Peut-on parler d’un déclassement de la recherche vaccinale en France ?
Il faudrait plutôt parler d'un manque de capacité et d’ambition dans le champ de la recherche translationnelle, à savoir la transformation des innovations scientifiques en innovations technologiques. Nous avons recensé en mai dernier plus d’une trentaine de projets de vaccins français contre la Covid-19. Suite à leur évaluation positive, trois d'entre eux ont bénéficié d'une petite aide de l'État : le projet du Vaccine Research Institute dirigé par le Pr Yves Lévy, celui développé par l'Institut Pasteur de Lille et celui développé par l’Inserm et le CEA/Leti. Deux biotechs hexagonales, Ose Immunotherapeutics et Osivax, disposent de programmes encore à un stade relativement précoce. Pour autant, l'écosystème n'est pas assez fertile afin que ces recherches puissent arriver au cap industriel. Par ailleurs pour un succès, de nombreux échecs sont à prévoir. D'où l'importance à disposer sur le territoire d'un grand nombre de petites structures innovantes, qu’elles soient de nature publique ou privée. Recenser seulement deux biotechs qui travaillent sur un vaccin Covid-19, c'est un chiffre notoirement insuffisant.
Comment comprendre la frénésie des Français à se faire aujourd'hui vacciner alors qu'ils avaient montré en 2020 une grande réticence ?
Une grande lassitude des contraintes et des confinements et le besoin d’un espoir de retrouver une vie normale sont des facteurs certainement très importants dans l’engouement des Français pour le vaccin. S’ajoute le fait que le vaccin, en raison de sa disponibilité encore très limitée, apparaît comme un bien désirable puisqu’il n’est pas accessible à tous actuellement.
Pourquoi la reco de la HAS d'attendre six semaines après l'administration de la seconde zone n'a pas été suivie par Olivier Véran ?
Le Conseil scientifique, comme le Conseil d'orientation de la stratégie vaccinale présidé par le Pr Alain Fischer [auquel appartient également Marie-Paule Kieny, NDLR] se sont clairement prononcés pour respecter les délais recommandés par les laboratoires. Tous les pays européens à ce jour ont adopté ce calendrier, à l'exception de la Grande-Bretagne et du Danemark. Au-delà des problèmes logistiques, le danger funeste serait de considérer qu'une seule dose suffit, et qu’on a tout le temps de délivrer la deuxième dose. Enfin, il serait dangereux de laisser un grand nombre de sujets vaccinés avec un statut vaccinal intermédiaire. En témoigne l'expérience israélienne où l'efficience est plus faible qu'attendue. La protection serait de 33 % avec une seule injection. Certes la population vaccinée était plus âgée que dans les études cliniques. Des réponses immunitaires sous-optimales exposent également au risque accru d'émergence de variants du virus.
Faut-il redouter ces nouveaux variants ?
À ce jour, le variant brésilien nous paraît le plus préoccupant même s'il n'y a pas urgence de santé publique en Europe. L'immunité, qu'elle soit vaccinale ou naturelle comme à Manaus (Brésil), serait à l'origine de mutants d'échappement. Il est aisé d'en fabriquer dans un laboratoire en exposant le virus à des quantités sous-optimales d'anticorps. Le mutant en Afrique du Sud a émergé dans une zone à forte circulation de virus associée à une population comprenant de nombreux patients immunodéprimés, voire traités avec des anticorps monoclonaux. Il faut s'habituer à vivre avec des variants. On dispose d'une certaine expérience avec la grippe. D'où l'importance à mener en permanence une épidémiologie moléculaire fine de ce virus, comme réalisé par la plateforme GISAID.
Les vaccins chinois et russes constituent-ils une alternative face à la pénurie de vaccins ?
Le vaccin russe Spoutnik est très certainement efficace. Nous avons conduit une mission française à Moscou où les résultats du vaccin Spoutnik nous ont été présentés de façon très collaborative. Peut-il pour autant répondre à la pénurie ? Non pour trois motifs. En premier lieu, les quatre sous-traitants russes produisent le vaccin essentiellement – et c’est compréhensible - pour la population russe. Des accords ont été conclus avec des sous-traitants génériques de plusieurs pays, dont l’Inde. Cette production est utilisée dans le cadre des accords bilatéraux entre la Russie et un autre pays. Moscou a ici recours comme d'autres capitales à la diplomatie sanitaire. Par ailleurs en Europe, la procédure d'enregistrement centralisée est obligatoire pour les produits recombinants, et les Russes ont d'ailleurs déposé un dossier à l’autorité de régulation des médicaments européenne. Sans attendre, les Hongrois ont décidé de passer commande en dépit des règles européennes.
En ce qui concerne les vaccins chinois inactivés, le règlement européen permettrait d'envisager un enregistrement national. Celui développé par Sinovac présente une efficacité de 50 % contre toute forme de Covid-19, mais une efficacité de 79 % contre la Covid-17 plus sévère (de grade 3). Ce laboratoire a signé un accord avec le Brésil et d’autres pays. Quant à celui de Sinopharm, son efficacité serait de 78 %. Il a été acheté par plusieurs pays, dont le Maroc.
Quels sont les futurs vaccins disposant d'un fort potentiel ?
Très certainement Novavax, une biotech américaine qui développe un vaccin sous-unitaire avec une protéine purifiée, présentée sous forme de nanoparticules avec un adjuvant prometteur. C'est à ce jour selon les résultats présentés au Comité, le vaccin le plus immunogène si l'on prend pour critère les anticorps neutralisants. Les résultats de phase III devraient être publiés en mars. On attend également le vaccin de Curevac, celui de Johnson & Johnson (avant la fin janvier) qui présente l'intérêt de ne nécessiter qu’une seule dose.
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