Contexte
Le Groupe hospitalier Bretagne Sud (GHBS) de Lorient (Morbihan) a été sollicité début avril pour participer à une évacuation sanitaire de patients Covid de réanimation par train. Les patients venaient d'Île-de-France de plusieurs hôpitaux civils et militaires. Avec une capacité totale de 32 lits de réanimation et 11 patients déjà hospitalisés, l'hôpital a décidé le 3 avril d'accepter le rapatriement de 12 nouveaux patients d'Ile-de-France. L'objectif était de conserver une réserve de lits disponibles. Sous la pression de la crise, l'organisation s'est mise en place très rapidement entre le jeudi 2 avril au soir au vendredi 3 avril au soir où il fallait avoir préparé l'ensemble du matériel médical et médicamenteux pour l'expédition par camion vers Paris. L'équipe médicale et paramédicale était sous pression mais solidaire et coopérative du premier au dernier instant.
Contraintes
« C'était le branle-bas-de combat ! Nous avons bien reçu une liste de matériels et de médicaments du Samu de Paris, mais elle nous a vite paru imprécise et incomplète », explique Baptiste Quélennec, pharmacien au GHBS et embarqué dans le train. C'est pourquoi « pendant plus d'une heure le vendredi 4 avril en présence d’un réanimateur, du collègue pharmacien en charge des stocks Covid et d’infirmières de réa, nous avons épluché cette liste pour préciser les besoins en médicaments et en matériel. » Plus précisément, la difficulté a porté sur les produits en tension comme les curares et les filtres.
Autre problème recensé, la difficulté d’obtenir des informations pratiques : le contact avec Paris ne s'est fait que par les directions des hôpitaux. Baptiste Quélennec a dû aller à la pêche aux informations notamment auprès de collègues pharmaciens présents sur le dispositif ou qui avaient déjà réalisé un voyage sanitaire quelques jours auparavant.
Une autre incertitude pesait sur la troisième voiture. Selon Baptiste Quélennec, « on nous a laissés entendre qu'elle serait médicalisée par le Samu 75 dont on ne savait pas s'ils fourniraient le matériel et les médicaments ou si c'était notre rôle. Dans le doute, nous avons préféré prévoir de quoi armer une troisième voiture. »
Les patients pour être éligibles au transport devaient remplir certains critères cliniques stricts qui avaient été publiés au niveau national. Exemple : ne pas dépasser 100 kg, être stable au niveau cardiovasculaire, être sevré du décubitus ventral depuis plus de 24 heures « Au final, indique Baptiste Quélennec, sur les 12 patients initialement prévus pour le transport, 3 n'étaient plus éligibles le jour du départ, le dimanche 5 avril. »
Historique du parcours
Jeudi 2 avril : annonce au GHBS que ses services vont être sollicités pour un transport sanitaire de malades.
Vendredi 3 avril : préparation du matériel et des médicaments nécessaires par une équipe de pharmaciens et préparateurs en pharmacie hospitalière, chargement dans un camion dédié le soir, échange nécessaire entre les équipes de réanimation et les pharmaciens.
Samedi 4 avril : départ en début d'après midi par le TGV aller : "Nous avons retrouvé tous nos collègues des hôpitaux bretons dont ceux de Brest qui avaient déjà participé à une opération de train sanitaire au début de la semaine. Ceux-ci ont partagé leur expérience", indique Baptiste Quélennec. Arrivée vers 18 heures à Montparnasse. Transport des soignants jusqu'à la gare d'Austerlitz, lieu de départ du train le lendemain. "Il fallait des quais de gare suffisamment larges pour charger les patients", indique le pharmacien hospitalier. Avec l'équipe, il leur a fallu armer les voitures, préparer les sacs de transport contenant le matériel de réanimation provenant du camion. Sa tâche essentielle : aménager une cellule pharmaceutique dans la salle haute et un soufflet d'une des voitures du TGV ainsi que placer les curares au frais dans la voiture-restaurant du train. Coucher vers 22 h 30 après avoir mangé une pizza.
Dimanche 5 avril : lever à 3 h 20, départ à 4 heures de l'hôtel, arrivée à 5 heures à Austerlitz. Finalement le Samu 75 prend bien en charge une voiture de 4 malades, ce qui donnera plus de disponibilité à l’équipe lorientaise. Certains personnels terminent d'armer les voitures, d'autres vont chercher les malades dans les hôpitaux. 7 h 30 : première arrivée des patients. Le rôle du pharmacien est de répondre aux sollicitations des médecins et soignants. Départ du train à 9 h 33. « La première heure a été agitée, les patients étaient très perturbés, il a fallu majorer leur sédation et leur curarisation. J'ai constaté que ma présence en appui sur deux voitures convenait, au-delà cela aurait été difficile à gérer », indique Baptiste Quélennec. Les gares de Vannes, Lorient et Quimper ont successivement accueilli les malades via les Samu locaux.
Bilan
- Seulement 18 % des médicaments et dispositifs médicaux transportés ont été utilisés. Les autres ont été réintégrés dans les stocks de l'hôpital. Aucun curare n'a été perdu par rupture de la chaîne du froid.
- Le pharmacien hospitalier avait toute sa place dans cette opération.
- Il est important de documenter cette expérience et de mettre en place un réseau d'échange professionnel entre pharmaciens hospitaliers en lien avec les Samu. L'objectif sera de moins improviser et de mieux prévoir. « On a parfois dû raisonner par le manque, indique Baptiste Quélennec. Heureusement, cela s'est bien terminé. »
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