LE QUOTIDIEN : Les « accords de Ségur » signés mi-juillet suffiront-ils à apaiser la colère des soignants hospitaliers ? Des voix réclament déjà un Ségur 2…
OLIVIER VERAN : Avec 8,2 milliards d’euros par an, si le compte n’y est pas, alors il n’y a jamais été dans l’histoire ! C’est la plus forte revalorisation à l’échelle des soignants. On parle de montants qui n’ont jamais été approchés ou même envisagés auparavant. C’est aussi la première fois qu’on a un accord syndical majoritaire dans tous les secteurs : soignants, non-soignants, médicaux et étudiants.
Le choix a été fait par les partenaires sociaux de différencier le moins possible soignants et non soignants. Cela représente plus d’un million et demi de Français parmi lesquels plus de 80 % de femmes. Tous vont recevoir a minima 183 euros net par mois supplémentaires. Pour une aide-soignante normalement à 1 500 euros par mois, cela représente quasiment un treizième voire un quatorzième mois.
Il y a toujours des syndicats qui ne signent pas, et c’est aussi le jeu de la démocratie. Mais je rencontre beaucoup de soignants à l’hôpital et dans les EHPAD et ils sont nombreux à me dire qu’ils n’auraient jamais cru que cet engagement serait tenu … Maintenant, ces mesures, nous les mettons en œuvre.
Vous avez anticipé le versement de la première tranche de revalorisation pour les personnels non médicaux. Qu’en sera-t-il pour les internes et les étudiants ?
Nous avons effectivement décidé, sans qu’on nous le demande, et en concertation avec les organisations syndicales, d’avancer le versement de la première tranche de 90 euros net par mois à tout le monde dès les mois de septembre et octobre au lieu d’attendre mars.
Pour les étudiants en santé et les internes, je vous annonce que les textes seront publiés dans les prochains jours. Je m’apprête aussi à signer le décret sur la première tranche de revalorisation de l’indemnité d'engagement de service public exclusif pour les médecins hospitaliers. La fusion des quatre premiers échelons de la grille de rémunération des praticiens hospitaliers sera appliquée au 1er octobre. Il ne s’est pas écoulé un mois et demi entre la conclusion du Ségur et la signature des décrets. Je ne veux pas prendre de retard.
Qu’allez-vous faire pour les PH en milieu de carrière, qui se sentent oubliés ?
Ce n’est pas moi mais les syndicats, dans le cadre du dialogue social, qui ont dessiné et structuré la répartition de l’enveloppe financière destinée aux médecins hospitaliers. D’autres solutions auraient pu être proposées et nous aurions été enclins à les accompagner. Mais un accord majoritaire a été obtenu dans le cadre de cette enveloppe. On ne va pas refaire les négociations avec ceux qui n’ont pas signé. La partie est terminée, il n’y aura pas de Ségur 2.
Sur le statut unique, la revalorisation de la prime d’exercice territorial ou la reconnaissance des valences non cliniques, les mesures du Ségur vont se décliner très régulièrement. Là encore je veux aller vite mais certains sujets demandent une instruction sur le fond. C’est pourquoi je vais réunir le 23 septembre un comité de suivi du Ségur de la santé, qui permettra de faire un premier point sur les mesures et leur calendrier.
Vous avez pris un engagement fort sur l’emploi hospitalier avec 15 000 recrutements. A quelle échéance ?
Nous ciblerons les postes vacants en priorité, raison pour laquelle nous avons augmenté la formation d’aides-soignantes et d’infirmières. Nous misons aussi sur le renforcement de l’attractivité de ces métiers. Grâce aux augmentations massives du Ségur, des gens vont revenir vers ces voies professionnelles.
Nous allons aussi ouvrir et financer de nouveaux postes pour renforcer les équipes médicales. Tout cela est en cours, les hôpitaux vont être dotés et invités à recruter. Nous demanderons ensuite des comptes pour être sûrs que chaque établissement s’est bien saisi de cette opportunité.
Vous promettez de mettre fin à l’intérim médical. Comment être certain que la surenchère tarifaire va cesser ?
C’est simple, les dérives seront interdites et empêchées : le comptable public bloquera tout paiement qui ne rentre pas dans les clous de la loi. Ce n’était pas le cas aujourd’hui. Cette mesure sera mise en place à l’automne en même temps que la discussion du PLFSS.J’ai une certitude, c’est qu’en laissant perdurer le mercenariat dans sa forme actuelle, on assèche les services et on met en difficulté les hôpitaux. Je le redis : plus aucun moyen ne sera conféré aux hôpitaux pour sortir du plafond fixé par décret. Un médecin pourra réclamer 2 000 euros net pour une garde, il ne sera pas payé au-delà du plafond qui est prévu.
Vous avez souhaité une négociation sur le temps de travail (heures supplémentaires, forfait jour). Cela passera par des accords locaux ?
Sur le temps de travail, on fait le choix de laisser davantage de liberté aux établissements et de valoriser le dialogue social. Une règle qui s’impose nationalement n’a pas de sens. Au sein même d’un hôpital, certains services réclament la journée de 12 heures alors que d’autres n’en veulent pas. Je souhaite qu’on puisse obtenir des accords à l’échelle des établissements. Cela permettra aussi de déclencher les primes d’engagement collectif dans les services. Je crois à cette méthode qui permet de tenir compte des réalités de chaque service et de chaque territoire. Avoir le même fonctionnement dans un gros CHU et dans un hôpital périphérique est illusoire.
Etes-vous favorable au décompte précis des heures travaillées pour les internes ?
Plutôt que le décompte précis, je veux faire respecter le droit et la qualité de formation et de vie au travail en commençant par le repos de sécurité. Lorsque j’étais représentant syndical des internes, le décompte des heures n’était pas une revendication partagée. Dans certaines spécialités notamment en chirurgie, les internes y sont opposés car c’est antinomique de la capacité à se former correctement.
Ce qui est essentiel pour moi – et je ne lâcherai rien – c’est le respect du repos légal de sécurité y compris quand l’interne ne souhaite pas le prendre. J’insiste aussi sur la qualité de la formation. Un interne doit être correctement accompagné et « coaché ».
Enfin, il y a la quantité de travail. Il n’y a rien de plus déshonorant pour le système de santé que d’avoir des internes en burn-out car ils ont trop tiré sur la corde. Le temps administratif derrière un écran d’ordinateur s’est étiré, il faut retravailler cela. Un interne doit pouvoir apprendre et soigner sans devoir partir à 23 h 30 car il n’a pas signé un courrier.
6 milliards d’euros sont prévus pour l’investissement hospitalier. Quand auront lieu les premières transformations ?
Beaucoup de projets sont dans les cartons, il faut que ça dépote ! Il est impossible d’attendre des années pour lancer des travaux. En Lozère, à l’hôpital de Florac, où je suis allé cet été en déplacement, ils attendent depuis plus de 8 ans les travaux, qui seront finis dans plusieurs années. C’est trop lent. Nous travaillons au maximum de simplification pour que cet investissement se concrétise rapidement.
Le thème de l’insécurité revient sur le devant de la scène. Les hôpitaux ne sont pas épargnés. Comment faire face à cette violence notamment aux urgences ?
Aucune violence n’est acceptable, aucune violence n’est légitime, aucune violence ne doit être minimisée. Si le stress d’être victime de violence s’ajoute au stress d’une activité professionnelle déjà très prenante, cela fragilise des gens qui ont une vraie vocation. Pour les responsables, cela relève du droit pénal. Il faut arrêter, sanctionner de façon exemplaire et ne jamais justifier. Appliquons les règles existantes. Il faut aussi sécuriser les services d’urgences les plus à risque, par exemple en les réorganisant avec un interphone pour sélectionner les personnes qui entrent.
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