LE QUOTIDIEN : Quel est l'état de la démographie des médecins spécialistes en France ?
JOY RAYNAUD : Que ce soit en zone rurale, périurbaine ou urbaine, on constate un manque de médecins dans toutes les spécialités, avec un allongement moyen des délais de prise de rendez-vous. Trois spécialités sont marquantes : la gynécologie, la dermatologie et l'ophtalmologie. Il y a aussi des difficultés d'accéder aux soins d'oncologie et de psychiatrie, et notamment de pédopsychiatrie. D'une manière générale, c'est le ressenti de la population qu'il faut analyser et non plus la densité par habitant, pas forcément pertinente. En région montagnarde, un taux de gynécologues par habitant très faible, si la population est âgée, peut quand même convenir.
Comment expliquer ces difficultés d'accès géographique aux soins ?
Il y a quelques années encore, les villes moyennes d'environ 50 000 habitants étaient pourvues en médecins spécialistes. Mais les médecins, et surtout les jeunes, veulent aujourd'hui davantage se regrouper pour des raisons professionnelles et familiales. On observe une concentration de l'offre médicale de spécialité dans les grandes villes, au détriment des communes moyennes, qui petit à petit se vident. C'est le cas par exemple entre l'Aude et l'Hérault, où des médecins de Narbonne sont partis se regrouper à Montpellier.
Quelle est la conséquence pour les médecins et les patients ?
Dans ces endroits, un phénomène s'amplifie : les médecins qui choisissent de rester sur place se retrouvent avec une charge de travail encore plus importante, et cela décourage l'installation des jeunes. Il y a un effet boule de neige, qui fait que le territoire devient encore moins attractif ! Et la population va être obligée de franchir davantage de kilomètres pour consulter des médecins spécialistes. Se pose donc la question des populations vulnérables comme les femmes enceintes, les personnes âgées ou atteintes de pathologies lourdes, ayant des difficultés à se déplacer.
Quelles seraient les solutions ?
Il y en a plusieurs. Dans les enquêtes auprès des médecins, on constate qu'ils sont souvent prêts à effectuer, par exemple deux jours par mois, des consultations dans des territoires avancés à plus de 50 kilomètres de chez eux, dans des maisons de spécialistes. Dans les Pyrénées-Orientales, on peut citer l'exemple de la maison du Fenouillèdes, où des gynécologues et des ophtalmologues se sont déplacés, permettant de dépister des cancers chez des patients âgés. C'est une solution ponctuelle, mais qui participe au maillage de l'offre de soins.
Plus globalement, la volonté publique doit jouer son rôle. Si les médecins désirent se regrouper dans les villes moyennes, pour assurer un maillage territorial, il faut les accompagner et de la manière la plus intelligente possible.
La télémédecine peut-elle aussi être une solution ?
Oui, à condition que le patient y consente pleinement et qu'il soit accompagné. Si c'est pour un télésuivi, le patient peut donner l'alerte au spécialiste lui-même, s'il y a un problème. Mais pour une téléconsultation, il doit être accompagné. La couverture en internet haut débit doit être améliorée, même si dans des territoires isolés comme en Lozère il y a eu un gros effort. On y constate une organisation améliorée et performante de l'offre de soins.
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