Dans son communiqué de presse du 16 juillet 2021, la Haute Autorité de Santé considère l’obligation vaccinale pour les professionnels au contact de personnes vulnérables comme justifiée. Elle recommande en outre de mener une réflexion quant à la question de l’obligation vaccinale en population générale et invite « à l’ouverture rapide d’un large débat sur le sujet ». Ce dernier est en effet plus que nécessaire, dans un contexte de négligence récurrente de la démocratie sanitaire depuis le début de cette gestion de crise, comme le déplore le président de la Société Française de Santé Publique. Par ailleurs, l’obligation vaccinale universelle contient deux notions qui devraient nous interpeller à bien des égards : celles d’obligation et d’universalisme.
Il est désormais bien documenté que la crise actuelle ne résulte pas uniquement d’une pandémie infectieuse, mais d’une syndémie multi-factorielle. Cette dernière consiste en une interaction entre un agent infectieux et plusieurs vulnérabilités préexistantes comme l’âge et des maladies non transmissibles (maladies cardio-vasculaires et respiratoires, obésité). Le coronavirus, ces pathologies et ces fragilités se potentialisent, favorisant ainsi les formes graves voire létales de la Covid-19. Les vulnérabilités et les facteurs de risque face à la Covid n’étant pas partagés de manière identique par l’ensemble de la population, une réponse unique et universelle n’a que peu de sens, en plus de questionner quant à son efficacité sanitaire et son efficience en termes de coût pour les finances publiques.
Au regard de ce qui précède, il conviendrait que les mesures mises en place se fondent non pas sur un universalisme absolu mais sur un universalisme proportionné, lequel s’inscrit en cohérence avec les principes de la Charte d’Ottawa pour la promotion de la santé de 1986. L’universalisme proportionné repose sur le déploiement d’actions à la fois universelles et ciblées. Il inclut des mesures de protection adaptées aux vulnérabilités, aux besoins et aux capacités, aux professions ou encore aux lieux de vie. Il devrait constituer le pilier fondamental de toute politique sanitaire. Il permettrait à l’ensemble de la population d'accéder aux programmes de prévention et de soin, tout en accordant une attention particulière aux groupes les plus exposés à un risque - ici l’infection par le coronavirus - et aux plus fragiles. Ainsi, en l’état actuel des connaissances, et au vu du risque très faible pour les enfants de développer une forme sévère ou mortelle de la Covid-19, l’évaluation de la balance bénéfice-risque de leur vaccination ne fait pas consensus dans la communauté scientifique. Une vaccination massive dans cette tranche d’âge dans un contexte encore incertain paraît donc peu adaptée.
Une vaccination universelle illustre une stratégie sanitaire non proportionnée, qui ignore les risques de chacun, les données épidémiologiques dans leur ensemble, les particularités des territoires et des lieux de vie. C’est pourquoi des mesures universelles (comme certains gestes barrières) et des actions proportionnées au risque (vaccination prioritaire des personnes vulnérables et des professionnels exerçant à leur contact, adaptation de poste en cas de facteurs de risque, aide à domicile pour celles et ceux qui souhaiteraient limiter leurs sorties, renforcement des gestes barrières au contact d’une personne fragile) doivent être réfléchies et proposées – plutôt qu’imposées – à la population.
Convaincre plutôt que contraindre
En effet, une prévention efficace passe d’abord par l’adhésion des populations et des professionnels aux politiques de santé publique et aux recommandations sanitaires. Cette adhésion implique d’informer et de sensibiliser les Français, non de les contraindre. Un consentement durable au vaccin et aux dispositifs de prévention est d’autant plus important que la cohabitation avec le Sars-Cov-2 ou d’autres agents pathogènes s’inscrira vraisemblablement dans la durée.
Par ailleurs, le consentement aux soins des individus constitue l’un des piliers de la médecine moderne et s’illustre dans le cadre de l’article 36 du code de déontologie médicale, lequel précise que le médecin doit respecter le refus d’investigation ou de traitements, après avoir informé le malade de ses conséquences. Imposer une vaccination obligatoire, c’est donc courir le risque d’abîmer le contrat de confiance entre le médecin et le patient.
Abîmer ce contrat de confiance médecin-patient, c’est aussi abîmer notre contrat social, institutionnel et démocratique. En effet, l’OMS considère que les décideurs ont le devoir d'examiner attentivement l'effet que l'obligation vaccinale pourrait avoir sur la confiance du public, et en particulier sur le crédit accordé à la communauté scientifique et à la vaccination en général. L’OMS alerte sur le fait qu’une telle politique pourrait altérer la confiance d’une partie de la population, tant vis-à-vis de la vaccination que de l'adhésion à d'autres mesures de santé publique importantes.
Par ailleurs, les considérations éthiques, la nécessité d’un recul suffisant concernant l’innocuité des vaccins, ou encore les questions d’équilibre entre impératif de santé publique et préservation des libertés individuelles et collectives constituent autant de caveats soulevés par l’OMS avant d’envisager une obligation vaccinale universelle.
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