En France, entre le 1er mars et le 12 mai, 125 enfants présentant une maladie de Kawasaki atypique ont été identifiés dont un est mort à l'âge de 9 ans, selon Santé publique France (SPF). Plusieurs cas similaires ont été rapportés à l'étranger, notamment au Royaume-Uni et en Italie où des clusters ont été décrits dans « The Lancet ». Le lien entre ce syndrome inflammatoire sévère et l'infection Covid-19 semble se resserrer.
En France, SPF estime pour l'instant à 52 % le nombre de cas confirmés parmi les 125 enfants atteints, certains résultats étant encore en attente. Dans une première prépublication française (1) sur « MedRxiv », l'équipe de l'hôpital Necker-Enfants malades à Paris décrit quant à elle dix-sept enfants, âgés en médiane de 7,5 ans, admis dans leur centre entre le 27 avril et le 7 mai 2020 pour une forme atypique de maladie de Kawasaki. Une infection Covid-19 a été confirmée pour 82 % d'entre eux, par RT-PCR ou sérologie. Des résultats plus complets sont attendus dans les prochains jours.
Des sérologies positives au SARS-CoV-2
Une étude britannique (2) présente huit cas d'enfants âgés de 4 à 14 ans pris en charge à l'hôpital pédiatrique Evelina London Children’s au Royaume-Uni sur une période de 10 jours à la mi-avril. C'est ce cluster d'enfants présentant un choc hyperinflammatoire et des caractéristiques similaires à une maladie atypique de Kawasaki qui a incité l'équipe londonienne à donner l'alerte au niveau national avant que l'alerte ne soit donnée en France également. Parmi les huit enfants - tous présentant une sérologie d'anticorps dirigés contre SARS-CoV-2 positive -, un enfant de 14 ans est décédé. Il ne présentait pas de comorbidités mais avait un IMC de 33.
Dans l'étude italienne (3), dix enfants de 7,5 ans en moyenne ont été diagnostiqués entre le 18 février et le 20 avril 2020 au sein de l'unité pédiatrique de l'hôpital Papa Giovanni XXIII à Bergame. Dans ce même service, 19 enfants d'âge moyen de 3 ans avaient reçu un diagnostic d'une maladie proche de Kawasaki avant l'épidémie, entre le 1er janvier 2015 et le 17 février 2020. L'incidence de ce syndrome est ainsi 30 fois plus élevée depuis l'épidémie selon les auteurs.
Les tests sérologiques ont montré que huit des dix enfants avaient été infectés par le SARS-CoV-2. Ces enfants avaient par ailleurs un taux d'atteinte cardiaque plus important que ceux de l'autre groupe. « Nous avons donc montré que le SARS-CoV-2 peut provoquer une forme grave de la maladie de type Kawasaki », concluent ainsi les auteurs italiens.
« Le lien entre ce syndrome atypique et l'infection Covid-19 se confirme », indique au « Quotidien » le Pr Damien Bonnet, chef de service de cardiologie pédiatrique à l'hôpital Necker-Enfants malades. Dans son service où 43 jeunes patients ont été pris en charge ces dernières semaines, 98 % des enfants pris en charge en soins intensifs se sont révélés positifs au SARS-CoV-2 (essentiellement via des tests sérologiques). Selon Santé publique France, cette maladie inflammatoire survient en moyenne quatre semaines après l’infection par le SARS-CoV-2.
Des atteintes digestives au premier plan
« Que ce soit en France, en Italie, au Royaume-Uni ou aux États-Unis, le tableau clinique est le même : il s'agit d'une maladie inflammatoire très sévère, avec une fièvre prolongée, une asthénie profonde et des manifestations variées, avec des atteintes digestives au premier plan, mais aussi des atteintes cardiaques, des éruptions cutanées, des ganglions et parfois des symptômes respiratoires et rénaux, explique le Pr Bonnet. L'atteinte cardiaque correspond à une dysfonction du ventricule gauche essentiellement, liée à un œdème aigu du cœur, et associée dans une majeure partie des cas à un collapsus qui justifie le passage en réanimation ».
Cette présentation a déjà été décrite dans la maladie de Kawasaki mais est habituellement exceptionnelle. Actuellement, elle concerne deux tiers des patients selon le cardiologue. Les autres enfants présentent des formes moins sévères sur le plan cardiaque et réanimatoire, proche de la forme typique de la maladie de Kawasaki.
« Un traitement par immunoglobulines et par corticoïdes, identique à celui mis en place pour une maladie de Kawasaki, permet d'atténuer l'inflammation, même si des passages en soins intensifs ou en réanimation de quelques jours ont pu être nécessaires pour les patients sévères, indique le Pr Bonnet. Quelques enfants ont eu besoin d'une assistance circulatoire ».
Pas de comorbidités associées
Par ailleurs, la survenue de cette forme atypique de la maladie de Kawasaki n'est pas associée à la présence de comorbidités. « De nombreux éléments laissent penser que la maladie de Kawasaki est liée à la présence d'un pathogène, et nous pensons qu'un terrain génétique peut rendre susceptible de développer ce type de réaction inflammatoire. C'est probablement le cas ici », estime le Pr Bonnet. L'étude française et l'étude britannique montrent notamment une surreprésentation des enfants de type Afro-Caribéen.
« Ce syndrome reste rare, et nous n'avons pas observé d'accélération du nombre de cas au cours des trois dernières semaines, précise le cardiologue pédiatrique. De plus, le fait d'alerter la communauté pédiatrique sur l'existence de cette forme a sans doute permis d'adresser plus précocement les patients vers des unités adaptées ».
(1) J. Toubiana et al., MedRxiv, https://doi.org/10.1101/2020.05.10.20097394, 2020.
(2) S. Riphagen et al., Lancet, https://doi.org/10.1016/S0140-6736(20)31094-1, 2020.
(3) L. Verdoni et al., Lancet, https://doi.org/10.1016/S0140-6736(20)31103-X, 2020.
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