La proposition de loi « créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie », « doit être améliorée », a reconnu le député Alain Claeys, en introduction à la journée de réflexion au Sénat du 19 février dernier.
Le texte a été légèrement amendé lors de son vote en commission des affaires sociales, le 17 février. Nul doute que d’autres amendements seront discutés dans l’hémicycle les 10 et 11 mars, certains (de la gauche et des écolos) poussant vers l’aide médicale au suicide, d’autres se cramponnant à la loi Leonetti de 2005.
Au-delà de cette polarisation du débat autour de l’euthanasie, que nous dit de notre société cette PPL, qui tente un nouvel équilibre « entre deux biens, liberté (autonomie) et solidarité (fraternité) », selon les mots de Leonetti ?
Question sur la dignité
« Toute personne a droit à une fin de vie digne et apaisée » stipule l’article 1er de la PPL. « N’y a-t-il pas contradiction à parler de droits à l’égard de la mort ? », s’interroge le Pr Michel Debout. La finitude est ce qui fait notre humanité, par essence digne, argumente le psychiatre. Aussi ne peut-on pas choisir de mourir dans la dignité ; on peut en revanche chercher des conditions dignes, mais pas seulement lors de la mort, dont il serait préoccupant de faire un moment en soi, mais tout au long de la vie, poursuit-il.
L’article 3 ouvre le droit d’une sédation profonde et continue pour un patient qui demanderait à « éviter toute souffrance et à ne pas prolonger inutilement sa vie ». Ici encore, se pose la question de la dignité. « De quels critères d’inutilité parle-t-on ? » s’interroge Michel Aupetit, Évèque de Nanterre, ex-médecin.
N’y aurait il pas un risque, pour des adolescents ou adultes en souffrance, à signifier, par une loi autorisant le suicide médicalement assisté, qu’il y aurait une légitimité à quitter certaines vies, a répondu le Pr Debout aux quelques militants de l’ADMD qui l’ont interpellé.
Culture de la démocratie formulaire
Le directeur de l’espace éthique de l’AP-HP Emmanuel Hirsch conteste jusqu’à la dignité de la sédation (pourtant présentée comme la garantie d’une fin de vie digne), qui n’est pour lui que le faux-nez de l’euthanasie passive. « Notre demande de dignité se contentera-t-elle de cette possibilité de sédation, d’un cérémoniel d’apaisement ? N’est-ce pas se priver des derniers instants de la lucidité ? On préserve les apparences, on met les formes, les directives anticipées, la collégialité » mais « on renonce à la réelle solidarité d’un accompagnement vrai » en faisant de la mort un acte médical, presque notarial, explique-t-il. Et d’appeler à une mobilisation politique pour des conditions de vie dignes qui n’incitent pas à un patient à réclamer l’endormissement.
La création de nouveaux droits pour le malade remodèle la relation avec le médecin. « Cela ne doit pas détruire la confiance. La clef de la relation entre soignant et soigné, c’est la relation humaine, le partenariat. Pas un service », met en garde Monseigneur Aupetit. Le sociologue et anthropologue Tanguy Chatel, bénévole en soins palliatifs, repère aussi dans l’opposabilité revendiquée pour les directives anticipées (DA), toute l’ambivalence de la relation au médecin. « C’est lui qu’on sollicite, mais il y a un fracassement de la confiance. Les DA sont le reflet d’une culture de démocratie formulaire, où on remplace le dialogue par du papier pour se prémunir de tout risque, analyse-t-il. Si l’opposabilité est trop contraignante, c’est le glas de l’éthique, qui est une mise ensemble inventive pour trouver la moins mauvaise des solutions. »
Une rédaction des directives difficile
Jean-Marc Sauvé, vice-président du Conseil d’État, qui a suivi l’affaire Vincent Lambert, demande à ce que la révision nécessaire des DA ne les rende pas contraignantes absolument. « Les volontés du patient se sont exprimées sur le fondement d’une hypothèse, dont il appartient au médecin de vérifier la réalisation ou pas », explique-t-il. Le soignant devrait pouvoir faire jouer des clauses de sauvegarde en cas d’urgence vitale ou lorsqu’elles apparaissent manifestement inappropriées à la situation du patient. « Le collège médical doit garder une marge d’appréciation significative », estime-t-il.
Reste la question de la rédaction de ces directives, jugée très difficile autant par Jean-Marc Sauvé ou Tanguy Chantel, que par des auditeurs intervenus dans le débat. Frédérique Dreiffus-Netter, conseillère à la Cour de cassation et membre du comité consultatif national d’éthique s’interroge sur la possibilité de demander à travers elles - telles qu’elles sont prévues dans la PPL - autre chose qu’un refus de soins. Et de proposer deux types de DA : celles rédigées par des malades, sur la base de la connaissance médicale de leur état, et des souhaits plus généraux, reflétant le monde intérieur de la personne, ses exigences philosophiques et existentielles.
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