« Si le manque de lits d’hospitalisation en aval des urgences s’aggrave depuis plusieurs années, il est devenu évident depuis l’hiver dernier que certains services d’urgences sont en surcharge permanente. Mais aucun indicateur ne permettait jusqu’ici de quantifier le problème », regrette le Dr François Braun, président de Samu - Urgences de France (SUdF). Or l’encombrement des urgences ne se résume pas à un désordre de brancards dans les couloirs, mais constitue une réelle maltraitance des patients et un élément d’augmentation de la morbimortalité.
Des directeurs mauvais coucheurs
Le « No Bed Challenge » consiste donc à recueillir, au matin pour chaque service d’urgences, le nombre de patients qui devraient être hospitalisés mais qui ne peuvent pas l’être faute de lits. Des patients fragiles, qui passent la nuit sur un brancard ! La participation des services se fait sur la base du volontariat ; actuellement, ils sont 150 à participer régulièrement. On peut donc ainsi suivre au jour le jour sur le site Internet de SUdF (1) le nombre de patients concernés par service, ainsi que les « bons » et les « mauvais » élèves de la semaine et du mois, c’est-à-dire les établissements qui prennent en compte ce problème et ceux qui restent passifs. Les réactions sont mitigées : de nouveaux services d’urgences se joignent en cours de route à cette initiative, mais certains directeurs d’hôpitaux ont essayé d’interdire à leurs urgentistes de donner ces informations. « Cette démarche interroge, c’est notre but », s’exclame le Dr Braun.
S’adapter au vieillissement de la population
Il n’y a pas de cause unique, pas de remède miracle non plus, mais certains hôpitaux ont mis en œuvre des réponses adaptées.
Le discours basique incrimine le manque de lits dans les hôpitaux. C’est vrai pour certains, mais, dans la période de crise majeure qu’on a connue en début d’année, même lorsqu’un hôpital ajoutait des lits, en en mettant deux dans une chambre par exemple, ou en transformant ceux de moyen séjour en lits de court séjour, le problème n’était pas résolu. Ce n’est donc pas tant un manque de lits qu’un déficit de lits disponibles. C’est aussi toute la filière qui est embouteillée par les difficultés de « l’aval de l’aval » et le manque de débouchés pour les hospitalisés vers des lits de soins de suite. « Mais, surtout, l’organisation structurelle de l’hôpital n’est plus adaptée à ces patients venant pour des soins non programmés, souvent âgés et polypathologiques », insiste l’urgentiste.
Il est indispensable pour l’hôpital de se réformer enfin, en partant des réels besoins d’une population qui vieillit. Il est probablement nécessaire d’avoir des services de médecine polyvalente aptes à prendre en charge ce type de patients polypathologiques, ce que réclame d’ailleurs la Fédération hospitalière de France. Avec à l’hôpital des médecins polyvalents, éventuellement des généralistes, et des spécialistes qui interviendraient plutôt comme consultants. On ne peut plus fonctionner sur le modèle archaïque « mes malades, ma spécialité » – sinon, comment prendre en charge un insuffisant cardiaque diabétique décompensé par une infection urinaire ?
Certains hôpitaux se sont réformés, par exemple le CHU de Poitiers, qui maintient toujours des lits disponibles pour les hospitalisations non programmées. « Des solutions existent, mais pour l’instant les interrogations que nous avons soulevées n’ont guère trouvé de réponses », déplore le Dr Braun.
exergue : « Cette démarche interroge, c’est notre but »
Entretien avec le Dr François Braun, hôpital de Metz, président de Samu - Urgences de France
(1) http://nbc.samu-urgences-de-france.fr
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