LE QUOTIDIEN : Quelles sont les missions du groupe de travail ?
Anne Cambon-Thomsen : Le groupe de travail a été créé en 2016 pour répondre à deux mesures du plan France médecine génomique, l'une consistant à « intégrer les dimensions éthiques liées à la collecte, la conservation et le traitement des données cliniques et génomiques » et l'autre à « organiser l’information, la consultation et l’implication des acteurs de la société concernés ». C'est ainsi que le groupe a produit des notices d'information et des formulaires de consentement, utilisées au sein des deux plateformes de séquençage existantes.
Nous réfléchissons à ce que devrait être une instance d'éthique spécifique au plan. Il s'agit de savoir ce dont on a besoin, qui n'est pas déjà assumé par le Comité consultatif national d'éthique (CCNE) ou par les comités des différents organismes et institutions.
En quoi la médecine génomique retravaille-t-elle la notion de consentement ?
Le consentement du patient au séquençage à large échelle suppose d'abord son information. Tel est le but des notices élaborées avec les professionnels de santé, les institutions, les représentants des ministères (Santé, Justice) et des patients.
Ensuite les consentements sont complexes. Nous avons proposé plusieurs modèles, selon qu'il s'agit par exemple de maladies rares, de cancer ou d'une personne mineure.
Dans le cancer, il faut prendre en compte pour le consentement la coexistence entre l'oncogénétique et les déterminants constitutionnels d'une part et la génétique de la tumeur d'autre part.
Les maladies rares dont la déficience intellectuelle concernent souvent des enfants. Il faut alors chercher l'assentiment du mineur en fonction de son degré de maturité et recueillir le consentement formel des parents ou représentants légaux. Les maladies rares comportent aussi une nécessaire ouverture internationale liée à la constitution des filières.
De plus, le numérique pourra faciliter le consentement dynamique, c'est-à-dire modifiable dans le temps, par exemple consentir à l'utilisation de mes données en recherche, puis ne plus le vouloir.
Qu'attendez-vous de la troisième révision de la loi de bioéthique ?
Cette révision devrait permettre aux médecins de faire part au patient de la révélation de données incidentes découvertes au cours de l'examen génomique, alors qu'on ne les recherchait pas. C'est un soulagement.
La parentèle est aussi concernée puisque la loi prévoit le même protocole d'information que pour les tests classiques. Il est demandé au patient d'informer les membres de sa famille dès que des mesures de soins ou de prévention, y compris de conseil génétique, peuvent être proposées, ou de confier cette tâche aux médecins, qui s'en acquittent dans le respect du secret du médical. Dans tous les cas, les personnes gardent un droit à ne pas savoir.
La loi de bioéthique ne permettra sans doute pas la recherche active des données secondaires. Une position discutée, en France comme à l'étranger.
Comment garantir une gestion « éthique » des données de santé ?
Le formulaire de consentement prévoit que les données recherchées dans le cadre du soin soient utilisées à des fins de recherche. Notre prochain chantier est donc de définir le cadre et les critères dans lesquels les chercheurs pourront avoir accès à ces données sensibles et seulement à celles qui leur seront utiles.
De leur côté, les patients n'auront pas un retour individuel sur des résultats, mais ils sauront, tout comme le public, quelles recherches sont menées.
Comment s'assurer que la médecine génomique soit accessible à tous ?
Le plan France médecine génomique s'inscrit dans l'esprit de notre système de santé, où dès qu'une technique est mise en œuvre, elle doit être accessible à ceux qui en ont médicalement besoin.
Il y a désormais un enjeu d'information du grand public. Il est important de rendre intelligible la médecine génomique, de dire ce qu'elle apporte — notamment de la précision dans les diagnostics dans certaines indications — et ce qu'elle n'est pas : de la prédiction déterministe. La génomique reste de la médecine.
* directrice de recherche émérite au CNRS, membre du groupe européen d’éthique des sciences et des nouvelles technologies
Article suivant
Maladies rares et cancers, les filières se structurent
« La génomique n'est pas une prédiction déterministe »
Maladies rares et cancers, les filières se structurent
Comment les filières maladies rares s'emparent du séquençage haut débit
Transition de genre : la Cpam du Bas-Rhin devant la justice
Plus de 3 700 décès en France liés à la chaleur en 2024, un bilan moins lourd que les deux étés précédents
Affaire Le Scouarnec : l'Ordre des médecins accusé une fois de plus de corporatisme
Procès Le Scouarnec : la Ciivise appelle à mettre fin aux « silences » qui permettent les crimes