Les discriminations envers les LGBT altèrent fortement leur santé, Santé publique France lance une campagne grand public

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Publié le 17/05/2021

Crédit photo : Santé publique France

Les discriminations liées à la sexualité et l’identité de genre impactent la santé mentale, alerte le dernier Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) de Santé publique France (SPF), publié à l’occasion de la Journée mondiale contre l'homophobie, la transphobie et la biphobie, ce 17 mai. La réduction de ces inégalités est « un enjeu de santé publique », a interpellé la Pr Geneviève Chêne, directrice générale de SPF, lors d’un point presse, alors qu’un quart des personnes transsexuelles, par exemple, ont déjà renoncé à consulter un médecin.

Malgré une évolution de la société française, passée de la pénalisation de l’homosexualité (jusqu’en 1982) à la pénalisation de l’homophobie, « préjugés et violences subsistent au quotidien », a souligné Élizabeth Moreno, ministre déléguée chargée de l’Égalité femmes/hommes, de la Diversité et de l’Égalité des chances. Avec un risque de suicide « 4 fois plus élevé chez les homosexuels et 7 fois plus élevé chez les transsexuels », les discriminations ont des répercussions durables sur la santé mentale et physique, a poursuivi la ministre, rappelant qu’il n’y a « rien à guérir dans l’homosexualité » et qu’elle travaille, avec le ministère de la Justice, sur une circulaire de rappel de la condamnation des thérapies de conversion.

Des « répercussions délétères et durables sur la santé »

L’état des lieux de SPF est « sans appel », et donne à voir des « discriminations durables », alors que la santé sexuelle est un « déterminant de la santé globale », a également rappelé le Pr Jérôme Salomon, directeur général de la Santé, lors d’un point presse, insistant sur la formation des soignants à ces enjeux.

SPF a ainsi compilé plusieurs enquêtes permettant d’objectiver les discriminations subies par les LGBT. Ainsi, en 2017, 28 % des hommes ayant des rapports sexuels avec des hommes (HSH), interrogés lors de l’enquête « Rapport au sexe » de SPF, déclaraient avoir subi des injures ou des agressions liées à leur orientation sexuelle au cours de l’année écoulée (20 % dans un lieu public, 10 % sur le lieu de travail ou d’études et 9 % au sein de la famille). En 2016, l’enquête SexoFSF révélait que 20 % des femmes ayant des rapports sexuels avec des femmes (FSF) avaient été victimes d’injures, de mépris ou de harcèlement dans l’espace médical et 46 % dans l’espace public. Le constat est plus alarmant encore concernant les personnes transsexuelles : en 2014, 85 % déclaraient avoir été victimes de transphobie au cours de leur vie et 37 % au cours de l’année écoulée.

Ces discriminations ont des « répercussions délétères et durables sur la santé », observe Nathalie Lydié, responsable de l’unité santé sexuelle de SPF. Les analyses issues du Baromètre santé 2017 montrent, chez les lesbiennes ou bisexuelles, des prévalences accrues des épisodes et des symptômes dépressifs par rapport aux hétérosexuelles (respectivement 13 % vs 8 % pour les épisodes dépressifs caractérisés – EDC- et 24 % vs 13 % pour les symptômes dépressifs), des pensées suicidaires (13 % vs 5 %) et des tentatives de suicide (2 % vs 0,4 %). Le constat est similaire chez les hommes pour les prévalences des symptômes dépressifs actuels (8 % vs 4 %), de l’EDC (15 % vs 6 %), des idées suicidaires (9 % vs 4 %) et des tentatives de suicide (0,9 % vs 0,3 %).

Ces populations déclarent par ailleurs de plus fortes consommations d'alcool, de tabac et de substances psychoactives et connaissent des prévalences élevées de VIH et d’autres infections sexuellement transmissibles (IST). Les HSH représentent ainsi 43 % des découvertes de séropositivité déclarées entre janvier 2019 et septembre 2020. Les FSF sont 12 % à rapporter une IST dans les cinq dernières années contre 3 % des femmes hétérosexuelles.

Dialogue difficile avec les professionnels de santé

Malgré ces caractéristiques, le dialogue avec les professionnels de santé reste difficile, entraînant des « prises en charge non optimales », voire des renoncements aux soins, alerte Nathalie Lydié. Selon l’étude étude EgaLe-MG, menée auprès de 1 610 FSF et 1 625 HSH, 49 % des femmes et 40 % des hommes déclarent n’avoir jamais parlé de leur orientation sexuelle avec leur médecin traitant. Et 81 % des femmes et 79 % des hommes indiquent que le médecin ne leur a jamais posé la question.

En conséquence, les besoins spécifiques de ces populations sont mal pris en compte, alors même que « de nombreuses recommandations de santé leur sont spécifiquement adressées », rappelle une note de synthèse de SPF. En 2016-2017, l’étude HOMOGEN réalisée auprès de 1 879 HSH révèle qu’un médecin informé de l’orientation sexuelle de son patient donne « plus volontiers des informations sur les IST (66 % vs 25 %), propose deux fois plus souvent un dépistage des IST ou la vaccination contre l’hépatite A », poursuit la note. Par ailleurs, les propos ou gestes perçus comme déplacés ont des conséquences sur le recours aux soins. Parmi les FSF interrogées en 2011 dans l’enquête Press Gay et Lesbienne, plus d’un tiers (36 %) n’avaient par exemple jamais consulté pour raisons gynécologiques, 60 % n’avaient jamais eu de frottis cervico-utérin et 90 % n’avaient jamais eu de dépistage de chlamydia.

C’est dans ce contexte que SPF lance une campagne grand public, à partir de ce 17 mai et pendant 3 semaines. Sous le slogan « Face à l’intolérance, à nous de faire la différence », un spot sur la chanson « Nous les amoureux », hymne à l'amour réprimé des couples homosexuels, sera diffusé à la télévision. Ce clip est accompagné d’un hashtag (#JeFaisLaDifférence), de podcasts diffusés sur les réseaux sociaux et d’affichages dans l’espace public et dans la presse nationale et régionale.

Présentée comme l’« acte I » du Plan national d’actions pour l’égalité des droits, contre la haine et les discriminations anti LGBT +, lancé le 14 octobre 2020, cette campagne « bienveillante » vise un double objectif de prise de conscience, a expliqué la Pr Geneviève Chêne : dire aux LGBT que « les discriminations ne sont pas invisibles », et à tous la nécessité de lutter contre les stéréotypes et les discriminations. Malgré une meilleure acceptation des minorités sexuelles au sein de la société, il s’agit de « passer une marche supplémentaire », appuie Nathalie Lydié, qui décrit une campagne encourageant les « dynamiques de soutien ».


Source : lequotidiendumedecin.fr