Entretien

Anne Courrèges : « L’objectif de 5 700 greffes fin 2016 est ambitieux mais atteignable »

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Publié le 22/06/2015
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Crédit photo : AFP

L'agence est chargée de gérer la liste nationale d‘attente de greffe et le registre national des...

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Crédit photo : PHANIE

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LE QUOTIDIEN : L’ABM a 10 ans, « l’âge de la maturité », avez-vous dit lors des journées de l’agence. Qu’est-ce que cela signifie ?

ANNE COURRÈGES : Ces 10 ans sont un cap symbolique. Nous sommes une institution relativement jeune, dans des secteurs d’une très grande technicité et sensibilité, où l’idée de régulation, capitale, n’est pas forcément naturelle : cela nécessite beaucoup de pédagogie et de partenariat. Cet anniversaire révèle l’ancrage de l’agence dans le paysage sanitaire français, permet aux acteurs de faire le bilan, et constitue un tremplin pour se remobiliser.

Marisol Touraine vous a demandé d’atteindre 5 700 greffes fin 2016. On en est à 5 357 fin 2014. Est-ce réaliste ?

Sur les 5 premiers mois de l’année, la tendance reste bonne. L’objectif de 5 700 greffes fin 2016 est ambitieux, mais atteignable si on ne se démobilise pas, car dans ce domaine les tendances s’inversent rapidement. Nous travaillons donc sur la phase de recensement et prélèvement et sur l’organisation. Nous sommes très vigilants à ne pas mettre en concurrence les différentes sources de greffons.

Nous avons beaucoup œuvré pour augmenter le nombre de donneurs vivants pour le rien. Nous en sommes à 16 %, l’objectif est fixé, fin 2016, à 20 %. Nous mettons aussi l’accent sur Maastricht III, qui permet le prélèvement sur des personnes décédées dans le cadre d’une limitation ou d’un arrêt des thérapeutiques. Mais nous ne devons pas relâcher nos efforts sur les autres protocoles de prélèvement. Il faut jouer sur tous les leviers, ensemble.

Quels sont les premiers retours d’Annecy, premier hôpital à expérimenter Maastricht III ?

Les équipes étaient et sont très mobilisées, c’est une condition sine qua non pour entrer dans la phase pilote. Cette expérimentation se révèle un outil de motivation interne, obligeant à ouvrir la discussion entre les équipes et améliorant la qualité de leur organisation.

Nantes et la Pitié-Salpétrière ont intégré le protocole en mai : on commence à avoir un échantillon représentatif, avec un CHU de province, un CHU Parisien, et un CH. Il y aura une évaluation à la fin de l’année et si tout se passe bien, il pourra y avoir une rapide montée en puissance. Cette première année, 4 ou 5 établissements pourraient être pilotes. On n’a pas droit à l’erreur. Tout échec retentirait sur l’ensemble de la chaîne de transplantation.

Comment appréhendez-vous l’évolution qui se dessine dans l’article 46 Ter sur le prélèvement d’organes ?

Nous suivons avec intérêt le projet de loi et nous mobiliserons une fois que le dispositif sera voté pour en assurer la bonne mise en œuvre.

Cette discussion montre à quel point la loi est méconnue. Depuis la loi Caillavet de 1976, nous sommes tous sous le régime du consentement présumé. La loi dit qu’on peut vérifier qu’on n’est pas opposé au don d’organe de son vivant par tous les moyens, notamment le registre national des refus (tenu par l’ABM, et qui compte près de 110 000 noms). Sur le terrain, dans 95 % des cas, l’équipe se rapproche de la famille pour avoir son témoignage sur la volonté de la personne décédée. Le projet de loi réaffirme ce consentement présumé. La nouveauté est qu’il fait du registre du refus la modalité d’expression principale, mais non exclusif. Un décret en conseil d’État, après concertation, explicitera les autres modalités d’expression du refus. Il faudra qu’il soit très clair pour que les médecins sachent quel support consulter en cas de décès.

Le projet de loi redit enfin qu’il faut un dialogue avec les familles, et l’ABM est chargé de proposer des règles de bonne pratique pour encadrer ce dialogue. Nous avons déjà beaucoup de dispositifs de formation des professionnels à l’accompagnement des familles. Nous travaillerons avec les professionnels et les associations.

L’ABM vient de lancer une campagne de communication sur le don de gamètes. Est-ce suffisant pour doubler le nombre de donneuses ?

En 2008, on était à 220 donneuses. Aujourd’hui, nous en sommes à 456, sachant que la prise de conscience remonte surtout à un rapport de l’IGAS de 2011.

Il faut agir sur plusieurs leviers, dont le premier est la communication. Elle est aujourd’hui grand public, avec pour la première fois une campagne radio. En amont, il y a eu un travail pour augmenter le nombre de centres, revaloriser la tarification de la ponction lombaire, et améliorer l’organisation. Nous avons vraiment le sentiment que ce double travail, sur l’offre de soin et l’information, devrait endiguer la pénurie qui touche les dons d’ovocytes, et stabiliser les dons de spermatozoïdes.

Nous avons aussi publié un guide sur la neutralité financière qui s’applique à tout don et l’avons distribué aux associations, aux directions financières des hôpitaux et aux directeurs généraux. Car s’il n’y avait aucune mauvaise volonté, la méconnaissance, encore, entourait ce principe de neutralité.

Le décret ouvrant le don de gamètes aux nullipares, qui devrait être soumis au Conseil d’État prochainement, peut-il ouvrir la voie à l’autoconservation ovocytaire pour raison non médicale ?

En 2011, le législateur a souhaité réduire la pénurie et rajeunir les donneuses, en ouvrant le don de gamètes à des nullipares. Mais il a estimé qu’il y avait un risque d’infertilité secondaire, à la suite de la ponction ovocytaire. Il a donc prévu l’autoconservation, tout en précisant que ces gamètes ne pourront être réutilisés par les donneurs que dans le cadre d’une assistance médicale à la procréation (AMP). Donc on reste dans des indications strictement médicales.

Les centres d’AMP ont été évalués en 2013. Ils vont l’être à nouveau en 2015 : Pourquoi ?

En 2013, nous avons mené une évaluation globale de l’activité de chaque centre. En 2015, nous évaluerons les centres par tentative de FIV pour avoir des données précises. Ce n’est pas une inspection des centres : nous prenons en compte la caractéristique de leur patientèle, afin de les accompagner, qualitativement, vers de meilleurs résultats, partout. Nous n’avons pas la main sur l’offre de soins, en revanche.

Quelles sont vos perspectives dans le domaine de la génétique ?

Il existe 4 centres pour le DPI (diagnostic préimplantatoire). La question se pose d’en ouvrir un cinquième pour réduire les délais d’attente. Mais ce n’est pas si simple : c’est une activité de pointe, très spécialisée. L’alternative pourrait être de mieux organiser l’activité actuelle.

Nous sommes aussi dans la veille et l’anticipation des technologies qui ouvrent l’accès au génome (séquençage haut voire très haut débit). Nous devons participer à la réflexion collective pour voir comment on l’inscrit dans une stratégie thérapeutique et éthique.

Le projet de loi de santé prévoit le transfert à l’ABM de la biovigilance sur le lait maternel, les organes, les tissus, les cellules, et les préparations de thérapie cellulaire. Comment l’appréhendez-vous ?

Cela nous permet d’aller au bout de la logique de nos compétences sur les tissus et les greffes, et d’avoir une vision d’ensemble. Nous réfléchissons actuellement aux moyens d’absorber ces missions à moyens constants.

Propos recueillis par Coline Garré

Source : Le Quotidien du Médecin: 9422