«J’étais en 5e année de médecine à l’époque. Je garde un souvenir d’une période de grande liberté et de joie de parler à des inconnus dans la rue. J’ai de grands souvenirs dans le quartier latin ! J’allais écouter Sartre à la Sorbonne, passais des soirées dans l’Odéon occupé et j’étais aux deux nuits des barricades, sans être en première ligne.
En médecine, on était tous à la Faculté de la rue des Saints-Pères, qui était occupée. Les assemblées générales se déroulaient dans le grand amphi Binet. On s’y retrouvait tous les jours. Fait assez pittoresque, c’est dans cet amphi que François Hollande a exposé en février 2012 ses propositions de candidat à la présidentielle sur la santé !
À l’époque, voir la fac de médecine en grève a frappé les esprits. L’ampleur de la mobilisation dans ce lieu plutôt conservateur illustrait la puissance du mouvement.
On avait même occupé sauvagement le Conseil de l’Ordre qui représentait pour nous l’ancien monde. Il y avait un vrai désir de démocratie alors que la parole des grands patrons était indiscutable. Ce n’est plus aussi vertical aujourd’hui, même si la hiérarchie n’a pas complètement disparu. Les PU PH sont encore très puissants.
L’Ordre aussi a évolué. Voir un généraliste du 93 à la tête du Conseil, comme c’est le cas aujourd’hui, était tout simplement inconcevable à l’époque.
Les choses mettent du temps à bouger, mais mai 1968 a été une impulsion. Des évolutions ont émergé en psychiatrie, sur la santé en prison, sur les inégalités entre hommes et femmes… La prise en compte de la parole des patients en revanche est arrivée plus tard avec les années SIDA.
À titre personnel, ça a joué sur mon engagement politique. À l’époque, j’étais sympathisant du PSU, un compagnon de route sans être encarté.»
Dr Claude Pigement, gastro-entérologue, ancien responsable santé du PS
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