DES FAITS pour tordre le cou aux rumeurs. À l’issue de l’adoption par le Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques de leur rapport d’information sur l’évaluation de l’aide médicale d’État, Claude Goasguen, député UMP, et Christophe Sirugue, député PS, ont fait preuve d’une belle unanimité sur un sujet « ô combien polémique », selon leur propre expression. « Dans une période préélectorale, c’est bien de fournir à nos concitoyens un élément objectif qui fera référence et qui permettra d’éviter des débats exagérés dans un sens ou dans un autre », a indiqué le premier. C’est d’ailleurs lui qui a voulu ce rapport mis au programme du CEC en février 2010. « Lorsque j’ai commandé ce rapport, mon objectif était de calmer les rumeurs. J’en ai assez en matière d’immigration, de nationalité et de tous ces sujets qui tournent autour de la présence des immigrés dans ce pays », assène-t-il.
Christophe Sirugue ne dit pas autre chose. Selon lui, il était nécessaire de « tordre le cou à l’idée que la fraude soit à l’origine des difficultés de financement de l’AME », de « tordre le cou à l’idée selon laquelle il y aurait des cohortes de personnes inscrites derrière un bénéficiaire » et de « tordre le cou à l’idée selon laquelle les dépenses des personnes bénéficiant de l’AME étaient considérablement plus importantes que les autres. »
Autant d’arguments entendus, « même dans l’enceinte de l’hémicycle », a expliqué le député PS, et qui poussent « un certain nombre de Français à des positions injustifiées », a poursuivi son collègue UMP.
Leurs investigations ont duré un an : une dizaine d’auditions, dont celle de l’Institut de veille sanitaire (InVS) et de la Direction de la recherche, des études, de l’évaluation et des statistiques (DRESS), mais aussi des auteurs du précédent rapport de l’IGAS-IGF de 2010 sur l’AME et des associations ; des déplacements dans deux hôpitaux d’Île-de-France et deux caisses d’assurance-maladie. Ils ont également interrogé au moyen de questionnaires toutes les caisses primaires et consulté toutes les enquêtes sur le sujet.
Pas d’explosion des dépenses.
La première de leurs recommandations affirme « la nécessité du maintien de l’AME », le dispositif répondant, selon eux, aux impératifs humanitaires et de santé publique. Toutefois, ils remettent en cause les modalités de sa gestion.
Le rapport confirme en effet la « forte hausse » mais pas « l’explosion » des dépenses consacrées à l’AME, de 377 millions d’euros en 2005 à 623 millions en 2010. Celles-ci devraient encore augmenter, selon les estimations fixant le budget 2011 de l’AME à 640 millions.
Comme l’a souligné Christophe Sirugue, le rapport rejette plusieurs idées fausses circulant sur les causes de ces dépenses. La majorité des bénéficiaires le font à titre individuel, pour eux seuls (titre d’admission sécurisée avec photographie du bénéficiaire). C’était le cas pour 81 % des 227 705 personnes qui bénéficiaient du dispositif en septembre 2010, seulement 8,9 % avaient un seul ayant droit et moins de 5 % en avaient deux. De plus, les fraudes sont limitées (0,3 % selon la CNAMTS) et la consommation moyenne est constante depuis 2001, avec cependant une hausse plus forte en 2009.
En revanche, deux éléments principaux sont à l’origine d’une inflation des dépenses : l’augmentation du nombre de bénéficiaires, de 79 000 en 2000 à 189 000 en 2005 et 227 000 en 2010 ; et les conditions de facturation hospitalière. Le premier est lié au nombre plus élevé du nombre des ressortissants communautaires, des demandeurs d’asile (20 % entre 2007 et 2008) mais aussi aux dysfonctionnements dans les conditions d’application de la procédure « étranger malade », avec un basculement au profit de l’AME. La transposition en 2007 d’une directive européenne de 2004, qui indique qu’un ressortissant communautaire inactif ne peut s’installer en France et se prévaloir d’un droit au séjour s’il ne dispose pas d’une couverture maladie, a notamment eu des répercussions sur le budget de l’AME.
Consultation de prévention.
Toutefois, « le problème majeur de l’AME est un problème de transfert de charges, essentiellement hospitalières, qui devraient normalement être gérées par la sécurité sociale et l’assurance-maladie », a relevé Claude Goasguen. Le surcoût est estimé entre 150 à 200 millions (soit un cinquième de la dépense totale de l’AME) chaque année.
Les bénéficiaires de l’AME ont certes recours à la médecine de ville mais la majeure partie des dépenses correspond à des prestations hospitalières (trois-quarts de la dépense totale). L’introduction de la tarification à l’activité pousserait les hôpitaux confrontés à des difficultés financières à mieux rechercher les personnes qui ont droit à une couverture-maladie, la tarification à l’activité n’étant pas appliquée aux bénéficiaires de l’AME. Ces derniers sont facturés sur la base d’un « tarif journalier de prestation » (TJP). Or des disparités énormes existent : « En 2010, le tarif journalier de prestation était de 1 380,69 euros à l’AP-HP contre 410 euros au centre hospitalier d’Aulany-sous-bois », a indiqué Claude Goasguen. À Paris, par exemple, moins de 1 % des bénéficiaires de l’AME concentrent la moitié de la dépense hospitalière. Le rapport note que les patients relevant de l’AME sont hospitalisés plus longtemps que les autres, du fait de problèmes sociaux rendant incertaine leur prise en charge à l’extérieur mais aussi parce que « la facturation en forfait journalier n’incite pas les hôpitaux à chercher rapidement une structure d’aval ». Le rapport estime, comme l’avait déjà fait l’IGAS en 2010, que le TJP est devenu « une variable d’ajustement des recettes de l’hôpital dans des conditions manquant de transparence ».
Les députés proposent donc un abandon progressif de la TJP et l’adoption d’une tarification de droit commun par groupe homogène de séjour (GHS). La mise en place d’une visite de prévention obligatoire à l’entrée du dispositif réalisé par un médecin généraliste ou dans un dispensaire figure également parmi leurs propositions.
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