Maladies parasitaires négligées

Un prix Nobel pour solder une année riche en reconnaissances

Publié le 17/12/2015
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Crédit photo : AFP

Le coup de projecteur sur les maladies parasitaires a été donné loin des zones d’endémie : À Stockholm, le prix Nobel 2015 a récompensé le travail de 3 chercheurs impliqués depuis des décennies dans la recherche de traitements contre le paludisme et les pathologies à nématodes. Ces travaux ont abouti à la découverte de l’artémisinine par la Chinoise Youyou Tu et à celle de l’avermictine et de son dérivé l’ivermectine par le tandem composé du japonais Satoshi Omura et de l’irlandais William Campbell.

L’avermectine est une molécule isolée à partir de souches de bactéries Streptomyces collectées dans le sol japonais par le microbiologiste Omura. À partir de cette souchothèque, Campbell le parasitologue a mis en évidence l’efficacité chez des animaux de l’avermectine, produit par la souche Streptomyces avermitilis. L’avermectine, et parmi ses dérivés l’ivermectine, ont une efficacité contre les filaires et sont bien tolérés. La molécule a d’abord été utilisée chez l’homme, il y 40 ans, dans un programme d’éradication de l’onchocercose (cécité des rivières), avant d’être étendue au traitement d’autres parasitoses dermatologiques comme la gale, la filariose, l’anguillulose, la larva migrans cutanée, ou la pédiculose du cuir chevelu. Pour le Pr Éric Caumes (APHP) « c’est la magic bullet de la parasitologie ».

La recherche doit continuer

La chercheuse Youyou Tu a été récompensé pour les résultats obtenus dans la lutte contre le paludisme lancée dès le début des années 1980 avec l’artémisine, au moment même où les résistances à la chloroquine faisait son apparition. L’artémisinine, isolée à partir de l’armoise annuelle (artemisia annua), traditionnellement utilisée contre la fièvre, a permis de faire reculer l’endémie palustre d’un tiers dans les années 2000, alors que 200 millions de personnes sont touchées chaque année. Cette molécule est la base des combinaisons à base d’artémisinine (Artemisinin-based Combination Therapies ou ACTs) qui sont aujourd’hui le traitement standard des crises palustres selon l’OMS. En 2011, Youyou Tu avait déjà reçu le prix Lasker, considéré comme un pré-Nobel.

Le fait que le prix Nobel 2015 « soit attribué à des parasitologues qui ont consacré leur carrière à la recherche de traitements pour des maladies affectant des populations pauvres dans des pays à moyens et faibles revenus montre que la Recherche & Développement peut apporter des solutions concrètes à des problèmes de santé public », a souligné le Dr Bernard Pecoul, directeur exécutif de l’Initiative en faveur des médicaments pour les maladies négligées (DNDi ou Drugs for Neglected Diseases initiative). L’initiative que dirige l’ancien de MSF s’appuie aussi sur des partenariats de développement avec des partenaires privés et industriels. DnDi a scellé en mai une collaboration avec un autre acteur non lucratif qu’est Medicine for Malaria Venture (MMV), une autre ONG à Genève, à proximité de l’OMS. DnDi a transféré son portefeuille paludisme riche de 2 combinaisons à dose fixe d’ACTs : artesunate-amodiaquine (ASAQ) et artesunate-mefloquine (ASMQ). MMV va être en charge d’assurer la mise à disposition de ces produits auprès des populations vulnérables.

La reconnaissance par le Nobel de l’artémisinine ne doit en effet pas signer l’arrêt des efforts de recherche. Des foyers asiatiques de résistance apparaissent déjà. Pour Le Pr Bouchaud (Hôpital Avicenne de Bobigny) « il ne faut pas relâcher la recherche, il n’y a pas de molécule de secours ».

Emmanuel Le Poul

Source : Le Quotidien du Médecin: 9459