Alors que l'homéopathie subira un déremboursement complet d'ici à 2021, les poursuites ordinales pour non-fraternité à l'encontre des praticiens signataires de la tribune de mars 2018 contre les « fake médecines » suivent leurs cours. Dix médecins franciliens du collectif Fakemed étaient convoqués ce mardi devant la chambre disciplinaire de première instance (CDPI) du Conseil national de l'Ordre des médecins suite aux plaintes déposées par les homéopathes.
Sur la cinquantaine de plaintes déposées par le Syndicat national des médecins homéopathes français (SNMHF), quatre ont été examinées ce matin par la chambre disciplinaire de première instance. Les juges ordinaux devaient étudier les dix affaires dans la journée.
Les médecins face au code de déontologie
Dans la petite salle d'audience, l'atmosphère est plutôt pesante. Accompagnés par leur avocat, les quatre médecins signataires incriminés – les Drs Mathieu Van Dessel, Stéphanie Marsan, Marion Lagneau et Anne-Claire Moreau – ne montrent aucun signe d'inquiétude. Mais au « Quotidien », ils confient ne rien « attendre de cette audience ».
Comme dans les procédures similaires, ces praticiens sont accusés d'avoir méconnu plusieurs principes du code de déontologie en paraphant la fameuse tribune publiée dans « le Figaro » : devoir de confraternité, devoir de prudence et déconsidération de la profession.
« Cette tribune est une atteinte délibérée à la confraternité. On a retrouvé les mots "charlatanisme", les mots "éthique" ou "honnêteté" tournés dans le négatif », accuse le Dr Daniel Scimeca, président de la Fédération française des sociétés d'homéopathie, seul représentant des pro-granules. « La plainte ne porte que sur les éléments de la tribune ayant un caractère diffamatoire et susceptible de déconsidérer la profession et non sur le fond du débat concernant les médecines alternatives dont l'homéopathie », précise le Dr Charles Bentz, président du SNMHF, dans un courrier lu en séance.
Dangereux pour la science...
Cette position est aussitôt contestée par Me Jérémy Afane-Jacquart. « Traiter cette affaire sans parler du fond est difficile », plaide l'avocat de la défense. « Les propos adressés dans la tribune sont des propos impersonnels et scientifiques à l'égard d'un procédé qui ne l'est pas (...) Dire que critiquer un procédé revient à critiquer un médecin et la profession, c'est extrêmement dangereux pour la science », plaide-t-il.
Pendant une demi-heure, Me Afane-Jacquart revient, lui, sur le débat scientifique autour de l'homéopathie. « Sur la fabrication, l'homéopathie n'a pas de concentré actif. C'est une dilution du sucre dans de l'eau. Sur l'efficacité, on sait qu'il n'y a aucune efficacité supérieure au placebo (...) Juridiquement, s'il n'y a pas de propriété ni de procédé actif, cela porte un nom. C'est de l'escroquerie ou du charlatanisme ». « Mais cela ne veut pas dire que les médecins qui pratiquent l'homéopathie sont des charlatans. C'est différent », explicite l'avocat.
Lanceurs d'alerte
Peu de réactions du côté des juges ordinaux. Seules deux questions ont été posées. « Avez-vous rédigé cette tribune contre les médecins homéopathes ou, au contraire, avez-vous fait une action de lanceurs d'alerte vis-à-vis des dangers de l'homéopathie ? », avance le Dr Roger Boillot, assesseur de la chambre disciplinaire. « Pour moi ce n'était pas contre les médecins homéopathes, réplique le Dr Marion Lagneau, gastro-entérologue à Antony. Mais la tribune a été une excellente occasion de devenir des lanceurs d'alerte. Et on a été nombreux à n'avoir pas pris conscience de l'ampleur de cette alerte. »
Une seconde question aux quatre médecins accusés fait bondir la salle. « Quel est l'état de vos diplômes en "homéopathie", en "sciences" ? Vous vous présentez comme des scientifiques, mais vous ne connaissez pas du tout l'homéopathie en fait. Pour pouvoir critiquer, il faut connaître », interpelle le Dr Fatima Bargui, également assesseur. « Les médecins pratiquent nécessairement la science... », rétorque Me Afane-Jacquart.
« Quoi, vous critiquez l’homéopathie et vous n’avez pas de diplôme ?
— FakeMed (@fakemedecine) December 17, 2019
- Si, nous avons des diplômes de docteurs de médecine. Et, comme vous avez pu le lire dans notre rapport, nous avons largement étudié cette invention. »
Au bout de deux heures, la chambre disciplinaire met en délibéré sa décision, qui sera rendue publique dans un mois. La bataille continue.
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