« Les médecins sont les premiers à prendre en charge les conséquences du changement climatique sur la santé de leurs patients. Ils doivent participer à la prise de conscience de leurs patients, des organisations médicales professionnelles, et des acteurs politiques », a déclaré le Dr Patrick Bouet, président du Conseil national de l'Ordre des médecins, en prélude à une matinée de réflexion sur « Santé et Climat ».
Deux ans après l'accord de Paris, l'appel du « Lancet » à considérer le changement climatique comme une « urgence médicale », « l'enjeu sanitaire le plus important du XXI siècle », et celui de l'Organisation mondial de la santé (que le CNOM avait signé), le message peine à passer. « Longtemps, le changement climatique a été envisagé sous l'angle environnemental. Aujourd'hui, nous savons que c'est un problème de santé publique » constate Anneliese Depoux, co-directrice du centre Virchow-Villermé, et docteur en sciences de la communication. Les données existent : la mortalité causée par la pollution tue trois fois plus que le sida, la tuberculose, et le paludisme réunis, rappelle-t-elle. Évènements climatiques extrêmes, impact sur la santé mentale, les maladies cardiovasculaires et respiratoires, les allergies, les migrations, la malnutrition, augmentation de la capacité vectorielle du moustique Aedes aegypti à transmettre la dengue (+ 9,4 % depuis 1950)... Entre 2007 et 2016, le nombre d'articles scientifiques sur le lien entre santé et climat a plus que triplé. « On ne peut pas dire qu'on ne sait pas », poursuit la responsable. Pourtant « l'argument sanitaire ne perce pas, les individus continuent à penser qu'il n'y a pas de conséquences directes sur leur santé ». Selon le centre Virchow-Villermé, seulement 2 à 5% de l'ensemble des articles sur le changement climat évoque la santé publique.
Une prise de conscience est urgente et le CNOM entend y participer, en s'associant au « Lancet Countdown », (« compte-à-rebours »), qui retrace les progrès réalisés depuis l'accord de Paris, grâce à une collaboration entre 24 établissements universitaires et organisations intergouvernementales (Cf encadré).
Les jeunes médecins en renfort
« Dire que l'enseignement sur santé et climat est mauvais en Europe est trés sympathique, car ce serait reconnaître son existence », ironise Hélène Rossinot, interne en médecine-Santé publique, fondatrice d'Euronet Platform, membre du réseau européen des internes de santé publique et de la commission des jeunes médecins du CNOM. Plus sérieusement, « aucun interne de santé publique n'a jamais entendu parler du changement climatique lors de ses études de médecine », regrette Hélène Rossinot.
Or à l'avenir, les médecins devront prendre en charge les zoonoses, les parasitoses, et plus largement les pathologies des réfugiés climatiques, repérer dengue, chikungunya, zika et autre Ebola, voire exercer une médecine de catastrophe, avertit l'interne en santé publique. « Le changement climatique et la santé mondiale doivent figurer dans toutes les études scientifiques, notamment dans le tronc commun de médecine », plaide-t-elle. Autres propositions : valoriser les coopérations avec l'international et les stages à l'étranger, et réussir à faire de la prévention, non plus une incantation, mais une bonne pratique.
Mais dès aujourd'hui, les médecins ont un rôle à jouer pour sensibiliser leur patientèle, ont insisté les intervenants. « Un médecin peut dire à son patient qu'il est plus touché par les particules fines dans sa voiture qu'à vélo, ou lui exposer les "cobénéfices" d'une moindre consommation de viande, pour lui et pour la planète », avance Anneliese Depoux. Pas besoin d'être alarmiste, enchérit Hélène Rossinot, qui suggère de jouer sur la corde du bien-être et de l'environnement pour toucher sa patientèle (à défaut d'émouvoir en évoquant les drames en Afrique).
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