Une étude réalisée chez la souris, et parue dans « Nature Medicine », suggère que des médicaments « sénolytiques » (dasatinib et quercétine) éliminant les cellules sénescentes pourraient allonger la durée de vie en bonne santé.
« Cibler des mécanismes fondamentaux du vieillissement, comme la sénescence cellulaire, pourrait offrir une stratégie pour retarder, prévenir ou atténuer les maladies liées à l'âge dans leur ensemble plutôt qu’une par une », explique au « Quotidien » le Dr James Kirkland, directeur du Centre du Vieillissement à la Mayo Clinic de Rochester (Minnesota, États-Unis) qui a codirigé l’étude. Le but dans le domaine du vieillissement est de prolonger la vie en bonne santé plutôt que la durée de vie seulement. Il semble que, au moins chez la souris, cela serait possible en ciblant des processus fondamentaux du vieillissement. » Le Dr Kirkland déconseille la prise de ces médicaments tant que les essais cliniques n’auront pas apporté la preuve de leur sécurité et efficacité.
Évaluation d'un cocktail sénolytique
« Cette recherche est prometteuse, s’enthousiasme Felipe Sierra, directeur du pôle biologie du vieillissement au National Institute on Aging (NIH, Bethesda, États-Unis). Elle démontre que les sénolytiques peuvent atténuer le déclin de la fonction physique chez la souris. Des recherches supplémentaires seront nécessaires pour déterminer si des agents sénolytiques, comme ceux utilisés dans cette étude, sont sûrs et efficaces dans les essais cliniques humains. »
Les cellules, après divers stress, peuvent entrer dans un état terminal de sénescence, avec perte de fonction, incapacité de se diviser et résistance à la mort par apoptose. Les cellules sénescentes s’accumulent dans de multiples tissus avec l’âge, ainsi que dans les organes affectés par les maladies chroniques, et après radiothérapie ou chimiothérapie. Elles sécrètent des facteurs dont certains sont pro-inflammatoires, et pourraient contribuer au vieillissement.
L’équipe de Kirkland montre que la transplantation d’une petite quantité de cellules sénescentes (injection intrapéritonéale de pré-adipocytes rendus sénescents) chez de jeunes souris suffit pour provoquer un vieillissement accéléré, avec un affaiblissement physique et un ralentissement de la marche en 2 semaines. De plus, on observe une dissémination de la sénescence cellulaire aux tissus de la souris hôte. Une quantité encore plus faible de cellules sénescentes transplantées chez des souris d’âge mûr produit les mêmes effets et réduit leur survie.
Des études cliniques en cours
Les chercheurs ont évalué un cocktail sénolytique : le dasatinib, un inhibiteur de tyrosine-kinase anti-leucémique, et la quercétine, un flavonoïde trouvé sous forme de suppléments et dans des fruits et légumes. Ces sénolytiques peuvent désactiver les voies anti-apoptotiques des cellules sénescentes.
Testés in vitro sur du tissu adipeux humain fraîchement isolé de patients subissant une chirurgie abdominale, ce cocktail sénolytique élimine les cellules sénescentes et réduit les taux des cytokines pro-inflammatoires libérées par ces cellules et associées à l’inflammation tissulaire et à la dysfonction des cellules souches.
In vivo, aussi bien chez les jeunes souris transplantées avec les cellules sénescentes, que chez des souris naturellement vieilles (âgées de 24 à 27 mois, comparable à 75 - 90 ans chez l’homme), l’administration orale de dasatinib et quercétine, deux fois par mois, atténue la faiblesse physique, retarde la survenue des maladies liées à l’âge, et allonge de 36 % la survie post-traitement tout en réduisant de 65 % leur risque de décès.
Des essais cliniques sont en cours pour évaluer chez l’homme le potentiel bénéfice de cette approche, avec le cocktail D+Q mais aussi avec d’autres sénolytiques qui pourraient être encore plus efficaces. De petits essais cliniques ont débuté pour évaluer l’association D+Q chez des patients affectés de maladies chroniques sévères (fibrose pulmonaire idiopathique, maladie rénale chronique) ou chez des survivants de greffe de cellules souches hématopoïétiques.
Nature Medicine, 10 juillet 2018, Ming Xu et coll.
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