Si l'avis de la Haute autorité de santé (HAS) n'a pas surpris les pro-homéopathie, il ne les a pas non plus découragés au point de baisser les bras.
Vendredi, le collectif Mon Homéo Mon Choix, lancé en avril par des organisations professionnelles, des sociétés savantes, des associations de patients et les laboratoires Boiron, Lehning et Weleda, a joué son va-tout. Tandis que leurs troupes – 500 personnes environ, pour l'essentiel salariées de Boiron – manifestaient à Paris et à Lyon, les têtes pensantes du mouvement, « déterminées à ne rien lâcher », ont présenté un à un leurs contre-arguments.
Ils appellent tout d'abord la ministre de la Santé à ne pas suivre l'avis de la HAS et à ne pas dérembourser l'homéopathie. En parallèle, ils réclament au gouvernement un moratoire pour mener une nouvelle étude sur l'homéopathie, en utilisant les données nationales de santé de l'assurance-maladie afin d'en évaluer « l'intérêt de santé publique » et la tenue de deux débats, l'un parlementaire et l'autre public.
Le collectif rejette également la méthode employée par la HAS. Selon Valérie Lorentz-Poinsot, directrice générale du groupe Boiron et voix des labos, la méthode pour évaluer l'efficacité de l'homéopathie est défaillante car les règles « n'ont pas été définies » au préalable. « Nous avons été saisis, sans loi, sans décret. Parmi les membres de cette commission [de la HAS, NDLR], il n'y a qu'un seul généraliste, et les autres ne connaissent pas l'homéopathie, souligne encore Valérie Lorentz-Poinsot. Surtout, la commission a été créée pour des médicaments conventionnels » et a évalué les médicaments homéopathiques en « un temps record ».
Du côté des médecins homéopathes, on estime que « les dés étaient pipés depuis le départ ». « Pourtant, il n'y a jamais eu autant de demande en homéopathie ! Je vois chaque semaine un ou deux patients qui n'en ont jamais pris et viennent consulter pour s'en faire prescrire, car c'est un traitement thérapeutique sans intolérance, allergie ou complication », indique le Dr Charles Bentz, président du Syndicat national des médecins homéopathes français (SNMHF).
Le Dr Bentz craint par ailleurs que la formation des jeunes médecins en homéopathie soit mise en péril, et la prise en charge des patients en conséquence. « Quid de la prescription d'ici cinq ou dix ans s'il y a déremboursement ? Des non-médecins vont s'engouffrer dans la brèche et à ce moment-là, on assistera à une vraie perte de chance pour les patients. Seul un médecin peut expliquer si on peut remplacer un traitement conventionnel par de l'homéopathie ou non ! »
Les patients utilisateurs de granules crient aussi leur exaspération. « Nous ne sommes pas entendus alors que 77 % des Français ont déjà utilisé l'homéopathie », assure Joël Siccardi, président d'Homéo Patients France citant une étude Ipsos de 2018. Pour l'association, un déremboursement serait « une atteinte au pouvoir d'achat, car les médicaments seront forcément plus chers ». « Certains patients bénéficiant de la CMU ne pourront pas continuer à utiliser de l'homéopathie », anticipe Joël Siccardi.
« Excellence française »
Le collectif appuie aussi son propos sur l'étude EPI-3 (lire en p. 2), réalisée par Boiron auprès de 8 000 patients et 800 médecins homéopathes et non-homéopathes et qui démontrerait les bénéfices de l'homéopathie (baisse de la consommation d'antibiotiques, d'anti-inflammatoires et de psychotropes).
Dernière carte abattue par le collectif face aux conclusions de la HAS : l'argument économique. « L'homéopathie est moins coûteuse que les médicaments conventionnels pour les finances publiques, elle représente 0,29 % des montants remboursés par l'assurance-maladie et 0,06 % des dépenses de santé », indique Valérie Lorentz-Poinsot.
Un déremboursement menacerait par ailleurs 1 300 emplois – dont 1 000 à Boiron – et 2 700 fournisseurs et sous-traitants. « Nous ne laisserons pas tomber une filière d'excellence, avec des médicaments fiables et de qualité, 100 % fabriqués en France », conclut la DG de Boiron. Ce dernier argument a infusé dans la sphère politique. Gérard Collomb (maire de Lyon), Laurent Wauquiez (président Auvergne-Rhône-Alpes) et Xavier Bertrand ont exprimé leur soutien aux pro-granules.
En dehors du collectif, le Dr Philippe Vermesch, président du SML, s'est positionné lui aussi en faveur de l'homéopathie. Les patients « réclament tout simplement la possibilité de choisir comment ils veulent être soignés et accompagnés ». Et d'insister : « ce serait mal connaître la médecine et les patients que de prétendre rayer l’homéopathie d’un trait de plume. Et pour la remplacer par quoi ? » L'Union nationale des médecins à exercice particulier (UNAMEP), affiliée à la CSMF, enfonce le clou : « 34 % des généralistes en prescrivent quotidiennement » selon le syndicat. Les médecins homéopathes de la centrale polycatégorielle « déplorent que le comité d’experts [de la HAS, NDLR] n’ait comporté aucun expert homéopathe. Ils regrettent que la démarche de la HAS n’ait pas pris en compte l’ensemble de la démarche du médecin homéopathe ».
En attendant la réponse d'Agnès Buzyn, le collectif entend poursuivre sa mobilisation. Coûte que coûte, il continuera de diffuser sa pétition, désormais signée par plus d'un million de patients.
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