LE QUOTIDIEN : Vous dirigez l'ARS francilienne depuis le 3 septembre. Quelles sont vos actions prioritaires ?
AURELIEN ROUSSEAU : Un grand nombre d'initiatives franciliennes très innovantes restent sous les radars car elles ne sont pas déclinées d'en haut. C'est mon principal sujet d'étonnement et de travail. Je veux déployer une politique publique plus agile et plus souple afin de mieux financer les projets de santé issus des territoires.
Le rôle des tutelles sanitaires n'est plus le même qu'au temps des agences régionales de l'hospitalisation [issues du plan Juppé, NDLR]. Avant, on pouvait opposer à des porteurs de projet la lecture obligatoire de 150 pages de cahier des charges ! Le terrain devait rentrer dans nos cases. Aujourd'hui, c'est à nous de nous débrouiller pour soutenir les professionnels.
Je souhaite élaborer une réponse de prise en charge populationnelle sur la base d'un diagnostic, qu'il soit porté par des libéraux, des hospitaliers ou des acteurs du médico-social. Mais attention : l'ARS n'est pas un open bar !
Nous avons évidemment un point de vue sur la pertinence des réponses sanitaires. Chaque projet doit s'accompagner d'un contrôle qualité. Ainsi, le diagnostic initial ne doit pas être autocentré sur un seul professionnel, il doit au contraire s'inscrire dans le territoire. Pour la ville, cela sous-entend de regarder le travail de l'hôpital et du médico-social. Les projets que nous soutiendrons devront s'intéresser à des fonctions essentielles, comme la permanence des soins ou les systèmes d'information en santé. Nous serons surtout les partenaires des professionnels qui ont la volonté d'exercer différemment leur métier. Je pense notamment aux jeunes, dont c'est un grand désir.
Vous évoquez les jeunes médecins. Quelle est la politique de l'ARS à leur endroit ?
Je suis frappé par leur volonté d'exercer autrement ! Commencer à travailler ici et finir 35 ans plus tard ailleurs n'est pas du tout un problème pour eux. Ils ont une responsabilité sociale et une envie de dialoguer avec d'autres professionnels forte.
Par exemple, plein de jeunes sont intéressés par les soins non programmés en ville. Il y a des débouchés. Dans le Val-de-Marne, il existe les SAMI [service d'accueil médical initial en maisons médicales de garde, NDLR]. Y travaillent beaucoup de jeunes médecins qui ne veulent pas exercer 100 % de leur temps en structures libérales. Mais structurer les soins non programmés à l'échelle régionale pose un problème majeur sur l'organisation du parcours de soins au niveau du territoire. Tout cela se réfléchit.
L'exercice de la médecine mixte doit aussi devenir la règle. L'univers de la santé est très cloisonné. Trop même, pour mettre en place des parcours de qualité. Notre travail, c'est de briser les cloisons du système de santé. Y compris chez nous !
L'ARS a un rôle de greffier dans l'affectation des internes. On ne peut plus s'arrêter à cela. C'est de notre responsabilité d'expliquer aux jeunes qu'on fait de la très belle médecine en dehors des CHU. Les internes ne sont pas fous ! Ils ne vont pas dans les endroits où ils ont détecté un problème qui nous aurait échappé, comme un service qui ne marche pas, un hôpital mal desservi, un lieu de stage sans logement. L'ARS travaille donc avec les établissements et les maires à la création d'une meilleure cartographie régionale. Les internes sont libres de leurs choix de stage mais ils doivent être mieux informés. Aucun médecin n'ira s'installer dans un endroit où il n'est jamais allé.
L'engorgement des urgences est un problème aigu en Ile-de-France. Quel est votre traitement ?
Il faut traiter le mal en amont. Près de la moitié des Franciliens vivent dans une zone déficitaire en médecins généralistes. L'Ile-de-France est de très loin le premier désert médical du pays. Les franges du Val d'Oise, des Yvelines, de l'Essonne et de la Seine-et-Marne sont dans une situation de pénurie absolue. Dans ce dernier département, 30 % des médecins généralistes ont plus de 61 ans !
La Seine-Saint-Denis est dépourvue de généralistes, mais aussi de psychiatres et de pédopsychiatres libéraux. Certains arrondissements parisiens sont également touchés.
Comme déjà évoqué, un système de soins non programmé bien organisé pourrait être une réponse. Communautés professionnelles de territoire (CPTS), exercice partagé, meilleure organisation de la permanence des soins… Tous les leviers du plan santé du gouvernement sont activables en Ile-de-France !
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