LE QUOTIDIEN : Quelle est la situation dans la région d'Idlib dans le nord-ouest de la Syrie ?
Dr RAPHAËL PITTI : C'est un véritable drame humanitaire qui se déroule actuellement. Avec le soutien des Russes, le régime syrien a quasiment récupéré l'ensemble du territoire syrien, à l'exception de la province d'Idlib qu'il est décidé à reprendre. Idlib est censée être une zone sécurisée, mise en place à la demande des Turcs pour limiter l'afflux de Syriens en Turquie. Plus de deux millions de réfugiés internes s'y trouvent.
Dès le mois d'avril 2019, les bombardements ont commencé dans la région, visant en particulier les structures médicales : plus de 80 d'entre elles ont été ciblées en 2019. Les multiples opérations menées par le régime ont acculé près de 900 000 Syriens contre la frontière nord de la Syrie, au niveau de la Turquie.
Comment s'organise l'aide humanitaire ?
L'Organisation des Nations unies (ONU) est chargée d'assurer l'approvisionnement des populations déplacées dans la zone d'Idlib. Une résolution permet l'ouverture de corridors humanitaires à travers la Turquie. Tous les ans, cette résolution est présentée au Conseil de sécurité des Nations unies et prolongée d'un an. En décembre 2019, la Russie et la Chine ont mis leur veto à son prolongement. Finalement, deux corridors sur quatre ont été autorisés mais pour une durée limitée de six mois.
Des associations humanitaires locales se sont créées et jouent le rôle d'intermédiaire entre les humanitaires en Turquie qui amènent les ravitaillements à la frontière via les corridors et les populations déplacées. Ces associations recensent les besoins dans les villages, vont chercher les ravitaillements et les redistribuent.
L'Union des organisations de secours et soins médicaux (UOSSM) et l'ONU ont mis en place des cliniques mobiles pour éviter les bombardements et aller vers les populations déplacées. Nous [l'UOSSM] avons aussi créé dès 2012 un hôpital au poste frontière de Bab Al Hawa. Il s'agit d'un hôpital de niveau 4 qui permet de réaliser des opérations chirurgicales spécialisées. L'UOSSM est présent aussi dans des centres de soins.
Les Turcs ont par ailleurs toujours laissé leurs frontières ouvertes pour évacuer les blessés les plus graves liés à la violence des combats.
Quels sont principaux risques auxquels font face les populations ?
Nous sommes face à une population déplacée et concentrée en situation de grande précarité et en danger sur le plan médical, avec beaucoup d'enfants. Tout est désorganisé, l'aide humanitaire peine à être distribuée.
Selon une étude que nous avons réalisée l'an dernier dans les camps de réfugiés, 54 % de la population présentent un état de malnutrition, en particulier les enfants. En cause : une alimentation pas assez diversifiée, beaucoup d'hydrates de carbone, un manque de vitamines… À cela s'ajoute le contexte hivernal, avec des températures négatives, de la neige et de la pluie. La plupart des réfugiés dorment sous tente, sans chauffage. On assiste à des drames humains : des personnes meurent de froid.
Le risque épidémique est aussi à craindre dans une population en situation de promiscuité. Les violences empêchent l'ONU et l'Organisation mondiale de la santé de mener des campagnes de vaccination avant l'hiver. Le risque de rougeole notamment est donc très important. Le risque de méningite est également présent, tout comme le risque de pathologies saisonnières virales, comme la gastro-entérite.
Quelle est la position de la France ?
Ni la France ni l'Europe ne réagissent alors que l'on est face à une catastrophe humanitaire qui mériterait une mobilisation internationale. Nous aurions aimé qu'une trêve soit obtenue, voire une « safe zone » le long de la frontière avec un non-survol aérien. Mais beaucoup préfèrent regarder ailleurs en se disant que la guerre sera de toute façon terminée dès lors que le régime de Bashar al-Assad et Vladimir Poutine auront récupéré cette zone. J'ai le sentiment que cette population est sacrifiée.
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