Retour sur la gestion des crises H1N1 et chikungunya

Le politique a-t-il agi sous la peur ?

Publié le 30/09/2013
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DOMINIQUE DE VILLEPIN fait appel à lui en 2006 pour gérer la crise du chikungunya. Antoine Flahault est alors en poste à l’OMS. Au plus fort de l’épidémie, en février 2006, une réunion au sommet se déroule dans l’avion qui les mène à la Réunion. L’épidémiologiste est assis aux côtés de Dominique de Villepin et de Xavier Bertrand, alors ministre de la Santé. Le Premier ministre interroge le médecin. Doit-il tenir un discours de vérité à son arrivée sur l’île? « Il voulait donner le nombre exact de morts. Je lui ai déconseillé de le faire », relate Antoine Flahault, hanté par l’épisode de la canicule. Sept ans après les faits, il s’explique : « Il ne faut pas vendre de la peur. Mais c’est peut-être pire de minimiser le risque et de vendre de l’imprécision ».

Pas simple, pour le politique, de placer le curseur au bon endroit. La peur a aussi ses vertus : elle permet de maintenir la vigilance. La France a-t-elle surjoué la peur par rapport à l’OMS qui tenait un discours plus rassurant ? Pas forcément, nuance Antoine Flahault, qui rappelle qu’il y a tout de même eu une surmortalité de 33 % à la Réunion pendant l’épidémie.

Quand Bertrand vide des soucoupes.

Second épisode, en septembre 2006. Le froid s’est abattu sur la Réunion, la crise du chikungunya est retombée. Mais peut-elle flamber de nouveau ? Xavier Bertrand s’en inquiète. L’élection présidentielle approche. La droite redoute un télescopage potentiellement ravageur. Flahault, interrogé par le ministre de la Santé, lui conseille de mener une opération de communication savamment orchestrée, en jouant – un peu – sur la peur des Réunionnais. Et c’est ainsi que Xavier Bertrand se rend à la Réunion, et, face aux caméras, renverse des soucoupes pour donner l’exemple. La population l’imite et fait la chasse aux eaux stagnantes dans les maisons. Assez pour éliminer les larves de moustiques et endiguer l’épidémie ? Le comportement des habitants a peut-être été décisif. Toujours est-il qu’il n’y a pas eu de seconde flambée épidémique sur l’île de la Réunion.

L’autre leçon, tirée cette fois de l’épisode H1N1, c’est que les prévisions informatiques ont leurs limites. « Je ne pensais pas que cette grippe pourrait faire 500 000 morts, mais il aurait pu y en avoir 30 000 », déclare Antoine Flahault. Il y eut finalement 300 décès. « Il est très difficile de dire si tous ces millions d’euros pour le vaccin ont été un gâchis ou pas. On ne pouvait pas prévoir la virulence du virus. La modélisation informatique s’est complètement trompée », conclut l’ancien directeur de l’école des hautes études en santé publique (EHESP).

* La 5e édition "Convention on Health Analysis and Management" a été organisée par le Pr Guy Vallancien à Chamonix les 27 et 28 septembre.

 DELPHINE CHARDON

Source : Le Quotidien du Médecin: 9267