Trois médecins du travail sont poursuivis par des employeurs qui dénoncent devant les juridictions ordinales l’invalidité de certificats médicaux, jugés complaisants à l’égard de salariés de leurs entreprises.
Doit-on craindre un effet boule de neige préjudiciable aux 7 000 médecins du travail en fonction, dont beaucoup fragilisés par un exercice à temps partiel ? Inquiète, la profession se mobilise. En moins de cinq jours, 4 000 médecins (toutes spécialités confondues) ont signé la « pétition d’alerte et de soutien » aux trois professionnels incriminés « pour avoir observé leurs obligations en rédigeant des certificats médicaux ou des courriers à leurs confrères, constatant les liens entre l’organisation du travail et ses effets sur la santé psychique de salariés ». Pour le Dr Bernard Salengro, président du Syndicat général des médecins et des professionnels des services de santé au travail (SGMPSST, affilié à la CFE-CGC), il faut supprimer le droit de saisine ordinal aux entreprises.
LE QUOTIDIEN - Les médecins du travail sont-ils victimes d’une nouvelle forme de pression des entreprises, dans le cadre de leur exercice ?
DR BERNARD SALENGRO - Nous avons toujours été victimes de pressions, inhérentes à notre travail. La raison d’être de l’entreprise est de faire du profit et, quelque part, les mesures de prévention préconisées par le médecin du travail ralentissent le bon fonctionnement du système. En cela, notre profession est parfois vue d’un mauvais œil par les patrons. Ce qui est nouveau, c’est de s’appuyer sur les instances ordinales pour s’en prendre à un médecin du travail. Protégé par le Code du travail, ce dernier ne peut être attaqué sur sa pratique professionnelle. En revanche, en passant par l’Ordre, l’entreprise peut parvenir à ses fins en utilisant le biais déontologique.
Comment protéger ces praticiens ?
Il faudrait revoir le mode de saisine pour supprimer ce droit aux entreprises, ne le conserver que pour les patients et les médecins. Il faudrait aussi plus de médecins du travail au sein des conseils régionaux, dont les instances disciplinaires sont habilitées à juger de ses plaintes. Seuls deux ou trois font bénéficier les instances ordinales de leur expérience de terrain. Les médecins qui siègent dans les conseils de l’Ordre font de la thérapeutique, ils ne se rendent pas compte des enjeux qui sont ceux de l’exercice de la médecine du travail, en immersion totale sur le terrain complexe de l’entreprise. L’un des trois médecins incriminés – le Dr Élizabeth Delpuech, qui exerce dans l’Ain – a déjà reçu un blâme il y a quelques mois de la part de son conseil ordinal. Qui manifestement n’a rien compris à l’affaire.
La médecine du travail, c’est l’art de mettre en relation les pathologies, les ressentis des employés et les situations professionnelles. Si l’Ordre revient sur ce principe, nous n’avons plus de raison d’exister.
Vous semblez inquiets pour l’avenir de votre profession…
Parce que ce qui se passe est grave ! Si les instances ordinales locales, emportées dans leur élan d’incompréhension, continuent à aller dans le sens des entreprises, cela signera notre condamnation à mort. Et ce sera la porte ouverte à la venue de psychologues ou de tout autre médecin que nous au sein du monde du travail. Nous allons alerter la presse, les ministres de la Santé et du Travail et l’Ordre national de notre situation. Une lettre de revendications les attendra demain dans leur boîte aux lettres.
Dans la cholécystite, la chirurgie reste préférable chez les sujets âgés
Escmid 2025: de nouvelles options dans l’arsenal contre la gonorrhée et le Staphylococcus aureus
Yannick Neuder lance un plan de lutte contre la désinformation en santé
Dès 60 ans, la perte de l’odorat est associée à une hausse de la mortalité