Le Grenelle des violences conjugales a impulsé la facilitation des signalements, la protection des victimes de violences conjugales et le suivi des auteurs. Ce dernier point vient de voir son illustration à Bordeaux, avec l’inauguration du Centre de prise en charge des auteurs (CPCA), à l'occasion de la Journée internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes le 25 novembre. Son objectif : limiter la récidive dont le taux national est de 40 %.
La force et l’originalité de ce nouveau CPCA résident dans son pilotage par deux entités complémentaires : le centre hospitalier (CH) psychiatrique Charles-Perrens de Bordeaux pour le volet sanitaire et l’association Groupe SOS pour le volet social.
Démarche volontaire de prévention
Situé dans un endroit tenu secret du CH Charles-Perrens, pour éviter toute stigmatisation, le CPCA accueille les auteurs de violences conjugales sous contrôle judiciaire, bénéficiant d’alternatives aux poursuites ou condamnés. Il va également recevoir des personnes craignant un passage à l’acte ou souhaitant engager une démarche volontaire de prévention. Pour elles, le Groupe SOS vient de mettre en place un accueil téléphonique spécifique (3).
La prise en charge des auteurs débute par une évaluation médico-psychologique et sociale qui vise à dépister d’éventuels troubles psychiatriques, addictions ou psychotraumatismes, pris en charge dans des filières existantes. Elle s’intéresse aussi à la personnalité des auteurs (image du couple, des rapports homme/femme, gestion des émotions…) et leur insertion sociale.
Ensuite, une commission oriente chaque personne vers un parcours adapté. Le CPCA propose des groupes thérapeutiques de parole, destinés à amener (en six à huit séances) l’auteur vers la reconnaissance de son acte, de sa responsabilité, avec le soutien d’autres hommes vivant une expérience similaire. « Le groupe permet de libérer sa parole, sans se sentir jugé, précise le Dr Florent Cochez (4), psychiatre, médecin légiste et co-coordinateur du CPCA. Et les personnes qui ont davantage de recul entraînent les autres. Un peu comme chez les alcooliques anonymes. » Ce travail peut être complété par une prise en charge individuelle, du couple ou de la famille.
Parallèlement, le Groupe SOS assure l’accompagnement social et professionnel des auteurs (travail, ressources, hébergement) : « Prendre en charge les auteurs, c’est dans bon nombre de cas, éviter que les femmes aient à quitter le domicile et se précarisent », précise Gaëlle Tellier, membre du directoire du groupe SOS.
Un centre déjà sous-dimensionné
Le financement du CPCA du Centre Nouvelle-Aquitaine est assuré par le service des droits des femmes et de l’égalité, le CH Charles-Perrens, l’association Groupe SOS et les usagers (le suivi est payant). Son budget de 405 000 euros lui assure six ETP dont un seul psychologue et un psychiatre à mi-temps. Ce qui est insuffisant. En effet, après quelques mois de fonctionnement, le CPCA s’avère sous-dimensionné face à l’explosion des violences conjugales. Les chiffres sont édifiants, comme l’a rappelé Frédérique Porterie, procureure de la République de Bordeaux : « Les plaintes et PV pour violences intrafamiliales sont passées de 1 900 en 2019, à 2 459 en 2020. Et pour 2021, nous en sommes à 2 700 pour les huit premiers mois. »
« Notre projet a vu le jour avant l’explosion des violences intrafamiliales, notamment pendant le confinement, reconnaît la Dr Chantal Bergey (5), psychiatre et coordinatrice du CPCA. Il a été dimensionné pour suivre une trentaine d’auteurs à l’année… Nous ne nous attendions pas à avoir autant de suivis longs et de situations complexes à évaluer. » Le CPCA du Centre Nouvelle-Aquitaine semble ainsi déjà condamné à revoir les modalités de tri de ses patients et à rechercher de nouveaux financements.
(1) Le CPCA de Bordeaux Centre Nouvelle-Aquitaine couvre les départements de Gironde, Dordogne, Lot-et-Garonne et Charente-Maritime. Deux autres CPCA sont en activité à Pau et à Limoges.
(2) www.groupe-sos.org/le-groupe/
(3) 09 77 38 98 70 du lundi au vendredi, de 9 h à 17 h 30.
(4) Le Dr Florent Cochez est responsable de l’Équipe régionale d’information, d’orientation et de soutien (ERIOS) spécialisée dans le suivi des auteurs de violences sexuelles.
(5) La Dr Chantal Bergey est responsable du Centre régional psychotraumatisme Sud Nouvelle-Aquitaine (CRP) dédié à la prise en charge des victimes de psychotraumatisme.
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