À quelques semaines de la généralisation de la complémentaire santé en entreprise, prévue au 1er janvier 2016, syndicats de praticiens libéraux et représentants des cliniques s’alarment de la place et du rôle grandissants des complémentaires santé dans la régulation du système de santé.
La semaine dernière, lors des « Rencontres 2015 » de la Fédération de l’hospitalisation privée (FHP), le sujet était omniprésent. Les professionnels se sont émus de « l’offensive » des complémentaires santé pour créer des réseaux de soins impliquant d’une façon ou d’une autre les médecins libéraux exerçant en clinique.
Certes, la loi Le Roux, promulguée en 2014, interdit toujours aux complémentaires santé de constituer des réseaux de soins directement avec des médecins conventionnés sur des bases tarifaires. Mais elle n’empêche pas les mutuelles, institutions de prévoyance ou assureurs privés de contractualiser... avec les établissements employeurs.
L’initiative de Santéclair, plate-forme spécialisée dans la gestion du risque santé, est dans toutes les têtes. En janvier, la société filiale de MAAF-MMA, Allianz, IPECA et de la mutuelle générale de la police ouvrira son premier réseau en chirurgie orthopédique, avec la promesse d’un reste à charge nul pour les patients adhérents qui y auraient recours. Une cinquantaine de cliniques ont répondu à l’appel d’offres national lancé en octobre, prolongé jusqu’au 17 décembre dans un tiers des régions où le nombre d’établissements n’était pas suffisant.
Brèche
Le réseau chirurgical de Santéclair est-il le premier acte d’une nouvelle offensive des complémentaires, visant à labelliser ou conventionner des établissements partenaires ? Beaucoup d’acteurs en sont convaincus.
Lors des « Rencontres » de la FHP, le Dr Jean-Martin Cohen Solal, délégué général de la Mutualité française (FNMF), s’est montré rassurant. « Nous ne soutenons pas cette expérience, imposé de façon unilatérale aux établissements et aux professionnels », a-t-il affirmé.
Du côté des cliniques, le malaise prédomine. « Je sais que les médecins ne seront jamais d’accord mais je ne peux pas contraindre les adhérents de la FHP à dire non aux réseaux de soins », précise le président Lamine Gharbi. L’éventuel soutien de la FHP à cette démarche de conventionnement est conditionné à plusieurs « paramètres incontournables », explique-t-il : l’adhésion des praticiens eux-mêmes ; la prise en compte de la qualité des soins ; et la non-exclusion des établissements de soins de suite et de réadaptation (SSR) et de psychiatrie, faute de quoi la menace serait grande de déstabiliser l’offre de soins.
Pression sur le secteur II
À l’inverse, le discours des médecins libéraux est sans ambiguïté. « Je ne veux pas d’un contournement des réseaux de soins par la création d’un réseau de cliniques ! », martèle le Dr Claude Leicher, président de MG France, qui refuse « d’orienter un patient selon sa complémentaire ». Le Dr Éric Henry (SML) pointe du doigt le risque de « détérioration » de la qualité des soins. « Il suffirait de pas grand-chose pour modifier la loi Le Roux, surtout si son auteur a quelques vues sur le ministère de la Santé », analyse aussi le Dr Jean-Paul Ortiz (CSMF), en référence à un éventuel remaniement.
De leur côté, les chirurgiens libéraux craignent, à la faveur de ces nouveaux réseaux de cliniques, une pression directe sur le secteur II dont les établissements labellisés seraient les vecteurs pour garantir un reste à charge nul. « Le piège est posé, insiste le Dr Philippe Cuq, coprésident du BLOC. La dégradation des relations entre médecins et cliniques est pour demain ».
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