C’est la mesure phare de l’avenant 8, signé le 25 octobre. À mi-chemin entre secteur I et II, le contrat d’accès aux soins (CAS) bientôt proposé aux médecins à honoraires libres doit répondre concrètement à la commande politique de François Hollande d’une modération tarifaire (dépassements maîtrisés). Mais cette option n’entrera en vigueur au 1er juillet que si un tiers des médecins éligibles y adhèrent. Pas si simple.
DEPUIS deux mois, le volet punitif de l’avenant 8 nourrit la polémique entre les syndicats médicaux et l’assurance-maladie. Combien de spécialistes seront-ils sanctionnés pour des abus tarifaires ? Comment interpréter le repère de 150 % ? Quelques centaines de médecins sont en réalité visés, une infime minorité.
Un autre volet de l’accord, beaucoup plus structurant, est pour l’instant passé sous silence : le contrat d’accès aux soins (ou CAS). Pierre angulaire de l’avenant, ce nouveau contrat de régulation, cousin du défunt secteur optionnel mais à vocation beaucoup plus large (toutes les spécialités sont concernées, pas seulement les plateaux techniques), est aujourd’hui un point d’interrogation. Les médecins à honoraires libres et à dépassement permanent vont-ils y adhérer ? Cette option va-t-elle faire un flop, comme le suggèrent les Cassandre ?
Quatre mois pour convaincre.
Pour entrer en vigueur au 1er juillet, le contrat devra avoir été souscrit par au moins un tiers des médecins éligibles (1). Dans les semaines qui viennent, les praticiens de secteur II vont donc sortir leurs calculettes et faire un choix personnel souvent délicat, au vu de leur profil tarifaire, de leur taux de dépassement, de leur part d’activité aux tarifs opposables, de leur patientèle.
Consciente de l’enjeu politique, la direction de l’assurance-maladie s’apprête à mettre les bouchées doubles pour promouvoir ce contrat à grande échelle, comme l’explique le directeur de l’assurance-maladie, Frédéric van Rœkeghem, dans un entretien exclusif (lire ci-dessous). Cette option sera proposée aux praticiens de secteur II à partir de début mars, date à laquelle les données relatives à la pratique tarifaire des médecins sur 2012 seront disponibles. Mais déjà, les caisses peuvent enregistrer des pré-adhésions...
Le temps est compté. Quatre mois pour convaincre les secteur II. Le mois prochain, les délégués de l’assurance-maladie rencontreront les libéraux de ville, les médecins-conseils seront sollicités pour les visites auprès des praticiens ayant une activité libérale à l’hôpital. Chaque praticien éligible se verra remettre une pochette pédagogique sur le contrat. Il disposera d’un état des lieux de sa pratique tarifaire 2012 avec son taux de dépassement sur l’année, son taux recalculé, sa part d’activité à tarif opposable. Le médecin accèdera à ces données sur son Espace pro. Une machine de guerre qui rappelle l’opération « CAPI », lorsque la CNAM avait « vendu » avec succès aux généralistes le premier contrat d’amélioration des pratiques individuelles.
Cela suffira-t-il ? Selon la CNAM, 25 113 médecins sur 30 000 remplissent déjà (potentiellement) les conditions du contrat d’accès aux soins (seuls 5 000 praticiens sont hors des clous au regard de leur taux de dépassement supérieur à 100 % du tarif opposable, plafond maximum pour adhérer). Le pari serait donc bien engagé.
Pédagogie...et pression des patients.
Tout dépendra de la perception du contrat. Est-il vraiment attractif, apporte-t-il des garanties suffisantes ? Selon ses avocats, le CAS a été bien « calibré » compte tenu du niveau de dépassement moyen actuel de la grande majorité des spécialistes à honoraires libres. Les allégements de charges (sur l’activité opposable) ne sont pas négligeables. Et les garanties apportées aux patients (remboursement plus élevé, solvabilisation) sont un argument de poids dans certaines zones. La CNAM mise d’ailleurs sur...la pression des patients pour assurer la montée en puissance de ce nouveau secteur.
Mais la concrétisation d’une signature conventionnelle individuelle est une réalité plus complexe. Dans la période actuelle, les praticiens de secteur II vont y regarder à deux fois avant de basculer, dès lors qu’ils devront s’engager noir sur blanc à stabiliser leur pratique tarifaire sur la durée du contrat. « Dans cette affaire, il va falloir faire preuve de beaucoup de pédagogie, résume lucidement Michel Chassang, président de la CSMF. Nous avons besoin du gouvernement, de la CNAM mais aussi des complémentaires qui doivent accompagner ce contrat ». L’UMESPE, branche spécialiste de la CSMF, pousse ses troupes à adhérer. « J’appelle les médecins de secteur II à faire un acte de solidarité envers leurs patients et leurs confrères de secteur I en signant le contrat d’accès aux soins d’ici le 1er juillet », affirme le Dr Jean-François Rey, président de l’UMESPE.
Au SML, autre signataire de l’avenant 8, la posture du nouveau président sur ce dossier en dit long sur les tiraillements. À peine élu, le Dr Roger Rua a pris ses distances avec le contrat d’accès aux soins, contesté en interne. « Nous avons une différence d’appréciation avec la CSMF, explique-t-il. L’effet d’aubaine de ce dispositif ne durera pas, car les charges, elles, continueront de croître. Nous n’allons donc pas promouvoir ce contrat, l’adhésion est un choix individuel qui peut aussi se transformer en piège... ». Difficile d’être moins convaincu.
L’UCDF dit non, la Mutualité a des doutes.
L’Union des chirurgiens de France (UCDF, membre du BLOC) a une position tranchée. En page d’accueil de son site, le syndicat de chirurgiens demande aux praticiens de secteur 2 « quels que soient [leur] âge, [leur] région ou [leur] spécialité de ne pas choisir "le contrat d’accès aux soins" qui [leur] sera proposé avec insistance et diligence par [leur] caisse d’assurance-maladie ». Ironiquement, l’UCDF appelle les anciens chefs bloqués en secteur I à rejoindre, eux, cette « usine à gaz », « seul choix que la caisse vous propose ». Le syndicat a déposé un recours contre l’avenant 8.
Quid, enfin, des complémentaires santé, censés promouvoir le contrat ? L’UNOCAM (qui réunit mutuelles, assurances et institutions de prévoyance) reste discrète depuis sa signature. Mais la Mutualité française, poids lourd du secteur, est sortie du bois. Son président Étienne Caniard n’a pas exclu l’échec du futur contrat, faute de carburant pour revaloriser les tarifs Sécu et donc de confiance. « Nous avons soutenu la logique du contrat d’accès aux soins, un système vertueux qui permet de recycler les dépassements en tarifs opposables revalorisés, a-t-il analysé lors d’un récent débat à Paris. Mais faute de marge de manœuvre pour augmenter les tarifs, je ne suis pas sûr que les praticiens concernés aient une appétence énorme pour entrer dans ce système. Je ne suis pas d’un optimisme démesuré ».
Signataires qui doutent, détracteurs offensifs : pour Marisol Touraine, le CAS pourrait se transformer en casse-tête.
(1) Les partenaires peuvent toutefois convenir (par avenant) d’un aménagement de seuil au vu des résultats constatés. L’entrée en vigueur du contrat peut être repoussée jusqu’à l’atteinte du seuil.
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