Mener des actions de prévention, apprendre à détecter un confrère en souffrance, l'informer sur les dispositifs d'aide… L'assistance aux praticiens en souffrance gagne du terrain comme l'ont expliqué plusieurs médecins et représentants des pouvoirs publics lors de la conférence « Soigner les soignants », récemment organisée à Paris par l'Association d'aide aux professionnels de santé et médecins libéraux (AAPML).
Le Dr Jacques Morali, président de la commission d'entraide au Conseil national de l'Ordre des médecins (CNOM), a souligné combien l'action était nécessaire pour prévenir les situations de vulnérabilité des praticiens. Les résultats de l'enquête réalisée par le nouvel Observatoire de la santé des médecins sont en effet édifiants.
Selon cette enquête à laquelle ont répondu près de 11 000 médecins (généralistes, anesthésistes-réanimateurs, psychiatres, obstétriciens et médecins du travail), révèle que 2 786 d'entre eux se déclarent en moyenne ou mauvaise santé. Un quart de ces médecins sont porteurs d'une affection longue durée, comme une tumeur maligne (30 %), ou une maladie coronaire (11 %).
De plus, 722 remplissent les trois critères révélateurs d'un burn-out (épuisement professionnel, manque d'accomplissement, dépersonnalisation des relations avec les patients) et 28 % ont déjà eu des idées suicidaires. Enfin, 80 % seraient favorables à une requalification professionnelle. « Nous avons un gros travail à faire car personne n'utilise cette possibilité de requalification qui existe au sein de l'Ordre », a regretté le Dr Morali.
Le dialogue, la première des armes
Plusieurs pistes d'actions ont été présentées pour améliorer la situation. Une fédération de sept associations* d'entraide a été annoncée lors du colloque.
Le Dr Thierry Lardenois a rappelé que la caisse autonome de retraite des médecins de France (CARMF), qu'il préside, possède depuis 1954 son propre fonds d’action sociale. « Ce fonds repose sur une vraie solidarité, nous pouvons intervenir ponctuellement, pour aider les médecins, prendre en charge leurs cotisations, mais aussi sur la durée en proposant l’hospitalisation aux médecins malades et en aidant leurs enfants de plus de 25 ans en cas de décès par exemple », a indiqué le Dr Lardenois. En 2014, 3 539 dossiers avaient été traités et 2,27 millions d’euros d’aides accordés dans ce cadre.
Le Dr Valérie Auslender, auteure d'« Omerta à l'hôpital », a pointé les nouvelles organisations managériales de l'hôpital et la loi du silence qui y sévit. « Les doyens doivent s'emparer de ce phénomène, il faut laisser s'exprimer les étudiants et mener des actions de prévention », a exhorté la généraliste rattachée à Sciences Po Paris.
Marie Pezé, psychologue et psychanalyste, a insisté sur l'importance d'établir le dialogue avec le praticien surmené. « Lorsqu'on a la tête dans le guidon à cause du travail, on développe une petite surdité ou une cécité face aux problèmes des autres », a-t-elle développé.
La souffrance au travail peut être liée à une erreur médicale. Là encore, le Dr Jean Thévenot, gynécologue-obstétricien et président de l'association Mots, a appelé à « la compassion et à l'attention entre collègues », mais aussi à former les médecins à ces risques. Au CHU de Montpellier, un dispositif piloté par le Pr Sébastien Guillaume, psychiatre a été mis en place après le suicide d'un anesthésiste-réanimateur en 2010 pour « former, accompagner les médecins face à l'erreur médicale, dépister les circonstances qui peuvent y mener ».
Plus récemment, les pouvoirs publics se sont aussi engouffrés dans la brèche. La HAS planche sur des critères de qualité de vie au travail depuis 2013, en collaboration avec l'Agence nationale pour l'amélioration des conditions de travail (ANACT). Le ministère de la Santé s'est également emparé du sujet ces derniers mois, en mettant en place une « stratégie nationale d'amélioration de la qualité de vie au travail » avec un volet hospitalier et un autre invitant les praticiens de ville à se doter d'un médecin traitant.
* l'AAPML, Mots, ASRA (Rhône-Alpes), ARENE (Est), ERMB (Bretagne), APSS (rattaché à la CARMF), et la commission nationale d'entraide de l'Ordre.
L’Académie de médecine s’alarme du désengagement des États-Unis en santé
Un patient opéré avant le week-end a un moins bon pronostic
Maladie rénale chronique : des pistes concrètes pour améliorer le dépistage
Covid : les risques de complications sont présents jusqu’à trente mois après hospitalisation