Le déconfinement en Europe de l’ouest va-t-il coïncider avec un retour des épisodes de pollution dans nos villes ? La problématique est une question parmi d’autres qui se pose pour l’après-11 mai. C’est en effet un des effets positifs observé pendant la phase aiguë de l’épidémie : un peu partout sur le continent, la qualité de l’air s’est améliorée. Les concentrations de dioxyde d'azote (NO2) ont chuté de 54 % à Paris et d'environ 45 % à Madrid, Milan et Rome du 13 mars au 13 avril, selon l'Agence spatiale européenne.
11 000 vies pourraient ainsi avoir été épargnées en Europe pendant cette période dont 1 230 en France a aussi calculé fin avril une étude du Centre de recherche sur l'énergie et l'air. Selon le CREA, les concentrations de dioxyde d'azote (NO2) et des particules fines PM2,5 ont diminué respectivement de 37 % et 10 % en Europe. Et cette amélioration pourrait aussi éviter 6 000 nouveaux cas d'asthme chez les enfants et 1 900 passages aux urgences pour des crises d'asthme.
Plus de morts qu'avec le palu, le tabac ou l'alcool
La question environnementale est un des enjeux de la reprise des activités qui s’amorce. Et pas seulement sur le court terme. Au regard de l’épidémie de Covid, les questions de l’incidence des particules fines sur l’aggravation de la maladie, voire sur la propagation du virus font en effet encore débat. Quelques études allemandes ou britanniques ont mis en évidence une corrélation entre zones les plus polluées en Europe et incidence de la maladie, mais difficile de savoir si c'est la moins bonne qualité de l'air ou la densité de population qui est en cause dans ces endroits pour expliquer un nombre supérieur de victimes du Covid.
En revanche, les conséquences sanitaires globales de la dégradation de la qualité de l’air sont de plus en plus documentées. Des travaux récents en attestent. La pollution atmosphérique réduirait l'espérance de vie dans le monde de près de trois ans en moyenne, et provoque 8,8 millions de décès prématurés par an, selon l'Institut Max Planck (Mayence, Allemagne). L’étude qu’il a publiée début mars (lequotidiendumedecin.fr, 12 mars 2020) dans la revue Cardiovascular Research montre que la pollution de l'air tue 19 fois plus de personnes chaque année que le paludisme, neuf fois plus que le VIH, et près de trois fois plus que l'alcool…
Dans le détail : maladies coronariennes et AVC représentent près de la moitié de ces décès, maladies pulmonaires et autres maladies non transmissibles comme le diabète et l'HTA constituant la majeure partie du reste. « Nos résultats montrent qu'il existe une "pandémie de pollution de l'air" » commente Thomas Münzel (Institut Max Planck) responsable de cette recherche.
Un plan de relance « vert » ?
Dans ce contexte, la question de l’après crise agite les décideurs, industriels et défenseurs de l’environnement. Les enjeux sanitaires et environnementaux portent sur les conditions de la relance. Le gouvernement a annoncé un plan pour développer le vélo. Au-delà, c’est tout un modèle de développement qui est en cause, avec les lobbies qui s'affrontent déjà.
Le Medef a ainsi déjà réclamé « un moratoire » sur la mise en place des mesures environnementales liées à la loi sur la lutte contre le gaspillage et l'économie circulaire. Dans un courrier daté du 3 avril, adressé à la ministre de la Transition écologique Elisabeth Borne le président de l'organisation patronale, Geoffroy Roux de Bézieux estimait que «la publication de la Programmation pluriannuelle de l'énergie (PPE) et la Stratégie nationale bas carbone (SNBC) doit être reportée » en raison de son « impact très significatif sur les marchés et les acteurs de l'énergie et du climat ».
À l’inverse, pour le Haut conseil pour le climat, il est indispensable de mettre la transition écologique et la réduction des gaz à effet de serre au cœur des priorités. Pour le HCC, qui a présenté le 21 avril 18 recommandations en ce sens, la reprise doit être « verte, pas grise ». Il s'agit de « guider les actions afin que les décisions prises permettent de nous reconstruire de manière plus résiliente aux risques sanitaires et climatiques », explique la présidente du HCC, Corinne Le Quéré.
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