EN 2011, l’ANSES mettait en évidence des effets sanitaires du BPA « avérés chez l’animal et suspectés chez l’homme, même à de faibles niveaux d’exposition ». Deux ans après, dans une nouvelle évaluation des risques du BPA pour la santé humaine, l’agence donne une estimation précise inédite des expositions réelles, en regardant toutes les sources de contamination : alimentation, inhalation, et voie cutanée.
Pour des raisons méthodologiques, l’ANSES a travaillé uniquement sur « les enfants à naître des femmes enceintes », bien que les nourrissons, les enfants en bas âge, les adolescents, et éventuellement les personnes âgées soient des groupes vulnérables.
Contenants alimentaires, viandes et poissons.
L’alimentation contribue à hauteur de 84 % à l’exposition au BPA des femmes enceintes. Parmi les 300 types d’aliments étudiés, les produits contenus dans des boîtes de conserve ont les plus fortes concentrations de BPA. Ils représentent la moitié de l’exposition alimentaire totale. Les experts ont aussi observé pour la première fois du BPA dans les produits de la mer, la viande et les abats (20 % de l’exposition alimentaire). Une contamination post mortem, après l’abattage, serait plausible, via les ustensiles ou les étiquettes. Les autres aliments contenant du BPA sont victimes d’une contamination ubiquitaire, diffuse.
À côté de l’alimentation, l’air représente 12 % des sources d’exposition au BPA, les poussières, 4 %.
Quels effets ?
Pour identifier les dangers potentiels du BPA, l’ANSES a réalisé une revue complète de la littérature scientifique, comprenant les rapports des organismes internationaux et les travaux académiques jusqu’en juillet 2012. Sans écarter aucune étude a priori, l’agence a évalué leur robustesse et en a tiré 4 types d’effets critiques : sur le cerveau et le comportement, l’appareil reproducteur femelle, le métabolisme et l’obésité, et la glande mammaire. Pour chacun, l’agence a produit des repères toxicologiques d’effets, c’est-à-dire une dose interne, de l’ordre du µm/kg/j, au-delà de laquelle le risque existe.
Selon les experts les 3 premiers types d’effets sont négligeables. En revanche, l’évaluation des doses internes calculées à partir de scénarii d’exposition montre, sans trop d’incertitude*, des dépassements du repère toxicologique de 0,0025 µm/kg/j établi pour la glande mammaire. « Il y a un risque de modification cellulaire de la glande mammaire de l’enfant à naître, qui la rend vulnérable et peut provoquer un développement tumoral ultérieur », affirme Dominique Gombert, directeur de l’évaluation des risques.
Bonbonne d’eau et tickets de caisse
L’agence a approfondi des scenarii plus spécifiques. Les experts ont ainsi montré qu’une femme enceinte sur son lieu de travail, consommant plus de 5 gobelets d’eau issue d’une bonbonne en polycarbonate approche le repère toxicologique. « C’est si proche qu’on peut dire qu’en une journée, elle risque de dépasser le repère toxicologique » avec son alimentation, estime Dominique Gombert. Le responsable indique par ailleurs que des professionnels manipulant du papier thermosensible, comme une caissière enceinte, dépassent aisément les seuils pour les 4 effets identifiés (cerveau, appareil reproducteur femelle, métabolisme et glande mammaire).
Prudence sur les substituts.
73 alternatives au BPA existent, selon le directeur de l’ANSES Marc Mortureux. « Il n’y a pas à ce stade un substitut universel qui se substituerait au BPA, mais des alternatives éprouvées selon les usages », déclare-t-il. Sans s’intéresser à la faisabilité industrielle, l’ANSES recense 21 familles de substituts pour le polycarbonate, 18 pour les contenants, et 34 pour le papier thermique. « Nous n’avons pas d’information sur toutes les substances, mais sur 50 tickets de caisse analysés, 1/3 ne contenaient ni BPA ni BPS », précise Dominique Gombert. « La réglementation devrait conduire à s’assurer de l’innocuité des substituts. Les données que nous avons sur les autres bisphénols ne permettent pas d’évaluer leur toxicité, mais l’agence n’encourage pas à les utiliser », a précisé Marc Mortureux. Tous auraient des propriétés estrogéniques.
Redéfinir les doses admissibles.
Suite à l’avis de 2011 de l’ANSES, la réglementation nationale avait interdit au 1er janvier 2013 le BPA dans les contenants alimentaires pour enfants en bas âge, et, au 1er janvier 2015, dans tous les contenants. Le député socialiste Gérard Bapt demande une campagne d’information sur les risques issus de l’alimentation, avec le concours des acteurs de la maternité et de la petite enfance.
La ministre de l’écologie Delphine Batho a fait savoir qu’elle proposerait à la commission européenne d’interdire le BPA dans les tickets thermiques.
L’autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) devrait donner un avis sur les perturbateurs endocriniens (PE) à l’automne. Mais le débat scientifique continue sur les critères de définition des PE. L’ANSES espère la mise à jour d’un cadre commun avant la fin de l’année, avec notamment une révision critique des doses journalières admissibles (DJA) fixées par l’EFSA. L’agence française a notamment choisi des repères toxicologiques 5 000 à 20 000 fois inférieures à ceux de la DJA, une initiative qu’a salué le Réseau environnement Santé. « Ce nouveau rapport constitue un clair désaveu de l’EFSA tant dans son maintien d’une DJA qui n’assure pas la sécurité des consommateurs que dans son obstination à ignorer la science moderne propre à la perturbation endocrinienne » a déclaré le président de RES André Cicollela.
*Niveau de confiance modéré, dans une triple classification : limité
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