À trois jours du scrutin

Le mouvement de l’histoire

Publié le 03/05/2012
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Crédit photo : AFP

LES RÉSULTATS du premier tour n’ont pas été, à proprement parler, catastrophiques pour Nicolas Sarkozy. On peut même dire que, pour un président sortant qui, pendant toute la durée de son mandat, a subi les attaques les plus violentes, il ne s’en est pas sorti si mal. Il a certes mérité quelques-uns des assauts livrés contre lui, mais il n’avait pas tout à fait tort de dire, pendant la campagne officielle du premier tour, qu’il était seul contre tous et que les candidats les moins populaires, loin de parler de leurs programmes, se sont tous essayés à l’antisarkozysme, seul moyen pour eux d’exister. Sans l’absoudre pour ses erreurs, qui ont été multiples et parfois confondantes, on reconnaîtra volontiers que les crises à répétition ne lui ont pas facilité la tâche. Il a certes la manie de l’inexactitude, de la simplification, parfois du mensonge. Mais, si la France était prospère, le peuple lui aurait tout pardonné.

Le temps de la gauche ?

En prolongeant cette analyse, on est en mesure de croire que la crise a constitué le seul facteur sérieux de la défaite qui s’annonce pour la droite, sauf si l’électorat change d’idée dans les trois jours qui viennent, ce qui serait miraculeux pour M. Sarkozy, mais demeure fortement improbable. La crise a renforcé la gauche parce qu’elle est la seule alternative en dehors de l’extrême droite. Une gauche qui n’a pas gouverné depuis 1995 mais qui n’a cessé de monter à la faveur de chaque scrutin intermédiaire, qui a remporté les régionales, les municipales, les cantonales, qui est déjà majoritaire au Sénat, dans les conseils généraux, dans la plupart des villes, une gauche qui tient en quelque sorte tout le maillage politique du pays. Combien de temps encore les Français pouvaient-ils tenir cette gauche à l’écart de la présidence et de la majorité parlementaire ? Certains penseront que le pouvoir UMP, usé par de si longues années de gestion difficile, doit céder la place à la gauche. Il est déjà cerné par ses succès électoraux. C’est le principe même de l’alternance.

UN « PRINTEMPS » QU’ANNONÇAIENT BEAUCOUP D’HIRONDELLES

Dans ce cas, même si M. Sarkozy était un meilleur gestionnaire de la crise que ne le serait M. Hollande, et même si le président sortant avait géré le pays à la façon de Jacques Chirac, c’est-à-dire sans faire de vagues, n’aurait-il pas été condamné par la vague montante de l’alternance ? Pour mieux raisonner, envisageons l’hypothèse d’une victoire de M. Sarkozy dimanche prochain. En dehors de l’UMP (et peut-être du MoDem), le mot d’ordre était de le battre. Même les syndicats, sortant d’une réserve dans laquelle ils auraient dû rester, ont demandé à l’électorat de voter contre le président sortant. Si M. Sarkozy l’emportait dimanche, la frustration des composantes de la gauche serait indescriptible. Commencerait alors une période d’instabilité incompatible avec la résolution de la crise : M. Sarkozy obtiendrait-il une majorité à l’Assemblée ? Les syndicats ne lui réserveraient-ils pas un « troisième tour social » en septembre, comme ils l’ont fait avec le gouvernement Juppé pendant la très longue grève de la fin de 1995 ?

Ces considérations n’empêcheront aucun citoyen de voter selon ses convictions. Si le chaos suit la réélection de M. Sarkozy, il peut se produire après l’élection de M. Hollande, surtout si ses décisions sont attaquées par les marchés. D’autant que les prévisions les plus lugubres sont en général les plus erronées. Aucune fatalité ne décide à la place de l’électeur. À droite, on nous prédit le chaos si M. Sarkozy perd. À gauche, on nous prédit la même chose s’il gagne. Avant le scrutin, ce n’est pas ce qu’ils disent qui compte, c’est la quantité d’espoir, justifié ou non, qu’ils insufflent en chacun d’entre nous.

RICHARD LISCIA

Source : Le Quotidien du Médecin: 9122