Data, algorithmes et intelligence artificielle

L'Ordre veut accompagner la profession dans la nouvelle société numérique

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Publié le 01/02/2018
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Crédit photo : PHANIE

À l'occasion de la publication de son livre blanc intitulé « Médecins et patients dans le monde des data, des algorithmes et de l'intelligence artificielle », l'Ordre national des médecins (CNOM) préconise une trentaine de recommandations visant à soutenir le développement d'une société numérique « au service des soignants et des patients ». 

« Le respect des secrets des personnes est la base même de la confiance qu'elles portent aux médecins. Il faut donc mettre cette exigence éthique dans le traitement massif des data lors de la construction des algorithmes », peut-on lire en préambule.

Sur ces bases, le Dr Jacques Lucas, vice-président du CNOM et délégué général au numérique, et le Pr Serge Uzan, doyen honoraire de la faculté de médecine Pierre et Marie Curie, s'interrogent en particulier sur les études médicales, la relation patient-médecin ou l'exploitation des données de santé.  

Le progrès, un allié pas un maître 

Premier prérequis : pas question que le recours aux nouvelles technologies remplace la décision médicale partagée avec le patient « qui reste singulière ». Le message est clair : les progrès issus des algorithmes ou de l'intelligence artificielle (IA) doivent être au service de la personne, et non l'inverse ! Ces technologies, qui peuvent constituer « un apport essentiel pour l'aide à la décision et à la stratégie thérapeutique », devront être mobilisées « pour améliorer les capacités des médecins et des équipes soignantes à mieux comprendre et soigner »

Afin de préserver l'exercice, l'Ordre réclame la création d'un « label public » pour la qualité et la fiabilité des outils technologiques utilisés par les professionnels et les patients. Autre instance préconisée : un observatoire national des technologies d'intelligence artificielle et de robotique en santé.

Un débat public sur la captation des données massives serait également utile. La préservation du secret médical couvrant les données personnelles de santé devra être appliquée aux traitements du big data, au risque de conduire à des discriminations, met en garde l'institution.   

Le CNOM recommande aux médecins de s'intéresser de près à la conception et à l'élaboration des objets et dispositifs intelligents « propres à répondre à leurs besoins » afin de « guider » le secteur industriel dans une bonne voie « plutôt que de laisser faire les lois du marché qui s'imposeraient à eux ». En clair, la profession doit s'approprier ce débat et non pas l'abandonner aux start-up. 

Dans le cadre de la stratégie nationale de santé, l'Ordre rappelle que le développement de l'IA devra s'orienter vers l'aide à la décision médicale et non pas vers des dispositifs qui dicteraient au médecin (ou au patient) la conduite à tenir.

Simuler, la bonne idée 

La formation médicale initiale (et continue) joue « un rôle crucial dans l'anticipation et l'accompagnement vers une médecine du futur », insiste l'Ordre. Il propose le déploiement à grande échelle de la simulation numérique « soit dans l'apprentissage de situations, soit dans celui de la technicité d'un geste ou d'une investigation ».

Autre principe de bon sens : pour déterminer le nombre de spécialistes à former chaque année, il convient nécessairement de tenir compte des « évolutions prévisibles » des métiers qui pourraient être percutés par l'intelligence artificielle « dans des échéances de cinq à dix ans », mais aussi des nouvelles pratiques déléguées ou avancées. L'Ordre est à cet égard favorable à la formation de « data scientists » et de praticiens issus d'un double cursus en médecine et ingénierie. Le « décloisonnement » entre disciplines est également souhaité.

Dernière recommandation ordinale : réduire la « fracture numérique ». Des efforts financiers en matière d'équipement doivent permettre de doter « l'ensemble du territoire de l'accès au haut débit ». Une attention spécifique doit être portée à cet effet aux départements ultramarins. 

 

 

Exergue/ « le respect des secrets des personnes est la base même de la confiance qu'elles portent aux médecins »

Anne Bayle-Iniguez

Source : Le Quotidien du médecin: 9636