étude et ayant reçu le médicament le plus longtemps (en moyenne huit ans). Pour le groupe de participants ayant reçu du ganténérumab uniquement pendant l’extension, aucun effet observable sur les fonctions cognitives n'a été observé.
Après l'arrêt du ganténérumab, les participants n’ayant pas encore développé de symptômes ont continué à recevoir du lécanémab, « dans l’espoir qu’elles ne développent jamais de symptômes », écrivent les auteurs. Les résultats n'ont cependant pas encore été analysés, dans l’attente de subventions par les NIH. S’il n’existait pas de groupe témoin interne dans cet essai, les auteurs ont cependant comparé leurs participants à ceux d’une étude connexe (DIAN Observational) qui n’avaient reçu aucun traitement médicamenteux et à ceux de l’étude DIAN-TU sous placebo.
Bien que cette étude ne prouve pas de manière concluante qu'il est possible de retarder l'apparition de la maladie d'Alzheimer et qu'elle utilise un médicament qui ne sera probablement pas disponible, les résultats sont prometteurs d'un point de vue scientifique
Pr Tara Spires-Jones de l’Université d’Edimbourg
Avec le ganténérumab, les auteurs retrouvent des taux d’Arias (anomalies d'imagerie liées à l’amyloïde) supérieurs à ceux de l'essai clinique initial (30 % contre 19 %), ce que les chercheurs attribuent « aux doses plus élevées utilisées lors de l’extension ». Deux participants ont dû arrêter le traitement du fait de la sévérité de ces anomalies et sont actuellement « rétablis ». Aucun événement indésirable potentiellement mortel n'a été observé, ni aucun décès, les auteurs concluent à « un profil de sécurité du ganténérumab similaire à celui de l'essai initial et d'autres essais cliniques ».
L’absence de groupe placebo, la taille de la cohorte, la courte durée de l’extension et l’échec du ganténérumab dans l’essai Graduate sont cependant des éléments à prendre en compte dans l’interprétation des résultats. Du constat des auteurs eux-mêmes ainsi que de pairs dans le Science Media Centre, la réduction du risque évaluée par les auteurs à 50 % pour le groupe ayant été traité le plus longtemps doit être considérée avec précaution et, ce, notamment dans l’attente des données d’observation à long terme.
« J'attends avec impatience de voir les résultats des autres traitements administrés dans le cadre de cet essai », commente ainsi le Pr Charles Marshall, de l’Université de Londres. « Bien que cette étude ne prouve pas de manière concluante qu'il est possible de retarder l'apparition de la maladie d'Alzheimer et qu'elle utilise un médicament qui ne sera probablement pas disponible, les résultats sont prometteurs d'un point de vue scientifique », rajoute quant à elle la Pr Tara Spires-Jones de l’Université d’Edimbourg.
R. Bateman et al., The Lancet Neurology, 2025, vol 24, n°4, 316-330
Un vaste essai sur la prévention de la maladie d’Alzheimer
La population étudiée est issue de l’essai de phase 2/3 Knight Family DIAN-TU-001, le premier essai mondial de prévention par médicaments anti-amyloïde (ganténérumab, solanézumab) de la maladie d’Alzheimer lancé en 2012. La présente étude évaluant le ganténérumab seul en est un essai d’extension.
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